Il y a 30 ans, le Parti Socialiste Néerlandais SP (à ne pas confondre avec le PvdA social-démocrate) était une petite organisation radicale de gauche avec des racines maoïstes. Entre-temps, il s’est développé jusqu’à devenir un parti de plus de 50.000 membres, a connu une percée électorale importante avec 25 membres du parlement, a un porte-parole populaire, Jan Marijnissen et est solidement implanté dans les quartiers populaires des Pays-Bas. L’un d’entre eux, Leo de Bleijn, a même été élu conseiller communal à Rotterdam. Il parle du profil idéologique du SP, explique comment cette collaboration fonctionne précisément et il n’écarte pas non plus les questions difficiles.
Le SP a énormément grandi, surtout par son travail dans les quartiers populaires.
Peter Drucker : Le SP est un parti unique avec une histoire unique. Le SP a commencé il y a 30 ans comme une toute petite organisation radicale de gauche comme beaucoup d’autres et a énormément grandi au fil des années, surtout par le travail, au début, avec les gens des quartiers populaires, en mettant l’accent sur les problèmes locaux des gens dans leurs quartiers. C’est ainsi que ça a commencé. La vraie percée au niveau parlementaire est venue en 1994 lorsque deux membres du SP ont été élus membres du parlement. Maintenant, 25 membres du SP siègent au parlement. Ça représente de 16 à 17 % du total des voix aux Pays-Bas.
La croissance n’est pas la conséquence d’un regroupement
Aux Pays-Bas, ça s’est déroulé tout autrement que dans les autres pays, autrement qu’au Portugal ou au Danemark. Il n’y a jamais eu de regroupement de différents courants ou organisations, pas du tout. La SP a tout simplement grandi. Le SP a assez vite laissé son fond de pensée maoïste derrière lui. Lorsque les gens parlent encore du maoïsme, c’est uniquement pour taquiner le SP. Il n’y a absolument aucun lien avec la Chine ou avec ce passé, absolument pas, au contraire.
Le SP a bien énormément grandi. En ce moment, il compte plus de 50.000 membres et l’ancien noyau de la direction avec un arrière-plan maoïste est très petit. Dans ces 25 parlementaires et dans les dizaines de gens qui travaillent pour le SP dans les différentes villes, il n’y en a que très peu qui proviennent de cet arrière-plan d’origine. Le SP a recruté des gens chez les radicaux de gauche dans l’ensemble, dans les mouvements, dans toutes sortes de grandes et petites organisations et ces gens sont aussi devenus des SP et font maintenant partie du noyau du SP. Il y a de temps à autre des tensions dans la vraie vieille garde, mais pas tout à fait claires et pas tout à fait cristallisées. C’est tout simplement un développement qui est en cours : le SP devient progressivement quelque chose d’autre.
Transformation idéologique : plus de soutien pour la Chine, Cuba ou les nationalisations
Il y a eu différents moments de réelle réforme idéologique, mais maintenant, on a même dans la vieille garde du SP une critique très forte et claire de toutes les dictatures qui ont régné au nom du socialisme. Ils montrent donc très clairement qu’ils n’ont rien de commun avec cette sorte d’administration, ni en Chine, ni ailleurs. La vieille direction du SP n’est pas très positive non plus pour le gouvernement de Cuba qui peut encore se vanter du soutien de gens de gauche. Le SP laisse aussi derrière lui d’autres aspects du passé de gauche. Jusqu’en 1998, il y avait dans le programme du SP la nationalisation des 200 plus grandes entreprises. Cette revendication ne se trouve plus dans le programme. Donc, beaucoup des vieux débats de gauche sont devenus non pertinents pour le SP de maintenant. La discussion sur l’avenir de l’économie commence seulement à pointer au SP. Je ne peux donc en dire que très peu.
