La fin de l’« ère Aznar » et l’élection de Zapatero ont ouvert un nouveau cycle politique en Espagne. La première décision forte du gouvernement a été le retrait des troupes d’Irak. Cette prise de distance d’avec le gouvernement étatsunien s’est aussi traduite par une nouvelle politique de négociations vis-à-vis de Cuba, rompant avec la politique agressive d’Aznar. Cette politique s’accompagne aussi d’une politique sociétale audacieuse, visant à défendre le mariage des homosexuels ou à pénaliser les violences faites aux femmes. Mais la nouveauté s’arrête là, car sur le fond de la politique socioéconomique, le gouvernement socialiste de Zapatero défend, comme tous les partis socialistes d’Europe, les canons de la politique libérale. Ce gouvernement épouse non seulement les grandes orientations de construction de l’Europe libérale, mais il vient de prendre de nouvelles initiatives pour opérer de nouvelles privatisations, comme celle de la Renfe (les chemins de fers de l’État espagnol). Il consolide aujourd’hui toutes les mesures prises par le gouvernement Aznar pour flexibiliser et précariser le marché du travail. L’Espagne est un des pays de l’Union européenne qui compte le plus grand nombre de contrats précaires. Le gouvernement Zapatero assume aussi la continuité de la politique de l’État espagnol dans les rapports aux nationalités. Son projet de réforme des statuts d’autonomie des nationalités est conservateur. Enfin, il poursuit sa politique de restriction des droits et libertés démocratiques en Euzkadi.
Le PSOE, appuyé par la Gauche catalane et la Gauche unie, a aujourd’hui une majorité au Parlement. Il a de réelles marges de manœuvre politiques, d’autant que le niveau des luttes et la combativité restent bas, même si dans une série de villes, en particulier à Barcelone, le mouvement alterglobalisation mobilise des franges importantes de la jeunesse. Les forces politiques alternatives, à gauche, sont affaiblies.
C’est dans ces conditions qu’a eu lieu le congrès d’Izquierda unida (Gauche unie), une coalition composée du PCE et d’une série d’associations et d’organisations anticapitalistes, comme les camarades d’Espacio alternativo, courant avec lequel la LCR entretient des relations fraternelles.
Ce congrès a été marqué par des tensions internes extrêmement vives, et une double polarisation. D’abord des contradictions internes au Parti communiste, où des courants et tendances se sont opposés pour garder, ou prendre, le contrôle de la Gauche unie. Mais aussi un débat d’orientation a surgi, impulsé par un courant de gauche animé entre autres par Espacio alternativo (Espace alternatif), sur la question des rapports au gouvernement. Llamazares, coordinateur de la Gauche unie, n’a recueilli que 49,5 % des votes du congrès pour la transformation de la Gauche unie en formation écologiste et socialiste, l’autre tendance animée par l’autre partie du PCE a obtenu 38 %, le courant animé par Espacio alternativo et des courants de lutte de classe locaux comme celui d’Andalousie ont réuni 12,5 %.
Alors que la direction de la Gauche unie et les principales composantes du PCE préconisent le soutien au gouvernement, le courant de gauche a défendu la nécessité de construire une « opposition de gauche » à la politique du gouvernement Zapatero, sur la base de mesures d’urgence sociales et démocratiques, en rupture avec la politique libérale.
C’est dans cette situation de crise du mouvement ouvrier traditionnel, et de présence forte du mouvement alterglobalisation, qu’a eu lieu le quatrième congrès de l’Espacio alternativo. Un congrès de réorganisation, marqué par un rajeunissement important de l’organisation, par une fusion de groupes marxistes révolutionnaires en Catalogne et par une nouvelle dynamique d’intervention. Il s’agit maintenant d’essayer de combiner la construction d’un courant révolutionnaire indépendant qui intervient dans les principaux mouvements sociaux et l’impulsion d’une alternative anticapitaliste au sein de la Gauche unie, pour créer les conditions de convergences anticapitalistes.