● Quelles sont les raisons de ta tournée en Europe ?
Teofilo Manuel Acuña Ribón – Je suis ici pour développer les réseaux de solidarité avec les populations minières et agricoles du Sud-Bolivar, victimes de l’intransigeance de l’État colombien. Depuis les années 1980, la région subit la répression de l’État et des paramilitaires : déplacements de populations, arrestations arbitraires, exécutions sommaires. Les latifundistes convoitent nos terres, riches en minerais et ressources agricoles, afin de faire des affaires avec les multinationales. Plus de 700 crimes ciblés ont été commis. En 1998, l’État et les grands propriétaires ont brûlé les maisons et les infrastructures que nous avions construites (écoles, centres de santé, voies de communication).
● Comment s’est organisée la résistance ?
T. M. Acuña Ribón – Nous avons proposé à l’État un plan populaire de développement intégral de la région, alors que le projet d’exploitation à ciel ouvert d’AngloGold Ashanti en finirait avec les ressources des populations en une quinzaine d’années. L’État a déclaré ces terres propriété publique, pour passer un accord avec l’entreprise et il mène une violente offensive pour faire fuir la population.
● Quel est le rôle des paramilitaires ?
T. M. Acuña Ribón – Le pillage systématique, les arrestations et les assassinats sont, le plus souvent, de leur fait. Ils sont financés par les multinationales de la mine et du trafic de cocaïne. Ce trafic finance aussi une partie des gouvernants qui contrôlent l’État depuis des décennies. Il existe une association étroite entre tous ces acteurs. Récemment, lors d’une assemblée de la communauté, un des paramilitaires m’a déclaré que si l’assemblée se poursuivait, je serai exécuté. Je suis devenu une cible de premier ordre. Mais mon cas n’est qu’un parmi des centaines.
● Que peut-on faire depuis l’Europe ?
T. M. Acuña Ribón – Maintenir vivants les réseaux de solidarité pour que notre lutte soit visible. Et dénoncer les coopérations entre l’État colombien et les multinationales qui maintiennent un climat de guerre dans la région. À Bogota, fin juillet, le tribunal permanent des peuples jugera Nestlé, Coca-Cola, Anglo American, Repsol, Carrefour, Santander, Rio Tinto, etc. Vous y êtes invités et nous vous appelons à protéger cette initiative populaire de solidarité.
● Quel est le rôle des guérillas dans ces conflits ?
T. M. Acuña Ribón – Nous refusons tout contact avec les forces armées, notre résistance est une résistance civile. Cependant, il faut faire la différence entre ceux qui nous attaquent et les autres. Nous n’avons jamais été victimes de tentative de pression ou d’extorsion de la part des différentes guérillas qui opèrent dans la région.