C’est un tournant historique, une révolution institutionnelle dans ce petit pays coincé au cœur de l’Himalaya, entre l’Inde et la Chine. L’Assemblée constituante du Népal, élue le 10 avril, s’est réunie en séance inaugurale, mercredi 28 mai à Katmandou, avec pour ordre du jour d’abolir la monarchie et de proclamer la république.
Vieille de deux cent trente-neuf ans, la dernière royauté d’Asie du Sud (avec le Bhoutan) s’apprête ainsi à disparaître, victime de la montée en puissance d’un mouvement maoïste en voie d’institutionnalisation après avoir orchestré une rébellion de dix ans (1996-2006) qui a fait quelque 13 000 morts.
Le camp monarchiste semble résigné à ce cours des choses. Quatre attentats de faible puissance - n’ayant fait que deux blessés légers - perpétrés, lundi et mardi, à Katmandou ont illustré la survivance de noyaux d’extrémistes royalistes liés à la mouvance hindouiste, mais leur résistance apparaît bien vaine.
Par mesure de précaution, le gouvernement a toutefois déployé 10 000 policiers dans les rues de la capitale. De son côté, le Parti communiste népalais-maoïste (PCN-M) a mobilisé 20 000 de ses militants pour célébrer l’avènement de la République. Trois jours fériés ont été décrétés à compter de mercredi.
UN ROI IMPOPULAIRE
Héritier de la dynastie des Shah, qui avait unifié le Népal au XVIIIe siècle, le roi Gyanendra devrait quitter le palais royal ces prochains jours. Il vit quasiment reclus depuis le printemps 2006, quand une révolte populaire à Katmandou, rassemblant libéraux et maoïstes, l’a contraint à l’effacement. Il avait été alors dépouillé de l’essentiel de ses prérogatives, jusqu’à celles de chef de l’Etat et de chef des armées. Agé de 60 ans, richissime homme d’affaires, Gyanendra était très impopulaire. Les Népalais lui reprochaient son autocratisme et son arrogance. Il était monté sur le trône en 2001 dans des conditions exceptionnelles, à l’issue de l’assassinat de son frère, le roi Birendra, lors d’une tuerie collective commise par le prince héritier.
Cette abolition de la monarchie représente surtout la victoire du camp maoïste qui en avait fait un objectif non négociable. Les partis parlementaires s’y sont ralliés sans grand enthousiasme. Tel était le prix de l’accord de paix conclu avec l’ex-rébellion maoïste en novembre 2006.
Le nouveau Népal républicain devrait en toute logique être dirigé par le PCN-M. Vainqueur des élections constituantes du 10 avril, où il a raflé le tiers des sièges de l’Assemblée, le parti maoïste a été invité par le premier ministre, Girija Prasad Koirala, issu du Parti du Congrès, à former un gouvernent. Les ex-rebelles se sont montrés disposés à forger une coalition, mais leurs éventuels partenaires rechignent. Le roi disparu, le « camp républicain » s’apprête à plonger dans les délices des marchandages politiciens.
CHRONOLOGIE
Juin 2001. Intronisation du roi Gyanendra après la mort de son frère, Birendra, dans le massacre de la famille royale perpétré par le prince héritier.
Mai 2002. La rébellion maoïste s’étend ; le roi dissout le Parlement.
Février 2005. Le roi s’arroge les pleins pouvoirs et instaure l’état d’urgence.
Avril 2006. Trois semaines de manifestations à Katmandou, orchestrées par une alliance de maoïstes et de partis parlementaires modérés, acculent le roi Gyanendra à s’effacer. Il est dépouillé de l’essentiel de ses pouvoirs.
Novembre 2006. Accord de paix entre les partis parlementaires et les maoïstes. Les insurgés acceptent de déposer les armes contre la perspective d’un démantèlement de la monarchie.
Avril 2007. Entrée de sept ministres maoïstes dans un gouvernement de coalition.
Avril 2008. Contre toute attente, le Parti communiste népalais-maoïste (PCN-M) arrive en tête des élections pour l’Assemblée constituante.