Mai-Juin 1896
Grève générale du textile à Saint-Pétersbourg (renommée Pétrograd au début de la première guerre mondiale), première action ouvrière coordonnée à grande échelle, qui a pour résultat une législation raccourcissant la journée de travail. C’est la première fois qu’un groupe social est capable de forcer la main à l’Etat autocratique par une confrontation directe.
9 janvier 1905
Dimanche sanglant. Massacre par le gouvernement de manifestants ouvriers pacifiques remettant au tsar une pétition demandant des réformes économiques et démocratiques. Des ouvriers réagissent partout dans le pays par une vague massive de grèves qui déclenche la Révolution de 1905, au cours de laquelle les premiers soviets font leur apparition.
Novembre 1905
Les ouvriers de Pétrograd commencent une grève pour l’introduction immédiate de la journée de huit heures. L’Etat et le capital coopèrent à un lock-out de plus de 100.000 ouvriers. C’est le début de la défaite de la révolution, aidée par l’arrivée de troupes loyales d’Extrême-Orient après la fin de la guerre avec le Japon et par le début d’une dépression économique grave.
Avril 1912
Massacre d’ouvriers en grève sur les champs aurifères de la Lena en Sibérie, coïncidant avec la fin de la dépression. Les ouvriers de toute la Russie, et spécialement à Saint-Pétersbourg, répondent par une vague de grèves massives, dans laquelle les revendications politiques et économiques sont inextricablement mêlées.
1912 - Août 1914
Montée ouvrière importante, suivant la période de réaction de 1907-1911, dirigée aussi bien contre l’Etat tsariste que contre le capital. Les bolcheviks deviennent la force politique dominante dans le mouvement ouvrier. A la veille de la guerre, Saint-Pétersbourg est le théâtre de batailles rangées, avec barricades, entre la police et les ouvriers. Beaucoup d’observateurs trouvent que l’atmosphère rappelle 1905, mais la polarisation entre ouvriers et bourgeoisie est alors beaucoup plus intense.
Août 1914
Début de la guerre. Au début, montée du patriotisme dans la société (beaucoup moins parmi les travailleurs de l’industrie). La mobilisation et la répression sévère mettent fin au mouvement révolutionnaire.
Août 1915 - Février 1917
Croissance continue du mouvement de grève de plus en plus politisé, stimulé par la détérioration des conditions économiques due à une guerre jugée comme impérialiste, ainsi que par une sévère répression politique et dans les usines.
Février 1917
Le mouvement de grève culmine en une grève générale spontanée des ouvriers de Pétrograd, à laquelle se rallie la garnison. A partir de là, la révolution s’étend rapidement à tout le pays, pratiquement sans effusion de sang. Officiellement, le pouvoir est aux mains d’un gouvernement provisoire constitué de politiciens libéraux, représentant les classes possédantes, qui se sont ralliés la révolution à contrecœur une fois après sa victoire. Mais le programme officiel du gouvernement est dicté par le soviet de Pétrograd, assemblée élue de délégués des ouvriers et des soldats. Les dirigeants socialistes modérés du soviet sont chargés par le soviet de « contrôler » le gouvernement bourgeois. Le pouvoir réel est aux mains du soviet, qui seul a la confiance des soldats. Le programme du soviet propose immédiatement une paix démocratique, la distribution des terres à la paysannerie, la journée de huit heures et une république démocratique.
Journées d’avril
La publication d’une note gouvernementale secrète adressée aux Alliés et promettant que la Russie respecterait tous les traités (impérialistes) et continuerait la guerre jusqu’à la victoire déclenche des manifestations à Pétrograd pour et contre le gouvernement, causant les premiers affrontements armés de la révolution. Pour soutenir le gouvernement, les dirigeants socialistes modérés du soviet forment un gouvernement de coalition avec les libéraux. Les ouvriers les appuient au début, pensant que cela rendrait plus efficace le contrôle des soviets sur les libéraux. Mais ils se rendent rapidement compte que les socialistes modérés sont prisonniers des libéraux hostiles au programme du soviet, et les ouvriers commencent à demander le transfert direct du pouvoir aux soviets. En même temps, l’effondrement économique s’aggrave en face de l’inactivité et du sabotage du gouvernement et des patrons, donnant naissance au mouvement pour le contrôle ouvrier. Au début juin, les bolcheviks sont majoritaires dans la section ouvrière du soviet de Pétrograd.
Journées de juillet
Les 3 et 4 juillet, des ouvriers et des soldats, manifestent pour inciter les dirigeants modérés du comité central exécutif des soviets à prendre le pouvoir. Le gouvernement, appuyé par quelques socialistes modérés, répond par la répression contre le mouvement ouvrier et les bolcheviks. La réaction s’installe pour plusieurs semaines.
