Le but de mon exposé est de rompre avec une historiographie où la rencontre coloniale est réduite à une configuration binaire et forcément manichéenne, a-historique , celle qui efface la durée et le mouvement, celle qui tait les transactions et les interactions et finalement, les liens d’interdépendance qui s’instaurent.
« Les Annamites recevront la culture française et nous en acceptons les conséquences »
Albert Sarraut (1872-1962), gouverneur général de l’Indochine française et ministre des colonies sous la IIIe République [2]
Cette phrase placée en exergue révèle chez le chantre de l’impérialisme français une vision dialectique de l’histoire mais elle n’indique que l’aller du processus qu’il envisageait et non le retour encore indéterminé. Aujourd’hui, le temps colonial est révolu et la domination presque séculaire ayant eu le temps de produire ses effets, nous pouvons discerner avec plus de clarté ce que Sarraut ne fit que pressentir.
Avant que la péninsule indochinoise ne fut conquise et que ses populations ne fussent soumises, elle fut le théâtre d’une évangélisation conduite par les missionnaires catholiques venus d’Europe (espagnols, portugais, italiens mais aussi et de plus en plus français à cause du rôle grandissant des Missions étrangères de Paris au cours du 18e et 19e siècle). Autrement dit, le registre religieux de la civilisation européenne n’était pas inconnu des Asiatiques qu’ils fussent Indiens, Chinois, Japonais, Philippins, Siamois et Vietnamiens. Il était même familier à certains d’entre eux. Mais au 19e s. l’agression impérialiste est porteuse de la culture européenne globale et non seulement de sa composante religieuse. La conquête française inaugure une rencontre d’un nouveau type et donne à celle-ci la tournure d’un « choc de civilisations ». La mainmise française sur la péninsule indochinoise fut opérée par deux régimes politiques chacun porteur de son bagage culturel : le Second empire se présentait comme défenseur du catholicisme et du libéralisme économique, la Troisième république comme héritière de son prédécesseur mais aussi porteuse des valeurs universelles de liberté, d’égalité et de fraternité sous l’égide de la Raison éclairée. Ce qui justifiait la mise en accusation du « despotisme oriental », notion transférée de l’empire ottoman à l’empire chinois.
Le discours du premier ministre républicain Jules Ferry à la Chambre des députés, le 28 juillet 1885 [3], est apparu et entendu, aujourd’hui encore, comme le manifeste de l’expansion impérialiste française. Jules Ferry y prenait à son compte la notion de supériorité raciale qui autorisait les races supérieures à soumettre les races inférieures mais imposait en même temps aux premières le devoir de civiliser les secondes. Le qualificatif « inférieures » désignant le retard de leur évolution civilisationnelle (autrement dit la supériorité raciale n’y était pas conçue comme génétique et dans le langage de l’époque, la race était souvent synonyme de nation). Sur le terrain, les techniciens de la colonisation reprirent les mêmes idées-forces, ainsi en 1886 le résident supérieur Paul Bert déclarait « la France possède les secrets du progrès civilisateur » et il évoquait la vision future « d’une colonie de marchands et d’industriels…de créateurs de ressources et de richesse [mais aussi] une colonie de citoyens libres où colonisés et colonisateurs travaillent en associés ».
Vingt ans plus tard, le gouverneur général Paul Beau assurait que la modernisation intellectuelle devait préparer et servir la colonisation économique ; dix ans après lui, Albert Sarraut lançait une campagne sur le thème de la collaboration franco-annamite (Phap Viêt dê huê) pour la mise en valeur du pays. En fait, les Français justifiaient leur expansion et leur tutelle essentiellement par la détention et la transmission d’instruments qui permettraient d’améliorer la condition humaine : les sciences expérimentales et appliquées permettant la pénétration des secrets de la Nature pour les mettre au service de l’Homme, les techniques de production et de distribution, de la santé mais également des régimes politiques mettant fin au pouvoir arbitraire d’un seul homme ou à la suprématie d’une caste. Cependant, en Asie orientale, les Européens durent compter avec des états constitués de très longue date (l’empire chinois entre autres) et des civilisations parfois plus anciennes que celles de l’Europe. Ils y rencontrèrent de très fortes résistances tantôt passives tantôt actives qui modifièrent leurs intentions ou leurs projets, l’intelligence d’Albert Sarraut fut de comprendre que les résultantes étaient imprévisibles.
