HÔPITAL DE CARHAIX (FINISTÈRE) : « La résistance s’amplifie »
Depuis plusieurs semaines, la population se mobilise pour préserver la maternité et le service de chirurgie de l’hôpital de Carhaix en Bretagne. Le maire de la ville, Christian Troadec (divers gauche), la soutient. Entretien.
● Pouvez-vous revenir sur ce qui est enjeu à Carhaix ?
Christian Troadec – La réforme hospitalière, qui touche l’hôpital de Carhaix comme le reste de l’Hexagone, est une réforme qui a pour unique but de casser le service public de santé et de transférer une grande partie de ses activités vers le privé. Tout le reste n’est que verbiage et habillage. Le problème de l’hôpital de Carhaix est politique. Il lui faut une réponse politique.
● On parle d’un million d’euros de déficit, de risques pour les usagers…
C. Troadec – Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage. Le déficit financier n’est dû qu’au principe de la tarification à l’acte mis en place par le gouvernement Fillon. Même les Anglais, sous Thatcher, n’ont pas osé aller aussi loin dans la marchandisation de la santé. Quant à la sécurité des patients, elle n’est pas remise en cause. L’expertise menée par une conseillère générale de la santé du ministère n’avait pas d’autre but que d’élaborer un dossier à charge contre l’hôpital de Carhaix. Ajoutez une bonne dose de manipulation médiatique, et l’affaire est jouée…
● Pourquoi vouloir maintenir la maternité et la chirurgie ?
C. Troadec – Carhaix est une ville d’un peu plus de 8 000 habitants, qui a toujours joué le rôle de capitale pour le pays du Centre-Ouest-Bretagne (100 000 habitants, 108 communes). Supprimer la maternité et la chirurgie, c’est priver des habitants d’un accès aux soins de proximité. Or, nous sommes situés à environ une heure des autres hôpitaux (Brest, Quimper, Lorient, Saint-Brieuc). Le directeur de l’agence régionale d’hospitalisation de Bretagne, M. Perrin, a expliqué, le plus sérieusement du monde, que les femmes qui devaient accoucher n’avaient qu’à prendre une chambre d’hôtel à Brest ou à Quimper ! Quel mépris !
● Comment se passe la lutte ?
C. Troadec – Elle se mène sur tous les fronts. Un référé en annulation des arrêtés de suspension et de fermeture des services de maternité et de chirurgie a été déposé au tribunal administratif de Rennes. Il sera examiné le 25 juin. Sur le terrain, nous sommes dans une démarche unitaire. Les camarades de la LCR côtoient avec une grande efficacité ceux du Mouvement breton, des écologistes… Les gens de bon sens, qui souhaitent un véritable aménagement du territoire pour la Bretagne, sont tout simplement là. La lutte paie. L’État a reculé la fermeture des services au 29 août. C’est insuffisant, car nous demandons un moratoire de dix-huit mois et la possibilité de proposer un projet alternatif. Un collectif de femmes enceintes a décidé d’accoucher, coûte que coûte, à Carhaix. Les premiers accouchements ont eu lieu. Nous ferons reculer le gouvernement. Carhaix, c’est Plogoff, cette lutte extraordinaire d’une petite commune, qui avait mené à l’abandon d’une centrale nucléaire en Bretagne, au début des années 1980. La résistance s’amplifie. Nous gagnerons.
* Paru dans Rouge n° 2257, 19/06/2008. Propos recueillis par Matthieu Guillemot.
HÔPITAL DE CARHAIX : Journée de lutte à Quimper
Une fois de plus, le comité de défense de l’hôpital de Carhaix (Finistère) a appelé à manifester, samedi 7 juin, à Quimper, préfecture du département. Une fois de plus, des centaines de Carhaisiens, renforcés par de nombreux Quimpérois et autres habitants du Finistère, ont répondu présents.
La LCR, partie prenante, à travers ses militants carhaisiens, de toutes les actions, a fortement mobilisé pour cette manifestation. Très présente, elle prit, comme les militants de Solidaires, toutes ses responsabilités dans les actions de cette journée. Les forces de police avaient placé Quimper en état de siège. Pourtant, toute la journée, les manifestants ont tenu la rue, malgré les salves et les assauts des gardes mobiles. À la violence des forces du « désordre », les manifestants ont su répondre avec détermination, mais aussi avec humour.
Cela n’a pas calmé la gendarmerie mobile, qui a arrêté plusieurs manifestants et blessé plusieurs personnes, dont un adjoint au maire de Carhaix. Les élus de Carhaix ont activement participé, de bout en bout, aux actions. Malgré les lacrymogènes et autres grenades assourdissantes, dont certaines étaient projetées à tir tendu, les manifestants, après une tentative massive de se diriger vers le commissariat pour demander la libération des manifestants, ont appris cette libération vers 17 heures.