27-31 août
Insurrection de Kornilov. Le général Kornilov, appuyé par les libéraux, marche sur Pétrograd et tente d’écraser les soviets et autres organisations ouvrières. Mais ses troupes s’évanouissent en cours de route, au fur et à mesure que les ouvriers de Pétrograd se mobilisent pour défendre la révolution.
1er Septembre
De nouvelles élections au soviets donnent la majorité aux bolcheviks chez les représentants des ouvriers et des soldats de presque tous les centres industriels. Les bolcheviks sont le seul parti revendiquant le pouvoir pour les soviets. Les paysans s’emparent de la terre, sans attendre une réforme agraire constamment retardée par le gouvernement de coalition, et les soldats commencent à déserter en masse le front.
25 octobre
Prise du pouvoir par le soviet de Pétrograd. Le lendemain, le Congrès pan-russe des soviets des députés ouvriers et paysans, approuvant l’insurrection, prend le pouvoir et adopte des décrets sur la terre, la paix et le contrôle ouvrier. Les négociations entre les bolcheviks et les socialistes modérés pour la formation d’un gouvernement socialiste de coalition échouent, les modérés rejetant le principe du pouvoir soviétique, c’est-à-dire d’un gouvernement sans représentants de la « bourgeoisie progressiste ». Seuls les socialistes-révolutionnaires de gauche, un parti essentiellement paysan proche des bolcheviks, acceptent de se joindre à une coalition.
12-14 novembre
Après trois ajournements par le gouvernement provisoire, le gouvernement des soviets organise des élections pour l’assemblée constituante. Les bolcheviks obtiennent 23,6 % des voix de l’ensemble et une majorité écrasante parmi les ouvriers. Les socialistes-révolutionnaires populistes sont le parti le plus fort avec 40,9 % des suffrages. (Les mencheviks en obtiennent 3%, les libéraux et partis de droite 8,4 % et les partis nationaux et les musulmans 20,1 %.) Mais une partie importante des voix vont en réalité aux socialistes-révolutionnaires de gauche, qui n’avaient pas été en mesure de présenter leurs propres candidats, la scission officielle avec les socialistes-révolutionnaires de droite n’ayant lieu qu’en septembre.
5 janvier 1918
Dissolution de l’assemblée constituante lorsqu’il devient évident que la majorité modérée issue des élections rejetterait le pouvoir des soviets et opterait à nouveau pour un gouvernement de coalition avec les libéraux.
Mai 1918
Le nombre d’ouvriers industriels à Pétrograd tombe à 143.000 au lieu de 406.000 au début de 1917 et 340.000 au début de 1918 alors que la situation économique s’aggrave. En septembre 1919, seulement 120.000 ouvriers d’usine sont encore employés à Pétrograd. La faim devient chronique dans les villes.
Mai 1918
Une insurrection de troupes tchèques en transit à travers la Russie marque le début de l’intervention étrangère. La guerre civile continue jusqu’à la fin de 1920 et rend impossible toute tentative sérieuse de mettre fin à la crise économique.
Glossaire sur la Révolution Russe
Bazarov = Economiste menchevik-internationaliste. Ex-bolchevik, il travailla au département économique du Soviet de Pétrograd au cours de l’année 1917.11 prônait la « réglementation étatique » comme alternative à l’intervention des comités d’usine dans la gestion.
Cadets = Parti constitutionnaliste démocrate, qui vira de plus en plus à droite après la révolution de 1905 et qui devint le principal parti des classes possédantes après février 1917.
Comité central exécutif des soviets des députés des ouvriers et des soldats (abréviation russe TslK -Tsentral`nyi ispol’nitel nyi komitet) = Organe de direction permanent élu par le premier Congrès pan-russe des soviets des députés des ouvriers et soldats en juin 1917.11 fut dominé par les socialistes modérés jusqu’au second Congrès à majorité bolchevik. La constitution révolutionnaire de janvier 1918 autorisa ce Comité à légiférer entre les sessions du Congrès des soviets.
Comités militaro-industriels = Comités fondés sur l’initiative du gouvernement tsariste en i915 afin de coordonner la mobilisation des industriels (et plus tard des ouvriers) pour augmenter l’effort de guerre. Ils deviennent le point central pour l’opposition libérale, culminant dans la révolution de février 1917, puis défendirent le capital contre les comités d’usine.
Gouvernement de coalition = Une coalition entre libéraux et dirigeants socialistes modérés (mencheviks et socialistes-révolutionnaires) du soviet. Il fut constitué en mai 1917 pour renforcer l’autorité affaiblie auprès des ouvriers et soldats du gouvernement provisoire libéral du prince Lvov-, formé après la révolution de février. Lvov resta à la tête du gouvernement jusqu’en juillet lorsque Kérensky prend sa place comme premier ministre. Le soviet de Pétrograd sous la direction bolchevik renversa ce gouvernement de coalition dans la révolution de novembre 1917.
