La sanction électorale de la droite et du gouvernement Sarkozy-Fillon, lors du second tour des élections municipales du 16 mars dernier, a été une bonne nouvelle. Elle doit donner confiance à tous ceux et toutes celles qui résistent depuis plus de huit mois à leur politique antisociale. Surtout que la seule leçon qu’ils tirent de leur « claque électorale », c’est qu’ils doivent aller plus vite dans la destruction de nos acquis sociaux. D’ores et déjà, le gouvernement a décidé d’un calendrier de régression sociale. L’un des deux premiers dossiers sur la table porte sur la nouvelle réforme des retraites, également appelé « grand rendez-vous » de 2008 sur les retraites. Un « rendez-vous » prévu dans la loi Fillon de 2003…
D’ici avril, doivent se tenir des rencontres entre le ministre du Travail, Xavier Bertrand, et les syndicats. Xavier Bertrand, rappelons-le, avec l’aide de certaines directions syndicales, a mis fin aux régimes spéciaux des cheminots, des agents de la RATP et des électriciens-gaziers, mais qui a oublié de s’attaquer à ceux des sénateurs, des députés ou des ministres ! Ce qui prouve, une nouvelle fois, que ce gouvernement dirige pour sa classe et non pour la majorité de la population. À la suite de ces rencontres, le gouvernement devrait préciser officiellement son projet.
Ce projet est déjà connu, puisque François Fillon, en pleine lutte pour la défense des régimes spéciaux, nous a annoncé la couleur. Le « grand rendez-vous de 2008 » a pour but d’allonger la durée de cotisation à 41 ans, pour l’ensemble des salariés, du privé comme du public, puisque maintenant, au nom de l’équité, nous sommes tous au même niveau. Quant à lui, le patronat, principal allié du gouvernement, aimerait un allongement à 42 ans et faire reculer l’âge du départ à la retraite à 62 ans, voire 65 ans.
Sera-t-il, comme dans la plupart des dossiers, une nouvelle fois entendu par le gouvernement ? Pour faire aboutir cette nouvelle attaque contre nos retraites, le gouvernement, certains économistes et le patronat vont de nouveau nous sortir leur bonne vieille rengaine : le fameux problème démographique. Et donc nous redire que, puisque nous vivons plus longtemps, il faut que nous travaillions plus longtemps ! Logique non ? Ce nouveau projet, dans les faits, n’a pas grand-chose de nouveau. Il s’inscrit dans une attaque globale, qui a débuté en 1993 avec les réformes Balladur contre les salariés du privé, faisant passer le nombre d’annuités de 37,5 à 40 ans. Elles se sont poursuivies par les accords de 1996 sur les retraites complémentaires, en 2003 contre les fonctionnaires, avec la mise en place de décotes, autrement dit des baisses de pensions supplémentaires pour les salariés en dessous des annuités requises. Et enfin, en 2007, contre les salariés des régimes spéciaux. Toutes ces mesures ont un point commun : faire baisser les retraites pour, en même temps, baisser le coût du travail dans son ensemble et développer les retraites par capitalisation.
Alors, contrairement à ce que nous dit le gouvernement et le Medef, les moyens pour financer nos retraites existent : ce sont les richesses produites, qui ne cessent d’exploser ! Il faut prendre sur les profits, augmenter les cotisations patronales, les salaires et partager le travail en travaillant moins pour travailler tous et toutes. Il est possible de faire d’autres choix de société, où l’on répartirait autrement les richesses pour en profiter tous et toutes. Seul un mouvement unitaire d’ensemble, pourra faire reculer Sarkozy et Fillon sur ce dossier central.
L’urgence actuelle est donc bien à la riposte unitaire. La gauche sociale et politique doit s’unir pour défendre les retraites, dès la première mobilisation du 29 mars prochain, appelée par la CGT, la FSU et Solidaires. Au vu des conditions, cette journée d’action est très positive, et elle doit être plus qu’une réussite. Mais ce seul rendez-vous sera loin d’être suffisant pour faire reculer le gouvernement. Après sa claque électorale aux municipales, nous devons lui mettre une bonne gauche. Pour cela, nous devons développer un affrontement social. Car c’est bien sur le terrain social que va se jouer la suite cruciale du rapport de force engagé cet automne. Il est donc clair que l’attitude des directions syndicales, des partis de gauche sera déterminante. À l’heure actuelle, peu d’organisations syndicales veulent aller véritablement dans ce sens. Sur le plan politique, la fin des élections semble avoir sonné la fin de l’opposition du Parti socialiste à la politique de Sarkozy. Le PS nous demande, bien gentiment, d’attendre 2012 ! Et pourtant, il est impératif de se mobiliser, si nous voulons réellement rendre illégitime ce gouvernement, refuser le cadre des « réformes » et se préparer aux résistances sociales. Ce gouvernement doit battre en retraite. C’est le moment d’agir.
