RETRAITES : Unité contre l’allongement à 41 ans
Le grand « rendez-vous » de 2008 sur les retraites, prévu par la loi Fillon de 2003, a commencé la semaine dernière. Mi-avril, le ministre du Travail, Xavier Bertrand, devrait présenter les grandes lignes de la nouvelle réforme. Autrement dit, l’allongement de la durée de cotisation à 41 ans.
En guise de « grand rendez-vous », le gouvernement pose un lapin aux organisations syndicales. Au lieu d’une véritable négociation, Xavier Bertrand, le liquidateur des régimes spéciaux, propose une simple concertation en auditionnant, sur une journée, l’ensemble des organisations syndicales. Il évite ainsi tout débat et pense éviter ainsi toute possibilité de mobilisation. Cette concertation a pour unique objectif de confirmer et d’amplifier la réforme Fillon de 2003, en allongeant la durée de cotisation à 41 ans pour l’ensemble des salariés, du privé comme du public, soit 164 trimestres, pour obtenir une retraite à taux plein. Xavier Bertrand justifie cet allongement en expliquant que « ce qui était dit en 2003, c’est que, sauf élément nouveau, nous passerons justement à 41 ans ».
Le soir même du second tour des municipales, les membres du gouvernement ont prévenu qu’ils voulaient accélérer le rythme de leurs réformes de régression sociale. C’est pourquoi Xavier Bertrand veut en avoir terminé d’ici deux mois. La bonne nouvelle est, qu’à l’heure actuelle, un front syndical uni est possible car l’ensemble des organisations syndicales, CFDT incluse, refusent le passage aux 41 annuités, même si de nombreuses divergences existent sur les réponses alternatives. La réforme paraît à tous d’autant plus inacceptable que les négociations sur la pénibilité du travail ont échoué, le patronat faisant toujours obstacle à la mise en place d’un véritable droit au départ anticipé pour les salariés usés avant l’heure, dont l’espérance de vie en retraite est ainsi diminuée. Passer aux 41 annuités reviendrait aussi à aggraver la baisse des pensions pour ceux qui ne peuvent les atteindre, ce que la plupart des syndicats aujourd’hui dénoncent.
En dépit des intentions du gouvernement, l’issue de ce « grand rendez-vous » n’est pas jouée d’avance. Beaucoup dépendra de la riposte unitaire, sociale et politique. La première journée de mobilisation sociale, le 29 mars dernier, marquée par des manifestations à Paris et dans les régions, ne doit pas rester sans lendemain si nous voulons faire reculer durablement le gouvernement sur ce dossier central. Sur le plan politique, l’ensemble de la gauche, notamment le Parti socialiste, devrait être soudée pour refuser toute augmentation de la durée de cotisation. Pour nous, il est hors de question de négocier des contreparties au passage de la durée de cotisations à 41 ans, comme le sous-entendent certains ténors de la direction du PS. Pour la LCR, c’est clair, cotiser 41 annuités c’est non, il faut le retour à 37,5 ans pour tous et toutes ! n
Joséphine Simplon
MOBILISER
Le bilan de la journée du 29 mars contre le « plan retraite » Fillon-Bertrand n’est pas excellent. La CGT fait état de 80 000 personnes, mais elle exagère. À Paris, il y avait au maximum 10 000 personnes, 3 500 à Marseille, 3 500 à Lyon, 1 000 en Bretagne, 1 500 à Nantes. À Paris, le cortège était très peu dynamique, plutôt âgé, sans aucune inventivité, dans un contexte pourtant favorable après la baffe prise par Sarkozy. L’UD CGT 93, souvent la plus massive, ne diffusait que de la musique ! Comme si un décalage total existait entre la sphère politique post-municipales et les réseaux militants qui faisaient l’essentiel des cortèges. Certes, seules la CGT, la FSU et Solidaires (la CGT a refusé d’acter cette unité avec Solidaires !) appelaient. Et, même sans « les autres », il était juste d’agir. Nous sommes donc loin de la configuration de janvier 2003, qui avait inauguré un mouvement social multiforme avec l’ensemble des syndicats. Le 29 mars, l’absence de la CFDT correspond à sa volonté d’échanger un accord sur les 41 annuités contre des concessions sur les seniors et les petites retraites. La CFDT fera semblant d’agir quand elle aura déjà trouvé un compromis. Les justifications de l’absence de FO sont totalement incroyables. FO Hebdo (26 mars) annonce avec éclat que FO est prête à tout, « y compris l’action commune » ! De quoi faire très peur à Sarkozy…
Plus profondément, après avoir gâché la possibilité d’engager l’épreuve de force sur les retraites dès cet automne, au moment des grèves sur les régimes spéciaux, après avoir jeté par dessus bord la revendication du retour aux 37,5 annuités, la CGT parvient difficilement à mobiliser son propre corps militant, largement déboussolé. La rencontre CGT, FO, CGC, CFTC du 31 mars, boycottée par la CFDT, n’a fait qu’acter des échanges, sans date d’action. Tous attendent que Xavier Bertrand parle plus « officiellement », d’ici la mi-avril. La construction d’un front syndical large est bien sûr indispensable, mais elle doit se doubler d’initiatives politiques publiques, pour tracer une perspective mobilisatrice cohérente.