Groman, V. = Economiste menchevik, chef du département économique du soviet de Pétrograd, qui prônait la i réglementation étatique" de l’industrie.
Journées de juillet = Manifestations d’ouvriers et de soldats armés les 3 et 4 juillet 1918 pour contraindre les dirigeants modérés du Comité central exécutif des soviets à prendre le pouvoir. Malgré les tentatives des bolcheviks de les contenir, ces manifestations prirent un caractère semi-insurrectionnel. Le gouvernement de coalition, soutenu par quelques socialistes modérés, y répondit par la répression du mouvement ouvrier et des bolcheviks, déclenchant une période de réaction qui dura plusieurs semaines jusqu’à la défaite de la tentative de coup d’Etat de Kornilov.
Kerenski, Aleksandr F. = Avocat populiste de droite qui entra au premier gouvernement provisoire en tant que ministre de la justice, puis devint ministre de la guerre et de la marine au gouvernement de coalition de mai 1917, et finalement premier ministre après les journées de juillet. Malgré son rôle ambigu dans l’insurrection de Kornilov, il resta premier ministre jusqu’à la révolution d’octobre.
Konovalov, A.l. = Cadet, industriel et banquier, ministre du commerce et de l’industrie dans le gouvernement provisoire. (11 avait financièrement soutenu les bolcheviks avant la guerre). Il démissionna du gouvernement de coalition fin mai i 917 pour protester contre « I’anarchie » économique, et fut remplacé par l’ingénieur Pal’chinski. A nouveau ministre du commerce et de l’industrie et vice premier ministre en septembre i917, il se rendit au soviet en novembre au nom du gouvernement provisoire.
Kornilov, Lavr G. = Jeune général devenu commandant-en-chef, dirigeant du coup d’Etat de droite avorté des 27-31 août 19i7. Ce coup d’Etat fut soutenu par de nombreux Cadets, et au moins au début il fut bien accueilli par le premier ministre Kerenski. Son échec dû aux soldats et ouvriers armés, y compris des bolcheviks libérés de prison, aida à créer les conditions qui permirent aux bolcheviks d’obtenir la majorité dans les soviets et de renverser le gouvernement de coalition. Après sa fuite de prison, Kornilov mourut en 191 S combattant aux côtés des Blancs au cours de la guerre civile.
Larine, Yu. = Menchevik de gauche qui adhéra au parti bolchevik durant l’été 1917.11 militait dans le mouvement syndical. Fin 1917 et début 1918 il fut l’un des « camarades bolcheviks de droite » qui reculèrent devant une confrontation économique directe avec la bourgeoisie, mais après il devint l’un des fervents défenseurs du « communisme de guerre ».
Lévine, V. = Socialiste-révolutionnaire de gauche, membre du soviet central des comités d’usine de Pétrograd. Il fut l’un des organisateurs de la première conférence des comités d’usine.
Lozovski, A. = Bolchevik et dirigeant syndicaliste. Il s’opposa à l’insurrection d’Octobre. Il fut plus tard chef de l’lnternationale rouge des syndicats (Profintern)
Mencheviks-défensistes = Aile droite du parti menchevik social-démocrate. Les défensistes prônaient une alliance avec des éléments de la bourgeoisie comme condition nécessaire à une révolution bourgeoisie démocratique et rejetèrent une rupture avec les Alliés durant la première guerre mondiale Ils s opposèrent à la révolution d’Octobre, affirmant que les forces socialistes en Russie étaient trop faibles et qu’une révolution mènerait à la catastrophe.
Mencheviks-internationalistes = Aile gauche du parti menchevik social-démocrate. Ils rejetèrent aussi bien les positions des mencheviks-défensistes que celles des bolcheviks sur le pouvoir des soviets. Ils prônèrent un gouvernement de coalition des partis socialistes, mais refusèrent de se rallier à la coalition formée par les bolcheviks et les socialistes-révolutionnaires de gauche après novembre 1917. Leurs positions étant donc ambiguës, ils ne réussirent pas à obtenir un soutien ouvrier significatif. Leur dirigeant le plus connu fut Yuri Martov-.
Milyoutine, V. = Membre du Comité central bolchevik et économiste. Il s’opposa à l’insurrection d’octobre et fut en faveur d’une coalition socialiste, mais devint quand même le premier commissaire du peuple à l’agriculture.