Joséphine Simplon (Premier plan)
DROITE : L’heure des comptes
Après la défaite qu’a subie la droite aux élections municipales et cantonales, l’heure est aux règlements de comptes au sein de la majorité. Confrontés aux contradictions de la situation, Sarkozy et son gouvernement s’apprêtent à siffler la fin de la partie.
Si les fidèles de Sarkozy ont cherché à minimiser les dégâts pour la droite, martelant qu’il ne fallait pas tirer de « leçons nationales » d’un « scrutin local » et que, finalement, ces élections n’étaient qu’un « rééquilibrage » par rapport aux municipales de 2001, nombre de voix discordantes se sont fait entendre au sein même de la majorité. Alors que le président du groupe UMP à l’Assemblée, Jean-François Copé, conseillait au gouvernement de faire preuve de « plus de lisibilité », Jean-Pierre Raffarin lui reprochait d’avoir oublié « la politique de l’emploi » et le sommait de « corriger le tir ». Tandis que d’autres députés UMP réclamaient l’accélération des réformes libérales, le gouvernement s’étant contenté jusque-là, aux dires de Renaud Dutreil, de « réformettes ».
Il est vrai que la droite n’a gardé que 124 villes de plus de 30 000 habitants, sur les 160 qu’elle contrôlait en 2001, et qu’elle a perdu, aux cantonales, dix départements. Une défaite d’autant plus lourde qu’elle hypothèque, en outre, les espoirs de certains d’obtenir un siège au Sénat, dont un tiers sera renouvelé par les grands électeurs au mois de septembre.
Aujourd’hui vilipendé par la même presse qui l’adulait hier, contesté ouvertement jusque dans son parti, et devancé largement, qui plus est, par Fillon dans les sondages, Sarkozy essaie de reprendre la main. Un remaniement ministériel à la marge récompense des élus UMP au premier tour, tandis que le secrétaire général de l’UMP, Patrick Devedjian, annonce que Sarkozy l’a mandaté pour « renouveler notre équipe dirigeante, ainsi que nos responsables locaux ». Dans le même esprit, les services de l’Élysée sont réorganisés afin de contrôler plus étroitement ses porte-parole. Mais comment cette reprise en main pourrait-elle suffire à neutraliser les mécontents, bien conscients que leur défaite aux élections est essentiellement due à l’impopularité de leur patron ?
Quant au changement de style présidentiel, marqué entre autres par un hommage au dernier poilu de la guerre de 1914 ou par l’inauguration, à Cherbourg, du dernier sous-marin nucléaire – d’un coût de 2 milliards
d’euros –, s’il illustre le peu d’épaisseur du personnage, il indique en même temps que la comédie est finie. Sarkozy prétend encore vouloir « agir plus rapidement pour des résultats sur l’emploi et les salaires », il laisse même entendre que la politique d’ouverture « à gauche » pourrait continuer, et pourquoi s’en priverait-il, quand les dirigeants du PS ne voient de « plan de rigueur » qu’en préparation, eux qui approuvent le fond de la politique du gouvernement ? Mais les élections ont montré qu’il n’y avait plus de bénéfices à tirer d’une démagogie prétendant dépasser le clivage droite-gauche, ce dont témoigne aussi l’échec cuisant de Bayrou et du Modem.
Alors que la crise qui ébranle l’ensemble du système va exacerber les exigences de l’oligarchie financière et que, par ailleurs, l’effondrement du Front national ouvre un large espace à une démagogie ouvertement réactionnaire, Sarkozy et son gouvernement se préparent à opérer une rupture, très à droite. De quoi ressouder peut-être les rangs de l’UMP, mais certainement pas de faire taire la contestation de la jeunesse et du monde du travail.
Galia Trépère
PANIQUE À DROITE. Preuve que la secousse des municipales a été forte, vingt députés de droite viennent, dans Les Échosdu 21 mars, d’appeler le gouvernement à mettre plus de « social » dans ses contre-réformes. Lorsque l’on sait que, parmi eux, se trouvent des libéraux bon teint comme Pierre Méhaignerie ou Charles de Courson, on goûte pleinement leur crainte de perdre « les ouvriers et les employés qui ont largement contribué à l’élection de Nicolas Sarkozy ». Si eux-mêmes le disent…
LE « OUF » DE GISCARD. Dans son bloc-notes du Point, Valéry Giscard d’Estaing ne peut s’empêcher de saluer le « signal encourageant de modération » qu’auraient, à ses yeux, délivré les dernières élections françaises et espagnoles. « On nous a épargné, écrit-il, pour la première foi, les clameurs de triomphe des vainqueurs et les gémissements des perdants. » Et d’ajouter que « les couleurs » ayant changé sur la palette politique, « le rouge est devenu rose ». En voilà au moins un qui ne s’est pas trompé sur la volonté du PS de ne surtout pas profiter du vote sanction pour affaiblir Sarkozy.