Dominique Mezzi
CONTRAT DE TRAVAIL : Débattre pour agir
La riposte à l’accord du 11 janvier sur la « modernisation du marché du travail », signé par le Medef et quatre confédérations syndicales, s’amplifie et des débats unitaires s’organisent.
L’appel contre l’accord « pour la modernisation du marché du travail » (lire Rouge n° 2244) commence à s’étendre. Parmi les signataires, on trouve des représentants du bureau confédéral de la CGT (Maurad Rabhi), de la direction nationale de la FSU (Elisabeth Labaye, Noël Daucé), de Solidaires (Annick Coupé), la LCR (Olivier Besancenot), du PCF (Alain Obadia, responsable du secteur entreprises), le MJS, les Alternatifs, Alternative libertaire, etc. Des associations (Copernic, Attac, le Collectif pour les droits des femmes, etc.), des universitaires et de nombreux responsables syndicaux locaux sont venus renforcer ce premier ensemble. La participation de la FSU confirme la prise de conscience que la fonction publique subit les mêmes attaques que les salariés du privé et doit faire front commun.
Des questions opportunes ont été posées lors de la conférence de presse : cet appel n’arrive-t-il pas trop tard, alors que l’accord a été signé par quatre confédérations « représentatives » ? Sur quelles dimensions précises du projet de loi veut-on influer ? Pendant toute la négociation, les salariés ont été écartés du débat, il est grand temps qu’ils s’en emparent et se mobilisent contre les importantes attaques annoncées (allongement de la période d’essai, facilités de modification du contrat de travail, « séparation à l’amiable », contrats de projet, etc.). L’appel ne se situe pas dans une logique d’amendements de la loi, mais de refus global de ces reculs. La participation des associations de chômeurs (AC !, Apeis, CGT-Chômeurs) et des responsables syndicaux de ces secteurs (CGT, SUD) donnent l’occasion historique de lier, dans une défense commune, les droits des chômeurs, des précaires et des salariés. Cette solidarité tombe à point, alors que le gouvernement annonce une conférence tripartite en mai pour engager les négociations sur une nouvelle convention Unedic. L’accord du 11 janvier 2008 entendait justement cadrer la négociation en fixant des devoirs aux chômeurs, notamment celui d’accepter toute offre considérée comme « valable » selon des critères définis par décrets. La porte ouverte à une nouvelle vague de radiations des chômeurs qui refuseraient ces offres et à une dégradation des salaires et conditions de travail pour ceux qui les accepteraient.
L’objectif immédiat est d’organiser, dans le maximum de villes, des débats unitaires pour faire prendre conscience au monde du travail de la modification majeure que présente cet accord pour les salariés de toutes catégories.
• Pour signer l’appel et trouver de nombreux textes et argumentaires : http://anti-accord11janvier08.org .
• Meeting parisien, mercredi 9 avril 2008 à 18 h 30, Grande salle Croizat, à la Bourse du travail, 3 rue du Château d’eau (M° République).
