Quatre ressortissants français, travaillant au Niger pour Areva, ont été enlevés, dimanche 22 juin, par les rebelles du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), en conflit ouvert avec le régime de Niamey. Les otages ont été libérés sans négociation, avec un message à destination de leur employeur. Riche en uranium, le Niger est aussi l’un des pays les plus pauvres du monde. L’exploitation de l’uranium a des conséquences désastreuses : spoliation des terres agropastorales des populations autochtones, destruction de la faune et de la flore, contamination de l’air, tarissement irréversible de nappes d’eau non renouvelables, contamination radiologique, destruction générale du tissu socio-économique local.
Depuis le déclenchement de la rébellion armée, en 2007, l’état d’exception, décrété dans la région d’Agadez, au nord du Niger, est sans cesse renouvelé. Tous les pouvoirs sont donnés à l’armée. Exécutions sommaires ciblées, arrestations arbitraires, destruction des moyens de subsistance des nomades, populations déplacées, ONG interdites, radios et presse muselées sont le lot quotidien des habitants de la région.
Depuis 40 ans, la société française Areva, leader mondial du nucléaire civil, tire du Niger près de 40 % de sa production d’uranium. Elle prévoit de doubler sa production dans la région d’Agadez et elle vient d’obtenir l’autorisation d’exploiter le site géant d’Imouraren, qui placera le Niger au deuxième rang de la production mondiale. Le 16 mai, Areva a organisé, à Agadez, une « audience publique et un atelier de validation de l’étude d’impact environnemental » de son nouveau projet minier. Cette « audience » n’est qu’un écran de fumée, Areva profitant de la situation créée par l’état d’exception. Qui, en effet, osera, dans un tel contexte, venir exprimer son désaccord avec le projet du géant nucléaire, qui agit avec la bénédiction du pouvoir central nigérien ?
Des manœuvres sournoises ont permis de limiter la participation de certaines structures aux audiences. Le comité ad hoc, pourtant missionné en 2006 par le ministère nigérien de l’Hydraulique et de l’Environnement, a été mis à l’écart, en avril, par un arrêté ministériel. Cela est certainement le résultat d’arrangements avec le géant nucléaire français. Le volumineux rapport provisoire sur l’étude d’impact environnemental du projet Areva a été rendu inaccessible à la majorité des participants à cet atelier et le temps imparti pour sa consultation a été sciemment réduit.
Il n’y a eu aucune contre-expertise scientifique indépendante permettant aux participants d’opérer un choix ou d’émettre des avis sur un projet aussi énorme. Pourtant, des milliers d’éleveurs, maraîchers, artisans et acteurs économiques sont directement menacés par la future mine d’Areva, dont l’exploitation doit commencer en janvier 2009.
En 2007, Areva a perdu son monopole d’extraction et l’État nigérien a reçu des demandes d’autorisation de sociétés nord-américaines, australiennes, asiatiques et sud-africaines. Des entreprises chinoises menacent également l’existence, le bien-être et l’environnement des populations de la région, majoritairement touarègues. La société Sino-Uranium a obtenu un permis d’exploitation pour le gisement d’Azelik, à 150 kilomètres à l’ouest d’Agadez. Les habitants de la zone ont été sommés d’évacuer les 2500 kilomètres carrés concédés à Sino-Uranium. La société Niger Uranium Limited, qui a démarré la prospection à Ingal et Ighazer, a interdit aux éleveurs l’utilisation de puits pastoraux. En tout, 139 permis de recherche et d’exploitation ont été vendus, en moins d’un an, sans aucune consultation des populations et des élus locaux. Les concessions minières, déjà accordées ou en cours de négociation, s’étendent sur près de 90 000 kilomètres carrés. C’est tout un peuple, chassé de ses terres, privé de ses activités traditionnelles, de ses ressources en eau, qui est menacé de disparaître face aux enjeux géostratégiques et économiques mondiaux.
Conscient de la catastrophe annoncée, le collectif Areva ne fera pas la loi au Niger, mène une campagne visant à mettre la société Areva, la France, l’Union européenne et la communauté internationale face à leurs responsabilités. Il dénonce les conséquences désastreuses de nos choix énergétiques et soutient ceux qui en paient le prix là-bas. Nous appelons les gouvernements et instances internationales à faire pression sur les autorités nigériennes, afin qu’elles respectent les normes relatives aux droits de l’Homme, en particulier les droits humains non dérogeables.
Nous appelons le gouvernement français, le gouvernement nigérien, l’Union européenne et les instances internationales à reconnaître l’urgence de la crise humanitaire liée aux exploitations minières et à porter secours aux populations victimes du conflit (déplacés, réfugiés, détenus). Il faut appliquer la réglementation internationale en matière de radioprotection et dépolluer les sites déjà exploités. Après 40 ans d’extraction minière, un moratoire de trois ans ou cinq ans renouvelable est indispensable, avant tout nouveau projet minier.
Pour les nouveaux permis, il faut s’assurer, par des contraintes a priori, que ne se renouvelleront pas les confusions actuelles et que des taxes parafiscales, comme il en existe en France, seront prélevées et confiées à une gestion spécialisée et indépendante pour la remise en état des sites après extraction et pour une gestion saine, équitable et concertée des ressources en eau. Chaque Français est concerné, plus de 30 % de notre électricité est produite grâce à l’uranium nigérien, nous devons savoir qui en paie le prix et réagir.
Depuis mars 2008, le collectif organise différents événements. Ainsi, pour dénoncer le simulacre d’étude d’impact du projet Imouraren, nous avons mené une action devant le siège d’Areva à Paris. Une exposition, illustrée et pédagogique, sera présentée lors de diverses universités d’été, puis exposée en province, particulièrement dans des régions ayant subi l’exploitation de l’uranium et en payant encore les conséquences. Nous serons également au rendez-vous du 12 juillet, à l’occasion du rassemblement européen pour un monde sans nucléaire.