Le mouvement ne vient pas de nulle part. L’automne dernier, de nombreux lycéens s’étaient joints à la mobilisation contre la loi sur les libertés et responsabilités de l’université (LRU). Cet hiver, plusieurs lycées professionnels s’étaient mobilisés contre la casse du BEP. Depuis la rentrée de septembre, nombreuses sont les mobilisations locales contre les suppressions d’options, les non-remplacements de profs ou en faveur d’élèves sans papiers. Cette année, il existe une véritable chance de voir ce qui a manqué en mai-juin 2003, lors de la mobilisation sur les retraites, et en 2005, lors du mouvement lycéen contre la loi Fillon : la convergence entre les professeurs et les élèves. Partout en Île-de-France, de nombreux blocages et débrayages communs sont organisés. Les manifestations qui ont eu lieu depuis le 18 mars rassemblent en majorité des lycéens. Mais, actuellement, ceux-ci peinent à devenir la véritable direction du mouvement. Les lycéens doivent être en capacité, comme en 2005, de fixer les rythmes, en mettant en place des cadres d’auto-organisation.
Aujourd’hui, il n’y a pas d’assemblées générales (AG) lycéennes partout, et les AG à la fin des manifestations ne rassemblent pas tous les établissements présents. Cela laisse aux syndicats lycéens une influence disproportionnée par rapport au poids militant qu’ils possèdent réellement. Les lycéens doivent développer leurs propres cadres (éché ances, revendications), afin d’entraîner les salariés de l’Éducation. De fait, et les mobilisations de ces dernières années l’ont démontré, la jeunesse scolarisée a des rythmes plus rapides, une plus grande disponibilité à la lutte et à la radicalité. Le mouvement doit mettre en lumière la cohérence des attaques contre l’Éducation. Du socle commun de connaissances de Fillon à l’autonomie des établissements proposée par le rapport Pochard, il y a une logique : dévaloriser les diplômes, afin de mettre sur le marché du travail des salariés moins qualifiés et donc moins exigeants. Les suppressions de BEP et le passage du bac pro de quatre à trois ans en sont les applications. Il s’agit de mettre en place une éducation à deux vitesses, avec des lycées d’élite, dont les élèves sont destinés à des études longues, et des lycées « poubelles », tournés vers l’insertion professionnelle immédiate.
Ce n’est pas un hasard si les lycées les plus touchés par les baisses de dotations horaires globales, et les plus mobilisés, se trouvent dans les banlieues les plus éloignées de Paris. Mais, pour mettre en échec le projet de la classe dominante, un mouvement uniquement francilien et sans direction autonome ne sera pas suffisant. Il faut désormais étendre la lutte aux établissements qui ne sont pas en grève et aux autres régions, en s’appuyant sur la volonté de la jeunesse d’en découdre avec Sarkozy.
Jean-Baptiste Pelé
* Paru dans Rouge n° 2246 du 03/04/2008.
LYCÉE VOLTAIRE (PARIS) : Mobilisation exemplaire
Comme dans plusieurs établissements d’Île-de-France (une cinquantaine est bloquée), professeurs et élèves du lycée Voltaire (Paris 11e) se battent contre les suppressions de postes.
La mobilisation a pris une tournure exceptionnelle au lycée Voltaire à Paris. Comme de nombreux autres établissements, le lycée a été lourdement touché par les mesures gouvernementales : perte de 8 % des moyens horaires, imposition massive d’heures supplémentaires, qui se sont traduites par l’annonce de la suppression de deux classes et de neuf postes – sept départs à la retraite (sur huit) non remplacés et deux postes occupés. Le cas de ces deux postes a particulièrement choqué les enseignants car, dans le même temps, les disciplines concernées se sont vu imposer jusqu’à vingt heures supplémentaires, c’est-à-dire plus que les postes concernés. Après un débrayage, fin février, et une campagne contre les heures supplémentaires, une trentaine d’enseignants a décidé de partir en grève reconductible, le 17 mars, veille de la grève nationale, dans l’espoir de contribuer à l’élargissement du mouvement qui se développait dans de nombreuses académies. Mercredi 19 mars, le comité technique paritaire académique (CTPA) entérinait la suppression de tous les postes, en dépit du rétablissement partiel de la seconde. Le lendemain, enseignants et lycéens commençaient le blocage, toujours reconduit à l’heure où ces lignes étaient écrites. Loin d’épuiser le potentiel de mobilisation, comme le craignent souvent les directions syndicales, la reconduite du mouvement a décuplé et radicalisé les forces.
La participation aux assemblées générales (AG) n’a cessé de croître, atteignant jusqu’à 65 personnes. L’auto-organisation a fait un bond en avant : tracts aux parents pour les manifestations, tournée des établissements et organisation d’AG de l’est parisien, mise en place de listes mails pour les collègues et les parents, d’un blog, animation des cortèges… Le 25 mars au soir, nous avons réuni plus de 200 parents en AG. Le soutien que nous avons reçu a fait chaud au cœur. Des liens étroits se sont aussi créés avec les élèves, alors que, dans les mobilisations précédentes, nous avions souvent marché séparément. Plusieurs AG lycéennes ont été organisées, ainsi que des tournées d’établissement. Mercredi 26 mars, le rectorat a annoncé le maintien de trois postes, dont les deux postes occupés. Loin de sonner sa fin, ces annonces ont amplifié la mobilisation. Le lendemain, le vote pour la reconduite du mouvement jusqu’au 31 mars a été le plus massif. Dans les AG, la radicalité est notable : il y en a assez de voir, chaque année, la situation empirer, il faut taper un grand coup… Il n’est pas certain que nous puissions récupérer tous les postes : la mobilisation reste faible à Paris, et la direction du Snes y est particulièrement peu combative. Nous ne pourrons tenir indéfiniment le blocage. Mais il ne fait pas de doute que la mobilisation, quelle qu’en soit la forme, va continuer.