L’agression culturelle
Le premier vecteur des transformations culturelles fut l’enseignement. Les cinq premières décennies de la domination française fut une période de tâtonnements et d’essais. Les Français , si tant est qu’ils fussent animés d’une volonté d’assimilation en vertu d’une foi dans l’universalisme de leur culture, se rendirent très rapidement compte qu’il leur serait impossible de faire des Indochinois des reflets d’eux mêmes. En 1930, le gouverneur général Pasquier, un admirateur de la « civilisation annamite » s’interrogeait gravement devant un journaliste français : « depuis des milliers d’années, l’Asie possède son éthique personnelle, son art, sa métaphysique, ses rêves. Assimilera-t-elle jamais notre pensée grecque et romaine ? Est-ce possible ? est-ce désirable ?... Où trouver entre l’Asiatique et nous le ciment et le lien ?...Nous Gaulois nous étions des barbares. Et à défaut de lumières propres, nous nous sommes éclairés après quelques résistances, à celles qui venaient de Rome. Le liant du Christianisme acheva la fusion, mais en Asie, sans parler des éloignements de race, nous trouvons des âmes et des esprits pétris par la plus vieille civilisation du globe » [4].
Dans les milieux dirigeants français de la colonie, il est entendu à partir des années 1930 qu’il ne faut franciser la scolarité. Le gouverneur général A. Varennes recommandait de ne pas enseigner aux indigènes que la France « est leur patrie… Veillez à ce qu’ils aient un enseignement asiatique qui leur soit utile dans leur pays » ; dans cet ordre d’idées, en 1933, E. Tavernier publie, à Saigon, une brochure intitulée De la nécessité d’écrire l’histoire de l’ancien empire d’Annam.
À défaut de faire des Viets des clones , les Français voulurent les détacher de leur matrice culturelle chinoise en généralisant et en officialisant le quoc ngu (écriture romanisée inventée par les jésuites au XVIIe siècle comme outil d’évangélisation). En 1897 le quôc ngu devint le medium officiel en Cochinchine puis son enseignement et son usage fut progressivement étendus au pays vietnamien tout entier sans que cela conduisit à l’exclusion totale et définitive des caractères chinois de l’enseignement, de la communication et de l’usage quotidien.
Le but de l’opération était politique puisqu’il s’agissait de distendre sinon rompre des liens séculaires avec le voisin et longtemps suzerain du nord [5] tandis que les caractères cambodgiens et lao étaient conservés chez les deux voisins de la péninsule parce que, sans doute, l’enjeu n’était pas le même. Mais l’imposition du quôc ngu avait sans doute un but plus essentiel, un but utilitaire : former grâce à un apprentissage plus rapide et plus facile, les cadres administratifs, intellectuels et techniques du pays. Le lieutenant de vaisseau Aubaret attribuait un rôle révolutionnaire à la transcription romanisée « cette langue vulgaire, ainsi fixée par nos caractères latins nous ouvre une voie facile pour faire pénétrer nos idées civilisatrices, et qui sait si ce n’est pas par là que la science européenne, si absolument inconnue en Extrême-orient à cause de la difficulté insurmontable des termes, se frayera un jour passage ? … » [6]. En effet dans le Viet Nam impérial et à l’exemple de l’empire chinois, les mandarins étaient recrutés sur concours où leur connaissance des caractères mais aussi des classiques confucéens étaient indispensables.
