Pour celles et ceux, de plus en plus nombreux, qui ont du mal à boucler les fins de mois, l’augmentation du prix de l’essence est insupportable. C’est d’abord un problème de salaire. 300 euros de plus par mois, aucun salaire, retraite ou minima sociaux en dessous de 1 500 euros net, c’est l’exigence que doit imposer une mobilisation interprofessionnelle prolongée. Immédiatement, la prime de transport généralisée et indexée doit faire payer aux patrons le coût du trajet domicile-travail. Avec une inflation à 3,3 %, une revendication oubliée s’impose, l’échelle mobile des salaires, c’est-à-dire leur augmentation automatique en fonction des prix.
Les impôts indirects, TVA ou TIPP, profondément injustes, doivent être supprimés sur l’indispensable pour se nourrir, se loger, se chauffer, se déplacer pour aller travailler ou étudier. L’alimentation, le logement, les transports augmentent le plus, les plus pauvres sont les plus pénalisés. Bloquer les prix des aliments de première nécessité et payer équitablement les producteurs, paysans ou pêcheurs, c’est possible, en prenant sur les profits des trusts de l’agroalimentaire et des grandes surfaces.
De même, fixer les prix du fuel domestique et des carburants pour les déplacements quotidiens permettrait aux travailleurs de ne pas faire les frais de la flambée des prix du pétrole. Passer moins de temps en voiture, beaucoup d’entre nous en rêvent, nous n’avons pas choisi d’habiter loin de notre lieu de travail ou de subir l’absence de transports en commun. Il y a urgence à réduire la consommation de pétrole. Mais des mesures socialement injustes ne convaincront pas, au contraire !
Pour imposer des choix écologiques efficaces, il faut retirer aux compagnies pétrolières leur pouvoir de polluer, d’exploiter et de piller. Il faut nationaliser Total et annuler les privatisations d’EDF et GDF afin de créer un grand service public de l’énergie. Les profits pétroliers confisqués serviront, dans ce cadre, à développer des transports en commun gratuits, confortables, en nombre suffisant, à donner la priorité au rail, à financer l’isolation des logements, à développer les énergies renouvelables (solaire, éolien)… ■
Frida Fuego
* Paru en éditorial dans Rouge n° 2257, 19/06/2008.
Premier 4x4 Renault
Au moment où les prix du pétrole flambent – et c’est parti pour durer –, où le prix de l’essence grève les revenus des ménages et où, chaque jour amène son lot de prévisions de plus en plus alarmantes sur le front du dérèglement climatique, Renault ne trouve rien de mieux que de lancer sur le marché son premier 4x4, le Koleos.« Renault à l’intérieur, 4x4 à l’extérieur », vantent les publicitaires, qui ont décidément du talent pour ne rien dire en si peu de mots. À moins que cela sous-entende qu’à l’extérieur, donc en termes de rejets de carbone, le Koleos est bien un 4x4, c’est-à-dire qu’il rejette 41 % de CO2 de plus que la norme acceptable.
Tout cela pour que les Indiana Jones de centre-ville puissent parader en toute quiétude. Nul doute que, derrière leurs vitres teintées, bercés par la douce fraîcheur de la climatisation, ces privilégiés n’entendront pas les cris et la colère de ceux et celles qui sont obligés de passer plusieurs heures dans les embouteillages afin de se rendre à leur boulot, souvent fort éloigné de leur domicile.
Pendant ce temps, les constructeurs automobiles se battent avec acharnement pour que l’Union européenne adopte une législation peu contraignante en matière de rejets de gaz à effet de serre pour les nouveaux véhicules.
Quand l’indécence sociale se conjugue à l’indécence écologique, ce sont toujours les mêmes qui payent : les pauvres, aujourd’hui à cause du coût de la vie et des salaires qui stagnent ou baissent, demain à travers les conséquences des changements climatiques.
Vincent Gay
* Paru en « Fais et méfaits » dans Rouge n° 2257, 19/06/2008.
PRIX DES CARBURANTS : Intouchable pompe à fric
Face à la colère des marins-pêcheurs, des agriculteurs et des routiers, qui s’est manifestée dans plusieurs pays d’Europe, les gouvernements proposent des mesures dérisoires, qui ne touchent ni aux taxes perçues par les États, ni aux intérêts des compagnies pétrolières.
Alors que les marins-pêcheurs reprenaient la mer après trois semaines de mobilisation, les transporteurs routiers ont bloqué, en ce début de semaine, le trafic de part et d’autre de la frontière espagnole et autour de l’agglomération bordelaise. Les deux fédérations de patrons routiers menacent d’actions plus dures si le gouvernement ne leur propose rien de plus que ce qu’il leur a promis, à savoir l’étalement de leurs charges fiscales comme de leurs cotisations sociales et l’accélération du remboursement par l’État de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP).
Les organisations de professionnels touchés par la hausse des carburants sont, la plupart du temps, dirigées par des représentants des plus grosses entreprises, mais il y a aussi une foule de travailleurs indépendants et de petits patrons qui sont étranglés par l’envolée des prix à la pompe. Et il est bien possible que les mobilisations de pêcheurs, d’agriculteurs et de routiers continuent, ou reprennent, tant ont été dérisoires les réponses qui leur ont été données.
Pour le gouvernement, il s’agit aussi de donner le change à l’égard de l’ensemble de la population que frappe la hausse des carburants automobiles ou du fioul domestique. La ministre de l’Économie, Christine Lagarde, s’est bien gardée de rééditer sa provocation de l’automne dernier, lorsque, face à la hausse du prix de l’essence, elle avait recommandé de « rouler à vélo ».
