Toulouse, correspondant
Aux confins de l’Aude et de l’Ariège, la petite station de ski de Mijanès-Donezan n’a pu maintenir ouvertes que deux pistes sur onze pour les vacances de février. Et ce grâce aux canons à neige qui équipent depuis 2001 cette station familiale, située entre 1 500 et 2 000 mètres d’altitude, sur un plateau parsemé de forêts et de ruines cathares. Pour tenter de relancer l’activité de cette microstation chroniquement déficitaire, les élus locaux ont prévu une nouvelle extension.
Le projet, validé en mars 2007 par le préfet de région, prévoit la construction d’un téléski et la création de trois pistes supplémentaires pour un montant de plus de 2 millions d’euros. Il est contesté par les militants du Comité écologique ariégeois (CEA), qui dénoncent une « fuite en avant ».
Les opposants rappellent que le conseil général de l’Ariège a déjà dû verser une subvention exceptionnelle de 67 000 euros à la station, victime du manque de neige la saison dernière. Ils soulignent aussi les réserves émises par le trésorier payeur général du département sur l’opération.
Les écologistes sont aussi inquiets pour le grand tétras. Cet oiseau vit dans les bois qui doivent être coupés pour aménager la station. Incapable de voler sur de longues distances en raison de son poids (plus de 5 kg pour les mâles) et de ses ailes atrophiées, cette espèce de coq de bruyère géant est très sensible aux dérangements. Surtout en hiver, quand la nourriture se fait rare et qu’il lui faut économiser de précieuses calories en attendant le retour du printemps. La population de grand tétras, qui a disparu des Alpes durant la dernière décennie, est en chute libre dans les Pyrénées. On n’en recense plus que 3 500 individus, contre 9 000 dans les années 1960.
CANTON DÉSERT
« L’espèce est en sursis », estime Michel Métais, directeur de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui vient d’écrire à Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la forêt, pour lui demander de refuser l’autorisation de coupe des arbres. Une trentaine d’associations de protection de l’environnement ont rejoint le combat local du CEA.
A Mijanès, où l’on attend depuis l’été 2007 le feu vert du ministre pour lancer les travaux, on préfère compter les habitants et les emplois plutôt que les oiseaux. Au dernier recensement, 535 personnes habitaient le canton le plus désert et le plus isolé de l’Ariège. La route départementale qui le relie à Foix par le col de Pailhères est coupée pendant l’hiver. Avec dix-neuf postes, dont quatorze saisonniers, la station est le principal employeur du canton. Un promoteur privé, qui vient de racheter les 350 lits de l’unique résidence de vacances construite par les élus dans les années 1970, promet la création de quinze à vingt emplois supplémentaires.
« Sans la station, on va perdre la gendarmerie et la poste », se désole Georges Vigneau à l’office de tourisme. Pour cet agent de développement local, les écologistes du CEA sont « des intégristes ». Il assure que le déboisement envisagé, limité à 1,5 hectare, ne nuira pas au grand tétras. Des panneaux d’information, des barrières en bois destinées à empêcher le ski hors-piste et des balises rouges fixées sur les câbles du téléski pour éviter les collisions avec les oiseaux ont été intégrés au projet d’extension.
Ces mesures de protection suffiront-elles ? Les naturalistes en doutent. Et s’indignent de constater que la chasse au grand tétras est toujours autorisée en Ariège. Le plan de chasse prévoyait 39 autorisations de tir en 2007. Sauf dans le Donezan, où la population était jugée trop faible.