C’est à Albert Sarraut que revint l’initiative de structurer et d’institutionnaliser l’enseignement indochinois [7] avec le Code de l’instruction publique qu’il promulgua en 1917, en même temps qu’il prenait une série de mesures pour organiser la mise en valeur scientifique des possessions françaises d’Indochine notamment l’agriculture. Dans le même temps, les concours traditionnels furent supprimés en deux fois, en 1915 et en 1919. L’Université indochinoise fondée à Hanoi en 1907 mais fonctionnant réellement à partir de 1917 était la seule université coloniale (celle d’Alger étant dans un département français) et jusqu’en 1941, elle n’accueillit que des « indigènes ». Bien qu’appliquant un numerus fixus et une sélection sévère, elle avait, au moment où éclate la révolution de 1945, formé plusieurs centaines de médecins, pharmaciens, ingénieurs agricoles, juristes, architectes, enseignants, et du personnel administratif qui rallièrent en majorité le camp des indépendantistes et fournirent de nombreux cadres à la révolution et à la résistance contre les Français puis à la modernisation du pays devenu indépendant. Une intelligentsia Vietnamienne émergea qui fit dire à A. Varennes, dès 1926, qu’un Tiers-état annamite était né auquel il fallait donner sa place avant qu’il ne la réclame.
Un deuxième facteur de transformations fut le séjour en France des travailleurs, des soldats et des étudiants. Ces voyages prirent nettement tournure au début du 20e siècle lorsque la première guerre mondiale fit transporter en France, de 1915 à 1919, 42 992 tirailleurs et 49 180 travailleurs (alors qu’on n’avait recensé que 100 à 200 Indochinois de 1910 à 1914) [8]. Après la guerre lorsque la très grande majorité des tirailleurs et travailleurs furent rapatriés, les étudiants leur succédèrent, le nombre de ceux ci passa de 177 en 1924 à 700 en 1929 bien qu’un recensement officiel en dénombre 1490 en 1930 sur 5000 de leurs compatriotes dont le ministère des colonies possédait des dossiers personnels. Lorsque le deuxième conflit mondial éclate en 1939, le gouvernement français renouvelle l’appel aux forces et aux ressources de l’empire colonial, le ministre des colonies Georges Mandel réclame 80 000 Indochinois, en 1940 lorsque la France capitule devant l’Allemagne, il n’y a que 8 000 tirailleurs et 20 000 travailleurs qui parviennent en métropole, il en restera 15 000 qui passeront les quatre années de l’occupation allemande en France [9] ; soi dit en passant ils furent témoins de l’humiliation de leurs maîtres mais également d’une résistance héroïque qui put les inspirer.
Certes, la main d’œuvre de 1914-1918 et celle de 1939-1944 était recrutés en très grande majorité parmi les ruraux et ils étaient dénommés ONS (ouvriers non spécialisés) mais, si au sein d’une organisation régimentaire, ils travaillaient en usines ou sur des chantiers à des tâches répétitives, ils furent néanmoins initiés au machinisme et soumis à la discipline du travail industriel. Ainsi, en 1919, il y eut 9 000 chauffeurs “automobilistes” or conduire des camions supposait un minimum de connaissances sur les moteurs à explosion et l’application des règles d’entretien et d’utilisation, un rapport disait d’eux « lorsqu’ils retourneront dans leur pays, ce ne seront plus les mêmes hommes ». On pourrait en dire autant des 8 200 infirmiers militaires présents la même année en France. On pourrait faire les mêmes observations en 1939-1944 où l’inspecteur des colonies Carbon-Ferrière rapportait l’opinion d’employeurs français sur la main d’œuvre indochinoise « le rendement est excellent… et parfois même meilleur que celui des ouvriers français » [10]. Ils firent également connaissance avec le syndicalisme et l’activisme politique et par conséquent, ils baignèrent dans la culture d’une société industrielle et démocratique. Cette dernière observation s’applique encore davantage aux étudiants qui étaient répartis entre toutes les disciplines et formations universitaires et professionnelles, des facultés de médecine aux écoles d’ingénieurs. Les mêmes étudiants furent des militants politiques actifs notamment mais non exclusivement, de l’extrême gauche [11].
