D’Athènes,
Alors que les employés de la Banque nationale continuent seuls la grève contre la casse des retraites, la semaine écoulée a vu la droite surfer sur l’unité « nationale » contre la demande de la Macédoine d’entrer à l’Otan, et annoncer une réforme des contrats des jeunes travailleurs pour plus de flexibilité.
« Les combats perdus sont ceux qui n’ont pas été engagés. » Qui n’adhérerait à ces propos, prononcés le 31 mars, par le dirigeant réformiste de la Confédération syndicale unique (GSEE) ? Ces paroles reflètent la capacité de la direction syndicale (dirigée par le Pasok, PS grec) à utiliser un langage gauche s’appuyant sur une combativité de masse, mais surtout à masquer les faits : le gouvernement de droite a pu faire adopter sa loi sur les retraites faute de combat efficace.
En effet, après la grève générale du 19 mars, la seule arme possible était de reconduire cette grève en étendant les grèves dures et reconductibles de quelques secteurs (électricité, voirie). Or, les directions réformistes ont alors chassé de leur vocabulaire le mot « grève ». Le GSEE se consacre désormais à l’action en justice pour démontrer l’illégalité de la loi, et le Pasok a déposé une motion de censure qui a été rejetée. De son côté, Syriza a lancé une campagne de signatures, prise en charge par les directions syndicales, pour exiger un référendum sur la loi retraites (avec 450 000 signatures reflétant le refus massif du projet). Cette proposition a, bien sûr, été aussi rejetée par la majorité de droite.
Ces points marqués par la droite interviennent sur fond d’évolutions à gauche. Ces dernières se voient surtout au niveau des sondages. Les Pasok perd en intentions de votes au profit de Syriza, regroupement de petits courants radicaux autour du parti réformiste Synaspismos. Rappelons qu’aux législatives d’automne, Syriza avait recueilli 5 %, score en fait comparable à celui de 2004 (3 % et 2 % à Dikki, qui a ensuite rejoint Syriza). Les 17 à 18 %, obtenus par Syriza dans les sondages du 11 mars, montrent que des électeurs du Pasok sont prêts à voter plus à gauche pour pousser leur direction à mener une opposition (40 % des sondés voient comme cause de la progression de Syriza la crise du bipartisme, 25 % la politique du Pasok, 25 % l’élection à la tête du Synaspismos d’un jeune, Alexis Tsipras).
Sur le fond, la radicalité affichée de Syriza est mise en doute par différents facteurs. Syriza capte 9 % des électeurs de droite, 9 % d’extrême droite et 8 % des électeurs du KKE. En outre, la majorité des électeurs du Pasok et de Syriza veulent un gouvernement commun, ce qui va rendre problématique ce que dit Syriza ces temps-ci contre cette perspective. Il faut prendre en compte aussi les rapports de force sur le terrain : le 27 mars, quelques centaines de militants rassemblés par Syriza devant le Parlement, le lendemain, quelques milliers par le Pasok. Le succès, dans les sondages, de Syriza est dû à l’élection de Tsipras et non pas à la présence d’une gauche radicale très minoritaire et divisée. Il y a surtout les limites réformistes : la visite, en « homme d’État », du dirigeant de Syriza au gouvernement nationaliste de Macédoine et la demande d’une solution sur le nom de ce pays dans le cadre de l’ONU, l’ouverture « réaliste » aux fonds privés pour l’université, l’adresse à la hiérarchie religieuse...
Dans cette situation, la vraie question est l’affirmation d’une ligne anticapitaliste de masse, donc de rupture avec les institutions, de la part des forces révolutionnaires, ce qui suppose en priorité qu’elles se rassemblent pour échanger et élaborer des propositions d’action et de programme. Et là, les choses commencent peut-être à bouger. À suivre !