Mais ce ne sont pas pour autant les solutions qu’ils ont envisagées qui pourront calmer le mécontentement des particuliers. Sarkozy avait promis, fin mai, d’augmenter la prime à la cuve pour la faire passer à 200 euros et de financer cette hausse par le surcroît de recettes dégagées par l’augmentation automatique de la TVA lorsque le prix des carburants monte. Mais, disent les experts du ministère des Finances, ce surcroît n’est pas si important parce que, assurent-ils, la consommation baisse à ce moment-là. Il avait voulu montrer également, de façon démagogique, qu’il était prêt à défier les autorités européennes pour obtenir d’elles une baisse de la TVA. Sans succès.
Ce qui ne l’a pas amené pour autant à envisager de baisser, comme il était en son pouvoir, la TIPP. Mais voilà que Lagarde a sollicité Christophe de Margerie, le PDG de Total, pour qu’il fasse un geste. Et quel geste ! Après deux heures de rendez-vous, le patron du trust pétrolier a consenti à consacrer… 30 à 40 millions d’euros pour financer l’augmentation de la prime à la cuve. À peine une goutte de ses énormes profits – plus de 12 milliards d’euros l’an dernier – et alors que, comme l’a révélé l’UFC-Que Choisir, la marge de raffinage des compagnies pétrolières, sur un litre de diesel, est de 15,7 centimes actuellement, contre 6,4 centimes en janvier 2008. Soit une multiplication par 2,4 en l’espace de quatre mois.
Galia Trépère
* Paru dans Rouge n° 2256, 12/06/2008.
PRIX DU PÉTROLE : Non au racket
Les compagnies pétrolières, les sociétés de finance et l’État sont les grands bénéficiaires de la hausse des prix du pétrole et des carburants.
Pour les marins-pêcheurs, c’est une catastrophe. Mais, pour tous ceux qui sont obligés de prendre leur voiture, ne serait-ce que pour aller travailler, c’est une ponction insupportable sur un pouvoir d’achat déjà lourdement entamé par l’augmentation de toutes les autres dépenses contraintes, loyer, denrées alimentaires, gaz et électricité, etc.
On nous explique que la hausse du pétrole brut, dont le prix – environ 127 dollars le baril aujourd’hui – a doublé en un an, serait due avant tout à l’insuffisance de l’offre, alors que la demande ne cesse d’augmenter du fait de l’industrialisation des pays émergents. Est souvent accusée la Chine, dont la consommation est passée de 4,9 % de la demande mondiale en 1995 à 9 % actuellement, mais on oublie de dire que les États-Unis, dont la population est quatre fois moins nombreuse, consomment, à eux seuls, 21 % de la production mondiale.
Alors, certes, le fait est établi, la consommation mondiale a augmenté et les réserves de pétrole, source d’énergie non renouvelable, sont limitées, condamnées à s’épuiser. Sauf que nous n’en sommes pas encore là et que l’insuffisance de l’offre tient surtout au fait que les compagnies pétrolières ne jugent pas assez rentable l’exploitation de nouveaux gisements tant que les prix ne leur assurent pas des profits assez juteux.
On minimise également le rôle de la spéculation, en expliquant qu’elle ne ferait qu’accentuer la tendance à l’augmentation des prix du fait de la raréfaction des ressources. Pourtant, ce sont bien les fonds de pension et autres détenteurs de capitaux qui ont fait monter de façon vertigineuse, ces derniers mois, les cours du pétrole, comme ceux des matières premières agricoles, depuis que la crise financière a compromis la rentabilité de leurs capitaux sur des secteurs plus classiques.
Pour les compagnies pétrolières, cette hausse du brut est un véritable pactole. Au cours des trois dernières années, les cinq majors (Exxon Mobil, BP, Royal Dutsch Shell, Total, Chevron) ont distribué plus de 150 milliards de dollars à leurs actionnaires, sous la forme de dividendes et de rachat d’actions. Quant au trust français Total, qui avait réalisé 13,2 milliards d’euros de bénéfices l’an dernier, il en annonce déjà, pour le seul premier trimestre 2008, 3,25 milliards. Des profits d’autant plus élevés que le pétrole brut payé en dollars lui revient beaucoup moins cher en euros, au cours actuel de la monnaie européenne (1 euro = 1,5 dollar).
Le gouvernement, qui a annoncé des mesures dérisoires de soutien aux professions les plus touchées, se garde bien de faire la lumière sur les rentrées considérables que la hausse des carburants assure à l’Etat. La taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) lui rapporte 61 centimes par litre de sans-plomb 95, et 42 centimes sur celui de gazole. Il faut ajouter à ce pactole les rentrées assurées par la TVA, 19,6 % du prix des carburants. Des taxes particulièrement injustes parce que, impôts indirects, elles font payer de la même façon un Rmiste et un millionnaire.
Tout est fait pour masquer la responsabilité des trusts pétroliers, de la finance et des États, y compris une utilisation cynique de l’argument écologique, alors que les uns comme les autres ne font rien pour développer les transports en commun, limiter l’usage des transports routiers ou encore travailler à la recherche et à la mise en œuvre d’énergies non polluantes.
La seule manière de faire cesser ce racket dont est victime la partie plus pauvre de la population, c’est la suppression des taxes indirectes, la fixation légale du prix des marchandises, le contrôle des compagnies pétrolières. Toutes choses qu’il serait illusoire d’attendre du gouvernement à la tête d’un État qui a toujours servi, en utilisant les pires méthodes de barbouzes, les intérêts de Total. Seule la population est à même d’imposer de telles mesures de contrôle comme celles aussi, qu’il est urgent d’envisager, qui permettraient de réduire l’utilisation des énergies les plus polluantes.
Galia Trépère
* Paru dans Rouge n° 2255, 05/06/2008.