Pal’tchinskii = Ingénieur devenu ministre du commerce et de l’industrie dans le gouvernement de coalition après la résignation dc Konovalov en mai 1917.11 fut un des promoteurs principaux de « décharger » Pétrograd (transférer les usines à la campagne). Gouverneur-général de Pétrograd sous Kerenski au cours de la tentative de coup d’Etat de Kornilov fin août, il fut démis au bout de trois jours lorsqu’il tenta d’interdire le journal bolchevik. Plus tard, il aida à organiser la défense du Palais d’hiver contre l’insurrection d’octobre.
Putilov = Chantier naval de - Section d’une énorme usine à Pétrograd avec plus de 30.000 ouvriers. Bastion socialiste-révolutionnaire au début il fut le centre des activités bolcheviks à partir du printemps de 19 i 7, spécialement au cours des journées de juillet et pendant la résistance contre Kornilov.
Reed, John = journaliste américain radical qui couvrit les révolutions mexicaine et russe. Son livre célèbre intitulé « Dix jours qui ébranlèrent le monde » est le reportage de la révolution d’octobre. Un des fondateurs du parti communiste des Etats-Unis, il mourut en Russie et fût enterré dans le mur du Kremlin.
Ryabouchinski, P. = Banquier et fabricant de textile. Il était célèbre en 1917 pour sa prédiction lors d’une conférence d’industriels selon laquelle "la main osseuse de la faim’’ étranglerait les ouvriers s’ils ne renonçaient pas à leur radicalisme.
Ryazanov, David B. = Militant syndical et socialiste. Au début associé à un groupe situé entre mencheviks et bolcheviks, et collaborateur de Trotsky à Vienne et à Paris avant la révolution, il devient un bolchevik modéré au cours de 1917, quoique opposé à l’insurrection d’octobre. Plus tard chef de l’Institut Marx-Engels, il mourut au cours des purges de Staline.
Schmidt, V. = Ouvrier bolchevik et dirigeant du syndicat des métallurgistes. Il devint commissaire du peuple au travail après la révolution d’octobre.
Skobelev = Dirigeant du groupe menchevik dans la Duma (parlement) pré-révolutionaire, qui devient ministre du travail dans le gouvernement de coalition en mai 1917.11 s’opposa vivement à l’interférence des comités d’usine dans la gestion des industries.
Skrypnik, Nikolai = Bolchevik et dirigeant du mouvement des comités d’usines. Plus tard dirigeant du parti communiste ukrainien, il se suicida en 1933 n’ayant pu empêcher la purge du parti ukrainien par Staline.
Socialistes-révolutionnaires = Parti populiste à base paysanne, organisé au début du 20e siècle comme héritier du mouvement terroriste Populiste (Narodnik) de la fin 19e siècle. Il y eut scission formelle en septembre 1917. Les socialistes-révolutionnaires de gauche étaient proches des bolcheviks après novembre 1917, et se rallièrent au gouvernement de coalition dirigé par Lénine qui dura jusqu’en mars 1918. Les socialistes-révolutionnaires de droite participèrent parfois à la guerre civile aux côtés des Blancs.
Soukhanov, Nicolas N. = Journaliste menchevik-internationaliste. D’abord dirigeant du comité central exécutif des soviets et membre du département économique du soviet de Pétrograd, il écrivit plus tard des mémoires de la révolution en sept volumes.
Soviet central des comités d’usine = Organe de direction permanent des comités d’usine de Pétrograd, élu à la première conférence des comités d’usine en mai-juin 1917. Contrairement au comité central exécutif des soviets dominés par les modérés, le soviet central des comités d’usine fut dès le début sous forte influence bolchevik comme on le voit dans la victoire de la résolution bolchevik qui obtint 335 votes sur 421 à la conférence des comités d’usine qui l’avait élu. Après les journées de juillet. Lénine crut même pendant un certain temps que les comités d’usine plutôt que les soviets formeraient la base d’une insurrection ouvrière.
Sverdlov, Yakov = Président du comité central bolchevik et principal organisateur du parti. Après la révolution d’octobre il devint président du comité central exécutif des soviets. Il mourut durant la guerre civile.
Tchoubar’, V. = Métallurgiste bolchevik et membre du soviet central des comités d usine de Pétrograd.
« Trois baleines » = Piliers du programme bolchevik avant 1917 : république démocratique, Journée de travail de 8 heures et réforme agraire.
Tsereteli, I. = Menchevik géorgien qui devint le personnage principal du gouvernement de coalition. Ex-député de la Duma (parlement) tsariste et orateur remarquable, il fut ministre des PTT puis de l’intérieur, et dirigeant du comité central exécutif des soviets jusqu’en novembre 1917.
TslK = Voir Comité central exécutif des soviets des députés des ouvriers et soldats.