La crise politique qui couvait à New Delhi depuis un an a fini par éclater, mardi 8 juillet. Quatre partis de la gauche communiste ont annoncé le retrait de leur soutien à la coalition gouvernementale dirigée par le Parti du congrès après que le premier ministre, Manmohan Singh, a déclaré son intention de hâter la mise en œuvre d’un accord de coopération nucléaire civile entre l’Inde et les Etats-Unis.
Symbole du rapprochement stratégique entre Washington et New Delhi dans une Asie confrontée à la montée en puissance de la Chine, ce document, signé en 2005, n’a cessé de susciter l’hostilité des communistes qui y voient un « alignement sur l’impérialisme américain », sapant « l’indépendance de la politique étrangère » et « l’autonomie stratégique » de l’Inde.
Fragilisé par cette défection, le Parti du congrès doit impérativement trouver de nouveaux soutiens s’il veut reconstituer une majorité parlementaire aujourd’hui en miettes. En visite au Japon, où il a rencontré, mercredi, George Bush, en marge du sommet du G8, Manmohan Singh s’est voulu rassurant, affirmant que la « stabilité » de son gouvernement n’était pas en jeu. Il pourrait compter sur l’appoint d’un nouvel allié, le Samajwadi Party (SP), dont le dirigeant, Mulayam Singh Yadav, a d’ores et déjà fait acte d’allégeance. Se définissant idéologiquement comme « socialiste » (samajwadi), le SP est un parti régional surtout implanté dans l’Etat de l’Uttar Pradesh (Nord). Sa base électorale est composée des Yadavs, une basse caste, et des musulmans. Le ralliement au Congrès de l’intégralité de son bloc de 39 députés n’est toutefois pas acquis, des voix dissonantes s’étant exprimées ces derniers jours.
La reconfiguration de la majorité au pouvoir à New Delhi, même fragile, devrait donner un coup d’accélérateur à la mise en œuvre de l’accord indo-américain que l’obstruction des communistes avait embourbé. M. Singh était soumis, ces derniers mois, à une forte pression des Etats-Unis, qui commençaient à perdre patience devant les tergiversations indiennes. L’irritation de Washington était d’autant plus vive que le calendrier du travail du Congrès américain, qui doit ratifier le texte, est très serré, avant la fin du mandat de George Bush, en janvier 2009.
Fruit d’un long processus de resserrement des liens entre les Etats-Unis et l’Inde, rendu possible par la fin de la guerre froide et la poussée chinoise, cet accord est une première historique pour des Américains qui avaient, jusque-là, refusé toute forme de coopération nucléaire avec un Etat non signataire du traité de non-prolifération (TNP). Soucieux de séduire New Delhi, George Bush avait concédé des entorses à la doctrine, au risque d’émouvoir les militants de la non-prolifération au sein de son propre camp.
INSPECTIONS DE L’AIEA
Les Indiens avaient ainsi arraché - dérogation très avantageuse - le droit de retraiter eux-mêmes le combustible irradié. Ils devront toutefois le faire dans des installations bâties à cet effet, que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) aura le droit d’inspecter. Le conseil des gouverneurs de l’AIEA devrait se réunir, ces prochaines semaines, pour approuver ces règles d’inspection spécifiques à l’Inde.
Une fois cette étape franchie, le groupe des fournisseurs de combustible nucléaire (NSG) - dit « club de Londres » - se prononcera à son tour pour valider des transactions commerciales avec l’Inde. Ironie de l’histoire, le NSG avait été fondé au lendemain de l’essai nucléaire indien de 1974 pour endiguer la prolifération. La position de la Chine, l’un des 44 Etats membres de ce groupe, sera observée de très près. Car Pékin a quelques raisons de se sentir indirectement visé par l’émergence du nouvel axe stratégique indo-américain.