Quimper se souviendra sans doute longtemps de cette journée. En revanche, du côté de la municipalité PS-PCF-Verts de Quimper, dirigée par Bernard Poignant, ce fut la désertion : pas de présence, pas de solidarité. Les unions locales de la CGT ou de la CFDT furent également totalement absentes.
L’heure est à l’offensive, à la convergence des luttes, à l’unité sans faille. Toute la semaine, les hôpitaux de Carhaix et de Concarneau ont montré la voie. Il ne faut rien lâcher face à ce gouvernement de casse sociale. Le combat continue et s’amplifiera jusqu’au retrait des décisions calamiteuses de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot.
Gérard Parme
* Paru dans Rouge n° 2256, 12/06/2008.
HÔPITAUX : Le Finistère en pointe
Département pilote de la contre-réforme des hôpitaux, le Finistère subit de plein fouet les fermetures et les suppressions de postes. Mais hospitaliers et usagers se mobilisent.
Les attaques contre le service public de santé du Finistère – fermeture de la chirurgie et de la maternité de l’hôpital de Carhaix ; fin des urgences de nuit à Concarneau, Douarnenez, Pont-l’Abbé et Quimperlé ; déménagement des allogreffes de Brest à Rennes – sont un drame pour tout le département. Mais la mobilisation s’intensifie, comme à Carhaix, depuis le 29 mars. La population de Centre-Bretagne, les élus de la mairie, le comité de défense, les syndicats et les militants de la LCR ne veulent pas voir leur hôpital amputé de ses services.
Occupation de l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH), à Rennes ; montée de quatre cars à Paris, le 20 mai, à l’appel de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité ; occupation de la perception de Carhaix, après la réception d’un fax de l’ARH annonçant la suspension des services de chirurgie et de maternité, dès le 6 juin ; blocages de ronds-points avec le renfort des paysans : le comité de défense de l’hôpital multiplie les opérations de sensibilisation, en bloquant la circulation d’axes routiers.
La riposte s’intensifie et elle se renforce. Deux femmes ont entamé une grève de la faim. Un collectif de femmes enceintes organise une conférence de presse pour dire qu’elles portent plainte contre la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, pour non-assistance à personne en danger. Trois recours sont déposés devant le tribunal administratif par le comité de défense et le conseil d’administration de l’hôpital, mais aussi le Pays du Centre-Ouest Bretagne. Ils s’appuieront sur l’exemple de Lannemezan (Hautes-Pyrénées), où la maternité a été sauvée grâce à « l’exception géographique » (45 minutes de toute autre maternité).
Une délégation d’élus carhaisiens a été reçue par la directrice générale des hôpitaux, à Paris, pour lui proposer un projet alternatif à la fermeture. Bilan de l’entrevue : rien, si ce n’est la déception et la colère. Samedi 31 mai, une coordination régionale des hôpitaux en danger s’est réunie à Carhaix avec des représentants de Concarneau, de Landerneau, de Pont-l’Abbé, de Douarnenez et de Brest. Il a été décidé de multiplier les initiatives. Des actions de blocage du Finistère se dérouleront, le 10 juin, avec des barrages filtrants à Morlaix, Brest, Châteaulin et Quimper, sur la voie express. Une manifestation régionale est déjà programmée à Rennes, le 20 juin, pour bloquer la ville.
Ce même samedi 31 mai, plus de 2000 personnes ont défilé dans les rues de Concarneau, à l’appel de leur comité de soutien, afin de défendre les urgences de nuit. Dans la matinée du lundi 1er juin, devant la préfecture, plus de 1 000 Carhaisiens, épaulés par des militants syndicaux et le comité d’initiative pour le nouveau parti anticapitaliste de Quimper, ont tenu tête aux forces de l’ordre, qui s’en sont violemment pris à une femme enceinte et à quelques manifestants. À Pont-l’Abbé, une réunion publique doit prochainement se tenir, à l’appel de l’intersyndicale, en vue de constituer un comité de soutien.
La population du Finistère a compris qu’il fallait hausser le ton et développer le rapport de force contre ce gouvernement. Les jours à venir sont particulièrement importants. Roselyne Bachelot expérimente dans le Finistère sa politique de casse de l’hôpital, s’appuyant sur le rapport Larcher, qui préconise notamment de créer des communautés hospitalières de territoire : « Un hôpital pivot par territoire de santé avec des satellites. » À nous de faire en sorte qu’elle se casse les dents sur notre détermination.
Janine Carrasco
* Paru dans Rouge n° 2255, 05/06/2008.
Sale temps pour l’hôpital Paul-Guiraud
Si, jusqu’ici, les moyens budgétaires alloués à l’établissement psychiatrique Paul-Guiraud, à Villejuif (Val-de-Marne), étaient notoirement insuffisants en regard des besoins, la dotation budgétaire prévue pour 2008 annonce la catastrophe. Pour la première fois, la rémunération prévue pour le personnel non médical permanent (titulaires, stagiaires, CDI) est en baisse de 725 000 euros par rapport à 2007. La direction annonce la perte de 30 équivalents temps plein, tout en affirmant que les effectifs soignants ne sont pas touchés.