Correspondant
* Paru dans Rouge n° 2246 du 03/04/2008.
Halte à la répression contre les manifestations lycéennes.
Communiqué de la LCR.
Le mouvement de protestation contre les suppressions de postes dans l’éducation à la rentrée 2008 monte en puissance. La manifestation du jeudi 3 avril à Paris a rassemblé 15 000 lycéens et aussi enseignants. Même si la mobilisation est inégale au plan national, le gouvernement aurait tort de minimiser le mouvement. Il n’y a que X. Darcos pour croire qu’on peut améliorer l’éducation avec moins de professeurs et davantage d’heures supplémentaires pour ceux qui ont déjà un emploi. La seule réponse de X. Darcos et du gouvernement aux revendications des lycéens et des enseignants c’est la répression et la brutalité des interventions policières que ce soit au lycée Eiffel de Gagny samedi 29 mars, dans le métro mardi 1er avril qui ont conduit à l’arrestation de lycéens de Créteil, Stains, Saint-Denis. Hier, encore, des policiers en civil et en capuche, se dissimulant derrière des badges JCR ou LCR, ont procédé à de brutales interventions qui ont conduit à l’arrestation d’un enseignant, qui est inculpé et doit être déféré au Parquet, et de plusieurs lycéens.
La LCR proteste contre l’utilisation frauduleuse des badges JCR et LCR susceptible de dénaturer l’image de notre organisation aux yeux des manifestants, et condamne la répression policière qui est la seule réponse que X. Darcos donne aux manifestants. La LCR exige la libération et l’arrêt des poursuites contre les manifestants arrêtés qu’ils soient lycéens ou enseignants, l’annulation des 11 200 suppressions de postes et l’abandon du projet Darcos de Bac Pro en 3 ans. Un premier rassemblement est prévu aujourd’hui à 14h, au métro Cité auquel la LCR appelle à Participer.
Le 4 avril 2008.
PROFS ET LYCÉENS MOBILISÉS : On ne se laissera pas faire
En février, on apprenait la suppression de 637 postes sur l’académie de Créteil. Les enseignants voyaient se mettre en place des directives du rapport Pochard : les options n’étaient pas toutes financées. Pour les professeurs, cela voulait dire obligation de prendre des heures supplémentaires et départ de nombreux collègues… Enfin, il y a un vrai ras-le-bol de la politique du gouvernement, qui les attaque continuellement.
Il y avait eu la manifestation du 15 février, en région parisienne, lors de laquelle un enseignant sur trois étaient en grève (chiffres du Snes), qui avait donné un premier tour de chauffe avant les vacances. Dès la rentrée, quatorze des 55 lycées de Seine-et-Marne (77) sont en grève et bloqués. La grève nationale du 18 mars est arrivée à point nommé sur l’académie (60 % de grévistes), car elle a permis de rassembler les lycées déjà en lutte et ceux qui voulaient s’y mettre : une vingtaine de collèges et lycées sont partis en grève reconductible sur la semaine. Dans certains établissements (à Saint-Denis, à Aubervilliers…), les lycéens se mobilisent aux côtés des enseignants et bloquent. Pour construire la mobilisation, une assemblée générale des lycées en lutte s’est mise en place à l’échelle de la région parisienne. Cette assemblée générale a permis de mettre la pression sur les directions syndicales académiques (et notamment à celle du Snes) pour appeler à une manifestation le jeudi 27 mars.
Aujourd’hui, il s’agit, d’une part, de consolider la mobilisation, donc d’expliquer la casse du service public d’éducation et la possibilité de contre-attaquer, c’est-à-dire de lutter contre le rapport Pochard et pour des conditions décentes de travail (augmentation de salaires, retraites à 37,5 annuités). Et, d’autre part, il s’impose de donner des perspectives de mobilisation, qui permettent à tous les lycées de se mettre en grève et d’être rejoints par les écoles primaires. C’est pourquoi il faut pousser à des mobilisations, les mardi 1er avril et jeudi 3 avril. Pour cela, il faudra des cadres de mobilisation autonomes des directions syndicales, donc des assemblées générales de ville, de département, d’académie et de région.
Les mobilisations actuelles montrent que les lycéens se sentent concernés par les suppressions de postes et qu’ils sont prêts à se mobiliser. Il existe aujourd’hui la possibilité d’une mobilisation, tous ensemble, enseignants et lycéens, contre la mise en place d’une éducation à deux vitesses. C’est ce qu’il faut construire dans les semaines qui viennent.
Raphaël Greggan
* Paru dans Rouge n° 2245 du 27/03/2008.