Les relations « commencent à s’améliorer » entre la Chine et la France, mais une rencontre entre Sarkozy et le dalaï-lama aurait des « conséquences graves ». Tel est le sens du message qu’a tenu à faire passer mardi l’ambassadeur de Chine à Paris, Kong Quan.
Recevant un groupe de journalistes à l’ambassade, Kong Quan a jugé « extrêmement important » l’entretien prévu mercredi entre Sarkozy et son homologue chinois Hu Jintao, en marge du sommet du G8 au Japon : « Après ce que nous avons vécu, il est essentiel que nos dirigeants se parlent. […] Ce sera l’occasion d’échanger des idées pour renforcer la coopération et parvenir à une meilleure compréhension entre nos deux pays. »
Selon lui, la France et la Chine ont traversé des « intempéries » après le passage mouvementé de la flamme olympique à Paris lié à la crise au Tibet, « mais l’atmosphère commence à s’améliorer ». Toutefois, a-t-il prévenu, les relations bilatérales seraient à nouveau mises à mal si Nicolas Sarkozy rencontrait le dalaï-lama lors de la visite prévue en France, du 12 au 23 août, du chef du bouddhisme tibétain.
« Si une telle réception avait lieu, cela aurait des conséquences graves car elle serait contraire au principe de non-ingérence des Etats dans leurs affaires intérieures », a déclaré l’ambassadeur, ajoutant : « Je ne veux pas envisager cette hypothèse. (...) Le dalaï-lama est non seulement un chef religieux mais aussi et surtout quelqu’un qui a des activités séparatistes et qui dirige un gouvernement en exil. »
Le président Sarkozy doit annoncer sa décision sur sa participation ou non à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, le 8 août, à l’issue d’une rencontre avec Hu Jintao. Pour l’ambassadeur, il y a peu de suspense : « La presse française en a parlé d’une façon affirmative qui me fait penser qu’il sera là. »
En mars, le porte-parole du gouvernement Luc Chatel n’avait pas exclu une rencontre entre Sarkozy et le dalaï-lama. Il « prendra sa décision le moment venu et en fonction de l’évolution de la situation », avait affirmé Chatel.
LIBERATION.FR (AVEC SOURCE AFP)
LIBERATION.FR : mardi 8 juillet 2008
Des expatriés exaspérés par les critiques françaises
Il ne faut surtout pas leur parler de nationalisme. Eux préfèrent évoquer le « patriotisme », la « fierté nationale » pour décrire les actions des Chinois de France depuis le passage de la flamme olympique à Paris, le 7 avril. Ils sont étudiants, chercheurs, ingénieurs, commerçants et se mobilisent pour faire entendre une « autre voix que celle des protibétains ». Car ils n’ont toujours pas digéré le fiasco de la torche.
Certes la passion du printemps est retombée, elle s’est muée en un grand élan de solidarité après le tremblement de terre du Sichuan en mai : des collectes ont été organisées dans des commerces de Belleville, à Paris, au profit de la Croix-Rouge chinoise. L’imminence des JO a fini de cimenter la mobilisation des communautés chinoises dans l’Hexagone, exaspérées des critiques à l’encontre de leur pays.
« Ras-le-bol ». Ping Lin s’emballe tout seul. Cet ingénieur de 44 ans « ne supporte plus la propagande, ni la manipulation des médias » véhiculée, selon lui, sur la Chine. « On dit que nous subissons un lavage de cerveau. Mais cela fait vingt-cinq ans que je vis en France ! » dit le président de l’Association des ingénieurs chinois en France, qui compte plus de 150 adhérents dans de « grandes sociétés du CAC 40. Vous croyez que je n’ai pas appris à prendre du recul par rapport à ce que dit Pékin ? »
Donatien Schramm, qui dirige l’association Chinois de France - Français de Chine, basée elle aussi à Belleville, évoque le « ras-le-bol des Chinois d’origine à Paris qui ont le sentiment d’être incompris et méconnus depuis longtemps ». Le sentiment d’humiliation subsiste. « Grâce à Robert Ménard, qui nous a bien aidé à mobiliser tous les Chinois, la fierté nationale est bien plus forte qu’avant le printemps », claironne Ping Lin. Tous se sont trouvés un bouc émissaire en la personne du secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF). « Celui qui veut être le grand perturbateur des JO a noirci l’image du journalisme », assène Thierry Liu qui ne supporte guère plus les « imprudences et les ingérences » de la diplomatie française. En France depuis quatre ans, ce Chinois a été le porte-parole de la manifestation des étudiants qui a rassemblé, selon la police, plus de 4 000 personnes place de la République, le 19 avril à Paris.
Cette mobilisation, son organisation et sa visibilité ont surpris. Jusqu’alors peu enclins à l’expression publique, les Chinois en France - dont le nombre est évalué à 600 000 par les experts - s’étaient fait remarquer pour leur présence discrète, parfois festive lors des traditionnels défilés du Nouvel An chinois.
Les étudiants restent à la pointe du mouvement. Ils parlent français et disent agir au nom de ceux qui n’ont pas la parole (salariés, sans grade…). Ils affirment avoir reçu des dizaines de lettres de soutien et « environ 20 000 euros » pour la manifestation du 19 avril. Ces étudiants surfent sur le Web, voyagent, sont connectés avec la Chine et disposent de nombreux relais à Marseille, Lille, Grenoble, Toulouse… « Nous connaissons bien les réalités de la France et de la Chine, assure Frank Zhang, en master de sociologie à Paris-VIII. Certains d’entre nous ont des expériences dans le domaine de la communication. » Un membre de RSF note que les argumentaires se sont structurés lors de réunions publiques et sur les forums. « Il y a une vraie fierté, fondée sur une croissance économique de 11 %, le renforcement de la Chine sur la scène diplomatique et l’organisation des JO, complète Pierre Picquart, docteur en géopolitique et animateur du site chinoisdefrance.com. Ces jeunes portent un regard bien plus critique qu’avant sur l’Occident. »
Certains ont cru voir la main de Pékin pour expliquer ce changement d’attitude. Mais l’idée qu’un marionnettiste tiendrait tous les fils de la contestation depuis une officine de l’ambassade de Chine en France les fait sourire. Certes, la presse officielle - Les nouvelles d’Europe et la chaîne publique CCTV, très suivie via le satellite -, ont préparé le terrain à la grogne, notamment en montant en épingle la bousculade autour de l’athlète handicapée Jin Jing, le 7 avril.
Consignes. « Très inquiet de la violence de certains discours nationalistes » chez les Chinois de France, un dissident affirme que « l’ambassade à Paris a prodigué ses encouragements et transmis des indications aux jeunes manifestants, mais elle n’a pas été en première ligne ». Ye Weiming, de l’Union des chercheurs et des étudiants chinois en France, confirme avoir reçu des « consignes de prudence pour les défilés ». Tout en minorant le rôle de l’ambassade : « Nous avons demandé des drapeaux, mais au final, il n’y en avait pas beaucoup. »
Les officiels ont surtout profité de la mobilisation des Chinois qui s’est propagée via le téléphone et le Web. « Il faut voir la quantité de réactions sur les sites chinois depuis le passage de la flamme, témoigne l’ingénieur Ping Lin. Tout s’est joué là. » Sur les forums de revefrance.com ou de wenxuecity.com, des milliers de messages auraient été déposés. La France y est passée au crible. A un mois des JO, Pékin n’allait certainement pas se priver de cet élan.
ARNAUD VAULERIN
* Paru dans le qotidien Libération du mardi 8 juillet 2008.