Non seulement l’intervention des partis et des organisations politiques se fait de plus en plus rare dans les entreprises, mais la réalité de la vie à l’intérieur de ces dernières échappe au débat public. La politique n’y a pas droit de cité, alors même que les directions communiquent en permanence leurs messages libéraux. La démocratie s’arrête bel et bien à la porte des entreprises ! Pour combattre efficacement le système, il est indispensable d’analyser la réalité de son fonctionnement, de comprendre les stratégies patronales, de démonter leur « cohérence », alors que l’essentiel du mouvement ouvrier en accepte la logique fondamentale et ne conteste le système qu’à la marge. Il s’agit donc, pour nous, d’être présents dans les entreprises et de se donner les moyens de réfléchir, d’élaborer collectivement à partir de la diversité de nos expériences concrètes.
L’explosion de la souffrance au travail exprime la pénibilité physique et mentale du travail, la perte totale de sens d’un travail qui n’a plus pour objet de « faire » quelque chose dont on peut être fier, mais dont la seule finalité est le profit. Sur fond de chômage de masse et de précarité, les réductions d’effectifs et l’intensification de travail, la mise en concurrence par les objectifs individuels et les primes, l’éclatement des statuts, avec le recours accru à la sous-traitance, détruisent les collectifs de travail, grèvent les capacités de résistance au quotidien. Cette organisation du travail pèse très lourdement, à la fois sur la santé et sur la conscience des salariés. Si nous pensons que le changement révolutionnaire de la société ne sera possible que par des mobilisations de masse, cela suppose qu’à un moment, nous ayons les moyens de bloquer le système, d’arrêter la production, les transports, les communications… Il faut donc, dans les entreprises, des militantes et militants qui défendent cette perspective et qui la préparent. C’est notre projet politique qui se traduit, en développant au quotidien les réflexes collectifs, la prise en charge par les salariés eux-mêmes de leurs affaires et, surtout, de manière privilégiée, dans les luttes par l’auto-organisation, avec les assemblées générales décisoires, les comités de grève, etc.
Pour militer dans les entreprises, nous avons besoin d’un projet et d’un outil, d’un parti politique. Pour nous, le parti n’a pas l’exclusivité d’un projet de transformation sociale. Mais, aujourd’hui, face à la domination d’un syndicalisme d’accompagnement, la reconstruction d’une alternative syndicale porteuse d’un tel projet passe aussi par la construction d’un parti anticapitaliste qui puisse représenter une référence, un espoir. Les revendications, les prises de position ne peuvent pas s’élaborer à partir des seules préoccupations immédiates des salariés dans une entreprise donnée. Une compréhension globale est indispensable. De nombreux glissements, par exemple sur l’intéressement ou l’actionnariat salarié, démontrent cette nécessité. De même, le positionnement syndical à AZF Toulouse illustre dramatiquement à quel point il est indispensable de lier les exigences sociales à toutes les dimensions de notre programme : ici l’écologie, mais cela concerne aussi l’internationalisme, l’antiracisme, le féminisme…
Sur certaines questions, comme les services publics, il faut mener une campagne politique au-delà de l’entreprise. L’extension, la coordination, l’auto-organisation des mobilisations sont portées par une volonté politique de construction d’un mouvement d’ensemble. Pour élaborer notre programme et l’expliciter pour le plus grand nombre, nous avons besoin de nourrir notre réflexion de l’expérience en entreprise. Réciproquement, ce programme ne prend tout son sens qu’à partir du moment où les exigences qu’il met en avant deviennent effectivement des objectifs de lutte.