La réponse des Vietnamiens ou du bon usage de l’agression culturelle
« L’oppression nous vient de France mais l’esprit de libération aussi »
Nguyen An Ninh, lettre à Léon Werth, 1926
Lorsque le dernier mouvement de la résistance armée Cân Vương cessa, la lutte contre les Français fut poursuivie de façon sporadique et localisée. La conquête fut considérée par un grand nombre de Vietnamiens comme un état de fait dont il convenait de tirer le meilleur parti possible. Dès les années 1850, un courant réformateur commença à apparaître dans la classe des lettrés et des mandarins mais ses voix (le lettré catholique Nguyễn Trừơng Tộ entre autres) ne furent pas entendues. Ces réformateurs s’inspiraient des Chinois Kang Youwei et Liang Qichao et ils avaient les yeux tournés vers le Japon entré dans l’ère Meiji. Les succès de la modernisation et la victoire militaire sur la Russie impériale en 1904-1905 exerçaient une séduction sur les indépendantistes vietnamiens qui prirent le chemin du Japon.
Cette migration (Đông Du ou Voyage à l’Est) de quelques centaines de jeunes Vietnamiens fut organisée par le lettré Phan Bội Châu (1867-1940) pour se regrouper autour du prince Cừng Để, prétendant au trône d’Annam réfugié au Japon [12]. Cette émigration politique cessa en 1908 lorsque le gouvernement japonais expulsa les Vietnamiens pour complaire au gouvernement français avec lequel il avait signé des accords diplomatiques accompagnés d’un emprunt bancaire.
En 1907, les Vietnamiens lancèrent de nombreuses initiatives dont l’objectif était la modernisation et qu’ils baptisèrent Duy Tân (Modernité), Minh Tân (Lumière nouvelle). À Hanoî, ils tentèrent de créer une université populaire autonome qui s’intitula Đông Kinh Nghĩa Thục (L’École Hanoïenne de la Juste Cause) qui fut éphémère mais marqua un tournant culturel à deux titres : l’enseignement se fit en quốc ngử concurremment avec les caractères chinois et sino-viet et les promoteurs de cette école mettaient fin au refus de la culture étrangère en séparant le culture française de la domination coloniale. Ce signal adressé aux Français était clair : les indigènes étaient désireux et capables de s’engager dans la voie de la modernité. Le Dông Du fut relayé par le Tây Du (Voyage à l’Ouest) qui conduisit des Vietnamiens en France où le lettré réformiste Phan Chu Trinh (1872-1926) libéré du bagne de Poulo Condor (grâce à l’intervention d’amis français et de la Ligue des Droits de l’Homme), devint un pôle de ralliement en 1911.
Les pérégrinations de Nguyễn Tất Thành alias Nguyễn Aí Quốc alias Hồ Chí Minh s’inscrivit dans le Tây Du. Les Vietnamiens partisans de l’indépendance mais qui refusaient « l’action directe », avaient compris que leurs aspirations ne pouvaient être satisfaites que par un travail d’éducation de la population et de modernisation des institutions et des mentalités. C’est le sens de la Lettre ouverte adressée par Phan Chu Trinh en 1907, au gouverneur général Paul Beau où il réclamait la suppression du mandarinat corrompu et inefficace ainsi que de la monarchie moribonde [13].
Dans ses activités de communication avec l’opinion française, Phan Chu Trinh est assisté par l’avocat Phan Văn Trừơng (1897-1933) qui mène une action soutenue en faveur de la diffusion et de la modernisation du quốc ngử, il veut faire de celui ci une transcription moderne et à part entière et non une infra langue, courroie de transmission entre le vietnamien et le français. Il appelle ses compatriotes à écrire et à publier en QN en l’enrichissant avec un vocabulaire scientifique et technique [14]. Il fut le précurseur du mouvement d’alphabétisation de la fin des années 1930 impulsé par le Hội Truyền bá Quốc ngử (Association pour la diffusion du QN).
Au lieu de rejeter la culture française, les militants anticolonialistes et indépendantistes en acceptèrent le registre humaniste et démocratique, cette acceptation conduisit l’écrivain et journaliste Nguyễn An Ninh (1900-1943) à écrire en exergue de son journal La Cloche fêlée (coédité avec Phan Văn Trừơng) « tout ce qui est français est nôtre ». Entre temps, NAN écrivait dans la revue Europe (n°31, 1925) : « Quelques Asiatiques ont pu, sous la poussée du mouvement qui entraîne la jeunesse asiatique vers l’Europe, venir en France observer la vie européenne et le secret de la puissance matérielle de l’Europe. Ils en ont rapporté les idées démocratiques européennes, l’esprit critique de l’Europe, une vigueur et une foi revivifiée par le souffle occidental. Ils ont reçu des Français même l’acte de condamnation du régime imposé par les coloniaux à l’Indochine » [15].