Louis-Marie Barnier
Dividendes du gâchis social
Le chiffre n’a pas été crié sur tous les toits. Et pour cause… 40,9 milliards d’euros devraient être distribués sous forme de dividendes aux actionnaires du CAC 40. Environ 40 % des plantureux bénéfices – près de 100 milliards d’euros – que ces grandes firmes ont réalisés en 2007 au nom de la « nécessaire compétitivité », véritable outil de propagande du patronat et du gouvernement pour justifier leur politique. « En pleine crise du pouvoir d’achat, alors que les revendications salariales prennent de l’ampleur dans tout le pays, y compris – et c’est plutôt nouveau – dans le secteur privé, les 40 milliards d’euros que les plus grands groupes français cotés au CAC 40 vont verser à leurs actionnaires sous forme de dividendes au titre de l’année 2007 prennent des allures de provocation », constatait, il y a peu, bien conscient du problème, l’éditorialiste du journal patronal La Tribune. Pour argumenter, dans la suite de l’article, de toutes les façons possibles, en faveur de la légitimité de tels dividendes. Outre que ces derniers seraient la récompense de… la prise de risque, les profits qui les ont rendus possibles ont été faits à l’étranger et non en France. Enfin, ajoute-t-il, l’actionnariat des grandes entreprises françaises est avant tout composé d’investisseurs institutionnels, étrangers le plus souvent. Bref, à l’entendre, cet argent irait d’abord dans les poches des… retraités américains. Ce qui amène ce journaliste, non content de plaider au passage pour des fonds de pension pour nos retraites, à juger dépassée « l’augmentation de la masse salariale ». L’an dernier, les entreprises du CAC 40 avaient versé 38,4 milliards d’euros à leurs actionnaires, faisant faire un bond de 20 % aux dividendes. Cette année, dans la même logique, la masse des dividendes a augmenté de 6,59 %.
Mais, en complément de ce pactole, les grands groupes ont racheté pour environ 19,2 milliards d’euros d’actions, afin de faire augmenter le bénéfice par action. Ils consacrent ainsi près de 60 % de leurs 99 milliards d’euros de bénéfices à enrichir leurs actionnaires. Le chiffre de ces dividendes, dont la plus grosse partie, quoi qu’ils en disent tous, grossit des fortunes déjà faramineuses, a quelque chose d’indécent, alors que l’allocation pour adultes handicapés s’élève à 628 euros – comme l’ont dénoncé, le samedi 29 mars, 30 000 manifestants revendiquant qu’elle soit alignée sur le Smic mensuel brut –, que le RMI pour une personne seule est de 448 euros et que le minimum vieillesse est de 633 euros. Dans le même temps également, le patronat refuse d’augmenter les salaires, alors que les prix ne cessent d’augmenter, de près de 5 % pour les produits de grande consommation, de l’aveu même du gouvernement, et de bien plus selon les associations de consommateurs. Après avoir épuisé les recettes dérisoires du « travailler plus pour gagner plus », la défiscalisation des heures supplémentaires, la monétisation des RTT, voilà maintenant que Sarkozy tente encore de donner le change en faisant mine de contraindre les grosses sociétés de distribution, les Carrefour et autres Auchan, à limiter la hausse des prix. C’est, entre autres, à cet objectif qu’est destinée la loi de modernisation économique que la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, devait présenter au Conseil des ministres au début de ce mois… jusqu’à ce que le gouvernement décide de la différer, devant la pression des mêmes sociétés et des industriels.
Face à la hausse des prix, il n’y a pas d’autre solution que la hausse des salaires, des minima sociaux et des retraites. Les bénéfices explosent parce que la part des richesses créées qui est versée en salaires n’a cessé de diminuer, du fait des vagues de restructurations et de licenciements successives qui ont diminué la masse salariale, et de la pression qu’exercent le chômage et la précarité ainsi créés sur les salaires. Ils sont grossis également par les cadeaux somptueux, des dizaines de milliards d’euros, que les gouvernements offrent depuis des années au patronat, en prenant l’argent dans les caisses de l’État ou celles de la protection sociale. Aujourd’hui, on nous ressasse les déficits – de l’État et des caisses de protection sociale – pour justifier les milliers de suppressions de postes dans la fonction publique, la réduction dramatique des prestations maladie versées aux assurés et abaisser le niveau déjà insuffisant des pensions de retraite. On nous rabâche les bienfaits de la « compétitivité », alors que la crise bancaire et financière engloutit des centaines de milliards d’euros et menace l’économie d’étranglement. Sans que les dirigeants des confédérations syndicales et des partis de la gauche institutionnelle ne fassent front pour combattre cette propagande mensongère, tant ils se sont intégrés au système lui-même. Alors, oui, une hausse des salaires, des minima sociaux et des retraites de 300 euros mensuels de plus pour tous, pas un salaire inférieur à 1 500 euros net, non seulement c’est possible, c’est une urgence.
Galia Trépère
ATTAQUE EN RÈGLE. Une version « confidentielle » intégrale (datée du 20 mars 2008) du projet de loi de modernisation de l’économie, qui devrait être prochainement présenté en Conseil des ministres, circule. Outre des dispositions catastrophiques pour l’avenir du livret A, il comporte, entre autres, les germes d’une privatisation de la Caisse des dépôts, de sa gouvernance, de ses missions et même du statut de son personnel ! Face à cette attaque, la mobilisation des agents concernés s’organise.