Le PSOE a réussi à gagner les élections générales, profitant largement du « vote utile » et du rejet que suscite le Partido Popular (PP) de la part d’une bonne partie de la société.
Ce parti a profité quant à lui de l’intense mobilisation des forces de droite durant toute la législature écoulée pour maintenir et renforcer ses positions. La carte politique espagnole progresse vers le bipartisme, puisque le PSOE et le PP obtiennent ensemble plus de sièges que jamais, et qu’IU (Izquierda Unida) et l’ERC (Gauche républicaine catalane) perdent une partie de leur espace parlementaire.
IU recule très nettement, abandonnant autant en termes de pourcentages que de sièges (de 5 à 2 député-e-s, dont un seul appartient à la coalition). Cet effondrement sans appel a précipité l’annonce par Llamazares de son retrait du poste de Coordinateur général, mais la réflexion sur cette déroute ne peut se limiter à un changement de tête.
Le projet d’une force électorale à la gauche de la social-démocratie, dont la pratique politique est totalement coupée des conflits sociaux, voilà ce qui a été définitivement enterré : sa proximité du PSOE a achevé d’asphyxier IU, au point de la convertir en une force pratiquement exclue du parlement. L’ERC a également payé cher sa politique hésitante et de pacte avec le parti au gouvernant.
Mais ce qui s’est produit dans ces élections n’est pas non plus sans rapport avec le reflux des mouvements sociaux qui, en dépit de multiples résistances ponctuelles et importantes, s’est poursuivi tout au long de la période de gouvernement du PSOE. Une fois perdue l’impulsion sociale qui avait mené le PSOE au gouvernement, en mars 2004, ce dernier s’est vu assiégé par la droite et a notablement infléchi sa politique. Voilà le parti qui va gouverner aujourd’hui.
Espacio Alternativo considère que ces résultats confirment un glissement général à droite qui ne s’est pas heurté à une opposition de gauche porteuse d’un discours et d’une pratique de lutte cohérents. Face à ce glissement et au durcissement des conditions sociales qu’il annonce, nous croyons que le moment est venu de reconstruire une alternative de gauche anticapitaliste dans l’Etat espagnol.
Celle-ci ne pourra plus être IU - ni aucun projet du même type qui ne fasse pas le bilan des erreurs et des limites inhérentes à cette force - même si elle doit compter sur de nombreux militant-e-s de cette organisation qui partagent une telle analyse de ces années de subordination au social-libéralisme, de retrait des luttes et de crise interne permanente. […]
Pour commencer à construire un tel projet, il est décisif que l’unité se fasse dans les luttes et que les mouvements sociaux occupent de nouveau le terrain abandonné aux mains de la droite. Dans cette perspective, nous lançons un appel à toutes les personnes et organisations de gauche pour renforcer les diverses confrontations en cours contre les politiques néolibérales.
Espacio Alternativo
membre de la Gauche anticapitaliste européenne • 10 mars 2008
* Paru en français dans le périodique suissse « solidaritéS » n°124 (13/03/2008), p.9.
Etat espagnol : bipartisme
Le Parti socialiste (PSOE) a, de nouveau, gagné les élections législatives espagnoles, le 9 mars, avec le même nombre de voix qu’en 2004, mais sans obtenir de majorité absolue. Il aura donc besoin de l’appui ponctuel de partis nationalistes de droite. Le bipartisme entre la droite (Parti populaire, PP) et le PSOE se renforce en Espagne. Des forces comme Izquierda unida (IU) ou les nationalistes catalans de gauche ont été réduites au minimum.
IU est en recul, avec deux députés au lieu de cinq, et elle paye une pratique politique éloignée des conflits sociaux. Les nationalistes de gauche catalans sont également en recul du fait de leur politique hésitante et de leurs tractations avec le Parti socialiste.
Mais le résultat de ces élections n’est pas non plus étranger au reflux des mouvements sociaux qu’a connu le pays au cours des quatre dernières années de gouvernement socialiste, malgré certaines luttes ponctuelles et importantes. Il y a eu un processus de droitisation général, qui n’a pas été endigué par une opposition cohérente de gauche et de soutien aux luttes.
