Série noire pour Areva. Dix jours après l’accident du Tricastin (Vaucluse), où sa filiale Socatri a relâché dans les rivières 74 kg d’uranium, le géant français du nucléaire est épinglé pour un nouvel incident, survenu sur un autre de ses sites, l’usine franco-belge de fabrication de combustible (FBFC), à Romans-sur-Isère (Drôme). Une fuite y a été découverte sur une canalisation transportant des effluents uranifères, sans que l’exploitant soit en mesure d’indiquer depuis quand cette installation est défectueuse.
La FBFC exploite deux unités de fabrication d’éléments combustibles, pour les réacteurs à eau sous pression d’EDF et pour les réacteurs de recherche. Ceux-ci nécessitent de l’uranium très fortement enrichi (jusqu’à 93 %) en uranium fissile (U235).
C’est sur une canalisation enterrée en PVC, reliant un atelier de production de combustible à une station de traitement des effluents, dans l’enceinte de l’usine, qu’a été détectée fortuitement, à l’occasion de l’inspection d’une autre conduite, une rupture dont l’origine n’est pas encore déterminée. Areva indique que ce « défaut » a été constaté, jeudi 17 juillet après-midi, par l’exploitant qui en a averti, vers 17 heures, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Celle-ci a dépêché trois inspecteurs sur le site durant la nuit.
Les premières investigations montrent que s’est déposée, dans le caniveau en béton où est logée la tuyauterie défectueuse, une couche, longue de 25 mètres et haute de 25 à 50 centimètres, de boues contenant de l’uranium enrichi à environ 50 %, selon la direction du site. Areva, qui fait l’hypothèse que la rupture s’est produite en 2006, lors de travaux de rénovation, évalue à 250 grammes la quantité d’uranium présente dans ces boues. Mais l’ASN considère que la fuite a pu se produire dès la mise en service de la canalisation, en 1997, et estime donc que 700 à 800 grammes d’uranium ont pu être relâchés.
NETTOYAGE DE LA ZONE
Jean-Christophe Niel, directeur général de l’ASN, assure que « les atteintes à l’environnement sont extrêmement faibles ». Bien que le caniveau en béton soit percé de sept cavités (des « puits de décompression »), les risques d’une contamination du sous-sol seraient très limités.
L’incident a été classé au niveau 1 sur l’échelle internationale des événements nucléaires qui va jusqu’à 7, comme celui du Tricastin. L’uranium fissile, lorsqu’il est en concentration importante, présente en effet un risque de criticité, c’est-à-dire de déclenchement d’une réaction nucléaire en chaîne, susceptible de provoquer des irradiations aiguës. Les quantités n’étaient pas ici suffisantes pour provoquer un tel phénomène. Mais il est difficile de prévoir ce qui aurait pu advenir si la fuite n’avait pas été repérée. Selon les experts, dans certaines conditions, 1 kg d’uranium fissile suffit à engendrer une telle réaction.
La conduite défaillante a été condamnée, et la FBFC a installé une protection, contre les intempéries. En outre, l’ASN a demandé à l’exploitant de procéder au nettoyage de la zone contaminée, ainsi que d’évaluer la masse précise d’uranium libérée par la canalisation fuyarde. Sans préjuger des résultats de l’enquête, elle pointe « la non-conformité de cette tuyauterie vis-à-vis des exigences de la réglementation applicable, qui demandent une capacité de résistance aux chocs suffisante pour éviter leur rupture ».
Au cours des six dernières années, la FBFC avait déjà été prise en faute à six reprises par l’Autorité de sûreté. La dernière anomalie, en date du 20 juin, concernait le « non-respect d’une prescription relative au risque de criticité ». Chaque année, une centaine d’incidents de niveau 1 sont enregistrés dans les quelque 150 installations nucléaires françaises.