Déjà, entre décembre 2007 et avril 2008, 29 infirmiers ont disparu des services, alors que, dans le même temps, le budget intérimaire baissait de 15 %. Et cette diminution du budget devrait se reproduire pendant au moins cinq exercices… Cela a des conséquences en termes d’emplois, mais aussi en termes de fermetures, regroupements et restructurations, faisant revenir aux grandes unités asilaires du passé. Alors que les médecins s’étaient opposés, en 2006 et en 2007, au budget présenté par la direction, cette année, à la surprise générale, ils ont voté unanimement en sa faveur.
Ce soutien inespéré à une mesure organisant le démantèlement de l’hôpital est stupéfiant. Il serait affligeant d’apprendre que ce vote a finalement été acquis du fait de l’augmentation d’une dotation budgétaire en hausse pour le personnel médical, alors que la rémunération prévue pour le personnel non médical est en baisse très sensible. Il faut résister : une assemblée générale du personnel doit avoir lieu, le 12 juin.
* Paru dans Rouge n° 2255, 05/06/2008.
HÔPITAUX : Rassemblement national le 20 mai
Le 20 mai, la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité appelle à un rassemblement à caractère national ; à 15h, devant la maternité des Bluets, à Paris (4, rue Lasson, M° Picpus). Cette initiative est également soutenue par la Convergence de défense des services publics, ainsi que par les comités de lutte contre des fermetures d’établissements de santé de proximité. Le comité de soutien à la maternité de Carhaix (Bretagne) mobilise deux cars, après la manifestation régionale de Brest, le 17 mai. De même, le comité de la maternité de Clamecy (Savoie), fermée depuis mars, sera présent, ainsi que des délégations syndicales ou politiques.
C’est donc au tour de la maternité des Bluets d’être dans le collimateur des restructurations. Il est exigé qu’elle augmente en quelque sorte sa « productivité », passant de 2 300 accouchements annuels à 3 000, avec vingt emplois en moins. C’est ce que le personnel dénonce comme la mutation de la maternité en « accouchoir », avec une rotation accélérée et une qualité dégradée des soins de suite d’accouchements, sous prétexte de retour à l’équilibre financier. Les hôpitaux ou maternités de proximité sont visés depuis longtemps, aboutissant à une « désertification médicale » dénoncée par la coordination. On se souvient de la lutte opiniâtre pour le maintien de l’hôpital de Saint-Affrique (Aveyron).
Cette action du 20 mai a été décidée avant la publication du rapport Larcher, mais cette nouvelle offensive contre le système hospitalier public ne fait que renforcer sa nécessité. Dans le rapport Larcher, explique Françoise Ney (de la coordination), les hôpitaux de proximité sont destinés à être des établissements de « soins de suite », sans plateau technique, de plus en plus orientés vers la seule gériatrie. L’action du 20 mai tombe donc à pic, et elle constitue de fait la première action de vigilance face à ce qui se prépare dans les mois à venir, pour aboutir à la casse du système public hospitalier.
• Contacts : www.coordination-nationale.org
Dominique Mezzi
* Paru dans Rouge n° 2252, 15/05/2008.
La santé dans le Finistère
Le 29 mars, le comité de défense du centre hospitalier public de Carhaix (Finistère) a réuni près de 10 000 manifestants pour le maintien du service de chirurgie et de la maternité (lire Rouge n° 2246). Le 24 avril, à Rennes, un proche de Roselyne Bachelot, expliquait à une délégation de plusieurs dizaines de Carhaisiens qu’il n’y avait pas assez d’argent pour soigner les malades décemment. Il a ensuite fait évacuer sans ménagement, par la police, le siège rennais de l’Agence régionale de l’hospitalisation (ARH) occupé par les manifestants, provoquant une immense colère et deux blessés.
Le lendemain, 800 personnes étaient rassemblées devant l’hôpital pour dire que le combat continuait. Le reste du Finistère est soumis au même régime, à croire que le projet Larcher et le plan de santé de Sarkozy sont ici en avance. L’ARH a aussi annoncé la fermeture des urgences de nuit de Concarneau, à partir du 1er juin, ainsi que celles de Pont-L’Abbé et de Douarnenez. À Morlaix, l’hôpital public a l’obligation de fermer une partie de sa chirurgie pour accueillir la chirurgie du privé.
À Brest, il est programmé le transfert des allogreffes et de la neurochirurgie pédiatrique vers Rennes. Un prochain rendez-vous est pris, le 17 mai à Brest, en défense du service public hospitalier, par les organisations syndicales, politiques et les différents comités de soutien. Seule la détermination, la mobilisation et l’action pourront faire reculer la destruction annoncée du système de santé public dans le Finistère.
* Paru dans Rouge n° 2250, 01/05/2008. (Au jour le jour)