Face à la crise économique qui s’annonce, il est nécessaire de construire une alternative politique de gauche, qui se réfère aux mouvements sociaux et impulse les luttes et les résistances. Une alternative qui soit profondément démocratique, qui fasse ce qu’elle dit et dise ce qu’elle fait. Une gauche qui, sans délaisser les consultations électorales, s’appuie essentiellement sur les mobilisations sociales.
Rouge
* Paru dans Rouge n° 2243 du 13/03/2008.
Elections sur fond de luttes
Les élections législatives espagnoles, prévues le 9 mars, sont caractérisées par une situation de bipartisme entre le Parti socialiste au pouvoir et le Parti populaire, sur fond de renaissance des luttes revendicatives.
De Barcelone,
En Espagne, la législature qui s’achève a connu une phase d’expansion économique s’appuyant sur une politique néolibérale de restrictions budgétaires et salariales, dans la continuité de celle du gouvernement de droite précédent. Par ailleurs, le processus de dégradation du territoire et de ses ressources énergétiques et hydrauliques s’est poursuivi.
Après avoir accepté partiellement quelques revendications – le retour des troupes d’Irak, la loi sur le mariage homosexuel –, le gouvernement Zapatero (Parti socialiste ouvier espagnol, PSOE), a systématiquement reculé face aux mobilisations du Parti populaire (PP, droite). Ces quatre dernières années, l’initiative des actions de rue est restée aux mains de la droite et son action résolue a contribué à l’interruption du processus de paix négocié en Euzkadi, en poussant le PSOE à abandonner les réformes démocratiques pourtant si nécessaires. La droite a fait également pression en défense de l’enseignement religieux et privé, et elle a essayé de bloquer toutes les réformes démocratiques profondes, comme la loi sur le mariage des homosexuels. Le dernier épisode de cette offensive réactionnaire a été sa croisade contre le droit à l’avortement.
La situation n’est pas très propice à la gauche alternative : à la décomposition interne de la Gauche unie (IU) [1] s’ajoute une démobilisation provoquée par les directions syndicales majoritaires et une grande dispersion des luttes. On commence pourtant à voir des conflits sur des revendications offensives, comme celle des travailleurs du nettoyage dans le métro ou des transports urbains de Barcelone. Elles peuvent marquer un point d’inflexion pour une nouvelle période de mobilisation sociale.
Tout indique que le PSOE va de nouveau obtenir un succès électoral. La carte politique espagnole se réduit de plus en plus au bipartisme, et il est probable que les forces minoritaires, de gauche ou nationalistes, veront leurs représentations parlementaires réduites.
L’orientation d’IU a été d’appuyer quasiment toutes les lois proposées par Zapatero et de se conduire comme si elle faisait partie du gouvernement. L’argument est toujours le même : pour empêcher le retour de la droite au pouvoir, il faut soutenir le gouvernement sur presque tout. IU, qui est prête à abandonner tout son programme en échange d’un ministère, a perdu toute crédibilité pour se présenter comme une force incarnant les aspirations à un changement. Malgré tout, le vote pour l’IU pourra être utilisé par de larges secteurs de la gauche comme un moyen de battre la droite sans avoir à voter pour Zapatero.
Il y aura aussi des votes blancs ou des abstentions actives, comme en Euzkadi où l’ANV, force politique de la gauche basque interdite, a réalisé une pétition en ce sens. L’abscence d’alternative politique est si grand et la déception vis-à-vis des partis de gauche si énorme, que le mécontentement peu prendre les formes les plus variées.
Au-delà de ces options de vote, le plus important est le renforcement des luttes qui commencent à apparaître partout : celles des entreprises Seat, Frape ou TMB en Catalogne, la grève générale du 14 mars dans l’enseignement, la lutte pour défendre Candido et Morala dans les Asturies [2], et les luttes qui se développent dans tout l’État pour une vie digne, contre la spéculation immobilière, pour les droits des immigrés, pour la défense des droits des femmes à décider sur leur propre corps, contre l’offensive de l’Église, etc.
Raul Camargo
* Paru dans Rouge n° 2242, 06/03/2008. Traduit par traduit par Jack Radcliff.