La nourriture, les vêtements, l’argent fournis par les citoyens birmans représentent plus de 80 % de l’aide actuellement reçue par les victimes du cyclone Nargis, qui a tué plus de 30 000 personnes auxquelles il faut ajouter un nombre similaire de morts ultérieures, suite aux blessures, aux maladies, à la faim et à l’épuisement [2].
Une grande partie de l’aide étrangère est bloquée aux frontières, car les pays occidentaux veulent que leurs propres organismes supervisent sa distribution plutôt que les troupes birmanes comme le régime le propose. En Birmanie comme ailleurs, le système d’aide occidentale est souvent lourd et onéreux, ignorant les traditions locales et les réseaux locaux de militants sociaux. Il peut même parfois créer une gêne par un afflux soudain d’argent facile et d’experts impatients et arrogants.
Du fait de l’incroyable incapacité du gouvernement, le peuple birman a maintenu une tradition très forte de solidarité sociale et culturelle. Au début, le régime a essayé de confisquer les aides locales aux victimes, établissant des barrages aux portes de Rangoon pour intercepter les centaines de voitures qui essayaient de l’acheminer dans la région du delta. Mais, confrontée à une colère massive et à une vague de solidarité, la junte a dû reculer la semaine dernière. Aussitôt, les routes reliant Rangoon aux premiers ports du delta ont été bondées de voitures.
Le temps presse car une deuxième vague de victimes est attendue dans les prochaines semaines si une quantité bien plus importante d’aide ne peut être fournie dans les zones les plus reculées du delta. Les agences d’aide internationales ont un rôle crucial à jouer en fournissant leur expertise technique. Même des militaires étrangers peuvent être utiles car ils disposent d’hélicoptères, d’avions légers et de systèmes de purification de l’eau.
Les donateurs et les médias internationaux ont largement ignoré cette dynamique locale de solidarité. Elle contredit en effet l’image dominante en noir et blanc, de la Birmanie et celle de donateurs occidentaux représentant l’essentiel de la réponse en cas de désastre. Reconnaître que les Birmans fournissent l’essentiel de l’aide, des bénévoles et de la pression sur le régime, empêcherait les ministres des Affaires étrangères de se présenter devant leurs opinions comme les champions des droits de l’Homme, alors qu’ils continuent à les piétiner en Irak et ailleurs.
Heureusement quelques plus petites équipes étrangères de solidarité ont choisi de faire distribuer les fonds collectés par des groupes de bénévoles locaux, plus ou moins liés à des groupes étudiants ou à des communautés religieuses bouddhistes ayant participé à la récente mobilisation démocratique. Ce genre de lien devrait se multiplier maintenant que la situation des militants locaux, à Rangoon, s’améliore.
Notes
• Nous avons des contacts en Birmanie et en Thaïlande qui nous permettent de faire parvenir de l’aide, via des réseaux citoyens indépendants de la junte militaire ou des États occidentaux. Envoyez vos chèques à l’ordre de « ESSF », à ESSF, 2, rue Richard-Lenoir, 93100 Montreuil.
Voir : Apportons une aide indépendante aux victimes du cyclone Nargis en Birmanie !