Areva a annoncé, jeudi 17 juillet, le remplacement du directeur de sa filiale Socatri, spécialisée dans le traitement des déchets uranifères au Tricastin (Vaucluse). Ce limogeage intervient dix jours après la fuite d’uranium survenue dans une unité de la Socatri, qui avait conduit au déversement de 75 kg d’uranium dans l’environnement.
Cette décision découle d’une enquête interne menée par Areva. Le géant nucléaire rappelle que « ce rejet involontaire n’a eu de conséquence ni sur la santé des personnels et des riverains ni sur leur environnement ». Mais il note qu’« un manque de coordination évident entre les équipes en charge des travaux et celles responsables de l’exploitation » en est à l’origine : un bac de rétention, endommagé lors de travaux le 2 juillet, n’avait pas été réparé, si bien qu’il n’a pu jouer son rôle de barrage lors du débordement de la cuve qu’il abritait.
Areva souligne que sa filiale a fait l’erreur d’attendre des résultats d’analyse pour prévenir les autorités, perdant ainsi « trois heures » dans les procédures d’alerte. La compagnie précise que « des mesures d’accompagnement vont être proposées (...) à destination des agriculteurs touchés par l’interdiction temporaire d’arrosage ».
MEA CULPA
Ce mea culpa est intervenu à la veille de la visite sur place, vendredi 18 juillet, de la présidente d’Areva, Anne Lauvergeon. Et de la réunion à Valence par le préfet de la Drôme de tous les acteurs au sein de la Commission d’information des grands équipements énergétiques (Cigeet), qui s’annonçait houleuse.
Les mesures effectuées dans certains points de la nappe phréatique du Tricastin après la fuite ont en effet révélé la présence d’uranium d’origine plus ancienne. Sa source reste pour l’heure indéterminée, même si certaines associations pointent la présence sur le site de déchets radioactifs d’origine militaire, dont Areva a hérité. Un rapport de 1998 indiquait que ce stockage avait entraîné la fuite dans l’environnement de quelque 900 kg d’uranium. Le ministre de l’écologie, Jean-Louis Borloo, a demandé que des analyses soient conduites dans les nappes phréatiques sous les centrales nucléaires.
Hervé Morin
M. Borloo veut une « remise à plat » après une deuxième fuite d’uranium
Jean-Louis Borloo, le ministre de l’écologie, veut « tout remettre à plat », dans les procédures de contrôle, de surveillance de l’environnement et d’alerte en cas d’incident nucléaire. Après la pollution à l’uranium survenue sur le site du Tricastin (Vaucluse) le 7 juillet, l’existence d’une nouvelle fuite, chez une autre filiale d’Areva, à Romans-sur-Isère (Drôme), a été rendue publique, vendredi 18 juillet au matin.
En urgence, le ministre a convoqué une conférence de presse pour marquer son attachement à la transparence dans ce domaine. « Rien ne serait pire qu’un système qui n’informerait pas, a-t-il estimé. Ça n’a pas toujours été le cas. » Commentant l’incident du Tricastin, au cours duquel la Socatri, responsable de l’installation fuyarde, a tardé à alerter les autorités, M. Borloo s’est dit « mécontent : il y a eu des négligences ». Il a appelé de ses voeux un « changement de comportement des opérateurs » du nucléaire.
« Apparemment, tant qu’on est au cœur du sujet (la centrale nucléaire elle-même), on a l’impression qu’il y a une très, très grande rigueur, a-t-il commenté. Mais quand on est sur le traitement des effluents, de l’eau, etc., on a le sentiment qu’il y en a moins. » Ces critiques ne l’ont pas conduit à remettre en cause la stratégie énergétique française « qui par ailleurs, a-t-il souligné, est arbitrée au plus haut niveau de l’Etat ».
Il a décrit sa rencontre, la veille, avec Anne Lauvergeon, la présidente d’Areva, comme « extrêmement professionnelle » : « Elle avait le rapport de son contrôle interne, j’avais celui du Haut Comité (pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN)), ça concordait. »
Mme Lauvergeon s’est rendue, vendredi, sur les sites des deux filiales d’Areva responsables des fuites d’uranium. Au Tricastin, elle a rencontré des familles privées de l’eau de leur puits contaminé, pour leur indiquer qu’un système d’indemnisation serait mis en place.
Mme Lauvergeon n’envisage pas de démissionner, comme le réclame le réseau Sortir du nucléaire. Tandis que Greenpeace estimait que « derrière ces incidents à répétition se dessine la faillite de toute une filière dangereuse, coûteuse et inutile », la patronne d’Areva a insisté sur le fait que ces incidents n’avaient pas « eu d’impact sur la santé des personnels et des riverains ni sur l’environnement ». Elle a rappelé qu’en 2007, Areva avait « connu sept incidents de niveau 1 (de l’échelle des événements nucléaires Ines, graduée de 0 à 7) et tous les exploitants nucléaires français 86 ».
Sur le plan politique, une commission d’enquête a été réclamée par les députés Pierre Lellouche (UMP, Paris), Thierry Mariani (UMP, Vaucluse), Pascal Terrasse (PS, Ardèche) et François de Rugy (Verts, Loire-Atlantique).
Localement, à Valence, vendredi matin, une réunion de la Commission d’information auprès des grands équipements énergétiques du Tricastin (Cigeet) a, une nouvelle fois, souligné les manquements de la Socatri. Le représentant de la société, dont le directeur avait été limogé la veille, a reconnu que ses services ne disposaient pas de tous les bons numéros de téléphone pour envoyer des télécopies d’alerte...
Cette réunion n’a pas apporté toutes les réponses attendues, notamment sur la provenance de l’uranium retrouvé dans certains points de captage de particuliers, dont on sait qu’il ne provient pas de la fuite du 7 juillet. Une piste cependant semble se dessiner : l’autorité de sûreté nucléaire militaire, le DSND, a demandé que les 760 tonnes de déchets nucléaires militaires stockés depuis quarante ans sur le Tricastin, sous un simple tumulus de terre, soient mieux protégées : le recouvrement du tertre - qu’Areva avait annoncé sans jamais le mettre en œuvre - devrait, a-t-elle annoncé, être réalisé. En 1998, un rapport avait indiqué que quelque 900 kg d’uranium avaient déjà été lessivés par les eaux de pluie. Les déchets seraient ensuite déménagés « vers un lieu approprié », à une date qui n’a pas été fixée.
Hervé Kempf avec Gérard Méjean à Valence