Dans les années 1930, le quốc ngử devint le moyen d’expression courant pour les générations sorties de l’enseignement franco-indigène ; une presse d’opinion vivante et la littérature moderne rompant délibérément avec le modèle chinois, prennent leur essor et donnent naissance à un courant romantique, un courant réaliste social et une école poétique symboliste. Parallèlement, l’École des Beaux Arts de Hanoï forme une pléiade d’artistes plasticiens dont la renommée s’étend jusqu’en France. L’évolution des esprits et des mœurs s’étend chez les citadins et atteint la maturité pendant la deuxième guerre mondiale lorsque les communications entre la métropole et ses possessions d’Asie sont coupées ; ce relatif isolement ainsi que la présence des Japonais qui encouragent et protègent certains cercles nationalistes sont propices à la réflexion sur la destinée du pays et à un réexamen des sources endogènes de la culture nationale. En témoignent une activité éditoriale importante en dépit de la pénurie de papier et de l’existence de la censure coloniale, deux revues deviennent des tribunes de cette revitalisation moderniste de la culture vietnamienne : Tri Tân / Renouveau et Thanh Nghị /Opinion juste.
Les autorités coloniales françaises tolèrent ou n’entravent pas ces manifestations de l’identité culturelle parce qu’elles contrebalancent les tentatives japonaises de gagner l’intelligentsia việt à sa cause. Par ailleurs et conformément à l’idéologie du régime de Vichy, mais également pour contrer la menace japonaise, le gouvernement général porte une attention particulière à l’encadrement et à la formation sportive de la jeunesse indochinoise. Les organisations créées par Vichy devinrent la pépinière des cadres et des membres des Jeunesses d’avant-garde (Thanh Niên Tiền Phong en Cochinchine), Jeunesse de première ligne (Thanh Niên Tiến Truyền à Huê) et du Viet Minh. L’Association des étudiants de l’université indochinoise elle aussi fournit de nombreux militants et combattants [16].
Dans les années 1940, la modernisation de la culture vietnamienne s’opère par transculturation, une révolution silencieuse mais redoutable pour le régime colonial. L’orientaliste Georges Coedès dit au savant Hoàng Xuân Hãn au sujet de sa vulgarisation des sciences modernes et de ses travaux historiques « ce que vous faites est plus dangereux pour nous que les menées de militants nationalistes et communistes ». Lorsque le 2 septembre 1945, Hô Chi Minh proclame la naissance de la République démocratique du Viet Nam, Etat indépendant, il recueille les fruits de la maturation culturelle et politique qui a débuté au début du XXe siècle.
En guise de conclusion, je citerai les réflexions d’un membre de l’intelligentsia qui prit les armes en 1945 pour résister au retour des Français :
« Revenons vers un passé révolu avec une vue large, objective, tolérante et passons en revue ce que la colonisation française a légué à notre peuple. Il nous faut avant tout reconnaître que les colonisateurs français avaient débarqué dans notre pays en pleine domination du régime féodal absolutiste. Il aurait fallu un authentique Meiji pour sortir notre pays des ténèbres millénaires des us, coutumes et croyances arriérées…. Il nous suffit de comparer les cent ans de protection française avec les mille ans de domination chinoise pour mieux voir, pour comprendre plus à fond l’influence bénéfique de ces deux cultures et civilisations comme les apports positifs pour notre peuple de ces deux régimes colonialistes. En cent ans, les apports venus des Français ne le cédaient en rien à ceux des mille années de domination chinoise… » [17].
L’exemple indochinois du moment colonial suggère la direction dans laquelle les historiens de la colonisation française, en France comme en Indochine, devraient s’engager : celle d’une histoire partagée.