Grande discussion sur une éventuelle participation au gouvernement
Le SP est certainement, aux Pays-Bas, le parti qui soutient la résistance au néolibéralisme, aux privations, aux lois du marché, surtout dans le secteur de la santé et dans les transports en communs. Ils sont très clairs à ce sujet et moi-même et d’autres gens radicaux de gauche trouvons ça très bien. Mais la plupart des gens estiment que l’avenir de l’économie est une discussion pour l’avenir. Mais à l’intérieur du SP, on discute beaucoup sur la possibilité d’une participation au gouvernement et sur un glissement à droite pour rendre possible une participation au gouvernement. Il n’y a pas d’unanimité là-dessus. Pour la direction du SP, il est manifeste – et ils le disent très ouvertement – que la question n’est pas de savoir si le SP va participer au gouvernement, mais quand il va participer au gouvernement. C’est ce que dit la direction.
Le SP n’est absolument pas à comparer avec une organisation comme la LCR française. La LCR française est une organisation d’extrême gauche qui est restée une organisation d’extrême gauche, mais elle est bien devenue plus grande. Elle a attiré 1,5 million de voix sans rien perdre de ses vues mondiales radicales d’il y a 30 ans. Avec le SP, il en va tout autrement. Il ne reste que très peu de la gauche radicale aux Pays-Bas. Pour des gens radicaux de gauche, il est important qu’il reste au moins encore un parti qui s’oppose au néolibéralisme.
Le SAP dans le SP ? Une collaboration loyale sans renoncer à son identité
Une grande partie du SAP néerlandais s’est mise à travailler au sein du SP. Ça a été un processus progressif. En tant que SAP, nous avons commencé dans une seule ville, Rotterdam. Il y a eu des entretiens avec la direction locale à Rotterdam. Il y a eu un accord, il n’y avait pas de problèmes et jusqu’à présent, il n’y a jamais eu de problèmes. Nous continuons à éditer nos propres journaux, à donner nos propres conférences et personne n’a eu de difficultés à ce sujet. Le SP n’a pas de tradition de tendances ou de courants. En ce sens, l’espace pour la discussion n’est peut-être pas aussi grand que nous le voudrions, mais l’espace pour la discussion existe et la discussion se poursuit.
Champ de tension
Le SP a toujours été fier du fait qu’il n’est pas seulement un parti parlementaire. Le SP est un parti d’action et reste un parti d’action. Et c’est justement ce que nous trouvons bon. Dans le passé, des gens de gauche trouvaient parfois que les actions du SP étaient seulement des actions du SP. Le SP ne participait pas à des coalitions plus larges ou à des plates-formes. Ça a quelque peu changé au fil des années. Dans le mouvement anti-guerre, le SP est une organisation à côté d’autres organisations. Elle est aussi un prêteur important. Ça doit aussi être dit. Maintenant que le SP est devenu très grand et qu’en général, les mouvements sociaux aux Pays-Bas ne sont pas tellement grands, cela reste bien un champ de tension, parce que le SP a tout bonnement plus de puissance. Maintenant que le SP siège au parlement néerlandais avec 25 personnes, le champ de tension est encore devenu plus grand. Nous craignons un peu que la cible du SP soit en train de glisser dans la direction du parlement, direction le cirque parlementaire.
Le SP a eu ses propres groupes syndicaux, mais en fait, ça n’a jamais bien réussi. Maintenant, le SP est le plus grand parti chez les gens des syndicats. Pour les syndicats néerlandais, qui sont traditionnellement fort liés avec le PvdA, la social-démocratie, c’est un point difficile. Tu as en fait une situation dans les grands syndicats où le sommet va toujours derrière le PvdA –mais en étant de moins en en moins content, surtout avec ce gouvernement-ci – alors que le cadre moyen des syndicats est de plus en plus membre du SP. Tu vois aussi le début d’une véritable opposition à l’intérieur de quelques syndicats importants aux Pays-Bas. Ça signifie qu’il se produit de plus en plus un conflit à l’intérieur des syndicats entre les partisans du PvdA au sommet et ceux du SP au milieu. Mais le SP ne s’est rangé ouvertement en tant que parti derrière ces syndicalistes critiques. Ça reste aussi une discussion au sein d SP.
Faire quelque chose au niveau européen
Nous du SAP et d’autres gens à l’intérieur du SP continuons à dire : il faut faire quelque chose au niveau européen, il n’y a pas d’autre solution. Le SP voit bien aussi que certaines choses doivent être résolues au niveau européen, mais la direction ne voit pas encore la réelle nécessité d’un vrai parti Européen et nous trouvons que ça, c’est aussi bien un problème.