NEW DELHI CORRESPONDANT EN ASIE DU SUD
Deux mois après l’abolition de la monarchie, le Népal se trouve plongé dans une nouvelle crise alors que le processus d’intégration de l’ex-rébellion maoïste dans les institutions de la nouvelle République vient de connaître un revers majeur. Le Parti communiste népalais d’obédience maoïste (PCN-M), pressenti pour former un nouveau gouvernement après avoir émergé comme la principale force politique du pays lors des élections constituantes d’avril, a annoncé, mardi 22 juillet, son intention de demeurer dans l’opposition.
Le PCN-M, qui a déposé les armes en 2006 après une décennie de sanglante guerre civile (13 000 morts) dans cet Etat himalayen coincé entre la Chine et l’Inde, recule désormais devant les responsabilités au lendemain d’une élection présidentielle qui a viré au camouflet. Le candidat soutenu par les maoïstes, Ramjara Singh, vétéran de la lutte antimonarchiste non membre du PCN-M, a été battu lors d’un vote de l’Assemblée constituante après d’obscurs retournements d’alliances.
Le PCN-M s’est heurté à une coalition de forces parlementaires soucieuses de limiter le risque d’une future hégémonie des maoïstes, qui guignaient à la fois la présidence de la République - poste largement honorifique - et la tête du gouvernement. Ce nouvel axe, composé du vieux Parti du Congrès, de communistes modérés et d’un parti régionaliste de la région méridionale du Teraï - frontalière de l’Inde - est parvenu à imposer son candidat, Ram Baran Yadav.
Dénonçant une alliance « immorale » et « revancharde » ourdie par des « néocapitalistes », le chef suprême des maoïstes, Pushpa Kamal Dahal, surnommé Prachanda, a aussitôt mis en garde contre le danger d’un déraillement du processus de paix scellé à l’automne 2006 par un accord entre la rébellion et les partis républicains coalisés contre la monarchie. Le refus du PCN-M, qui détient le tiers des sièges à l’Assemblée constituante, de former un gouvernement, crée un vide politique alors que l’abolition de la monarchie avait soulevé, au printemps, de vifs espoirs. Prachanda n’a pas manqué de s’inquiéter de l’« impatience » des soldats de l’Armée populaire de libération (APL) - l’ex-branche armée du PCN-M - aujourd’hui cantonnés dans 28 camps à travers le pays, sous supervision onusienne, et dont les pensions ne seraient plus versées.
L’évolution de la situation au Népal est observée de très près par l’Inde, qui a toujours considéré l’Etat himalayen comme son arrière-cour, mais aussi par la Chine, qui surveille étroitement l’activisme de la communauté tibétaine de Katmandou, la plus importante de la diaspora après celle de Dharamsala (Inde).
Frédéric Bobin
* Article paru dans le Monde, édition du 24.07.08.
LE MONDE | 23.07.08 | 14h30 • Mis à jour le 23.07.08 | 14h30
Les maoïstes népalais perdent la présidence de la République
Ram Baran Yadav a été élu premier président de la République népalaise, lundi 21 juillet.
Plus jeune République au monde – l’Assemblée constituante népalaise a aboli la monarchie hindouiste le 28 mai –, le Népal a élu, lundi 21 juillet, son premier président. Ram Baran Yadav, soutenu par le parti du Congrès du Népal (centriste) et le parti communiste, a recueilli 308 des 590 voix des élus de l’Assemblée constituante, contre 280 voix pour son rival Ramraja Prasad Singh, soutenu par les maoïstes. Un premier vote organisé samedi n’avait pu départager les deux candidats, quatre voix manquant à Ram Baran Yadav pour obtenir la majorité requise de 298 voix. « Nous sommes heureux que le fils d’un homme du peuple soit devenu le premier président du Népal, s’est félicité le secrétaire général du parti du Congrès du Népal, Bimalendra Nidhi. (...) C’est le résultat d’un processus démocratique multipartite. »
RÉACTION RÉSERVÉE DES MAOÏSTES
Les pouvoirs du président sont limités ; en revanche, il lui revient la tâche de nommer le premier ministre et de former un gouvernement de transition qui officiera pendant deux ans, le temps que le Parlement rédige une Constitution. Mais cette tâche s’annonce ardue : le revers subi lundi par les maoïstes montre en effet la polarisation croissante du paysage politique. Cette polarisation avait déjà été illustrée par l’incapacité des trois principaux partis, engagés dans un processus de paix après dix ans de combats entre pouvoir et rebelles maoïstes, à nommer consensuellement un président, obligeant les parlementaires à organiser un scrutin.
Les maoïstes, qui disposent d’une majorité relative à l’Assemblée depuis les législatives d’avril, ont menacé de refuser de participer au gouvernement de transition. « Nous n’avons pas encore décidé ce que fera le parti maoïste, a déclaré Krishna Mahara, leur porte-parole. Il se peut que nous refusions de participer au gouvernement, mais nous n’avons pas encore pris de décision. » Les analystes politiques soulignent qu’un gouvernement sans les maoïstes créerait une instabilité politique et affaiblirait le pouvoir, notamment dans le processus de rédaction d’une nouvelle Constitution.
* LEMONDE.FR avec AFP | 21.07.08 | 14h01 • Mis à jour le 21.07.08 | 14h38
Le Népal s’enfonce dans la crise politique
Le premier ministre népalais par intérim, Girija Prasad Koirala, vote pour élire le président du pays, le 19 juillet à Katmandou.
Les parlementaires népalais n’ont pas réussi, samedi 19 juillet, à élire le premier président du pays et à mettre fin à l’impasse politique dans laquelle la république du Népal se trouve depuis l’abolition de la monarchie, a annoncé la télévision officielle. Un résultat qui va encore gêner les efforts des anciens rebelles maoïstes, qui ne détiennent qu’une majorité relative à l’Assemblée, pour former le premier gouvernement républicain du Népal.
Aucun candidat n’a en effet pu réunir les 298 voix nécessaires pour être élu. Seules quatre voix ont manqué au candidat arrivé en tête, Ram Baran Yadav, pour l’emporter, a précisé la télévision. Le candidat républicain Ramraja Prasad Singh, soutenu par les maoïstes et considéré comme le favori, a recueilli 282 voix. L’élection du président, même s’il n’aura qu’un rôle honorifique, est une étape essentielle dans le processus politique du pays, enlisé depuis que l’Assemblée a renversé le 29 mai le roi Gyanendra et aboli la monarchie. Girija Prasad Koirala, considéré comme l’architecte de la « révolution », assure les fonctions de chef d’Etat et de premier ministre par intérim. Il avait démissionné après l’abolition de la monarchie le 28 mai, mais continue d’exercer ses fonctions en l’absence d’une autorité habilitée à accepter sa démission.
PAS DE DATE FIXÉE POUR UN NOUVEAU SCRUTIN
Les trois principaux partis, engagés dans un processus de paix qui a mené à la démobilisation des combattants maoïstes après dix ans de combats, espéraient parvenir à un consensus sur le nom du futur président. Les discordes politiques ont toutefois obligé les parlementaires à organiser le scrutin de samedi. Aucune date n’a été fixée pour un nouveau scrutin. Depuis sept semaines, la plupart des décisions politiques ont été paralysées par le blocage sur le choix du président. Alors que l’année fiscale est ainsi arrivée à son terme le 15 juillet, sans qu’un nouveau budget ait été voté, les grèves se multiplient pour protester contre le niveau des salaires, les conditions de travail et le prix des carburants.
La désignation d’un président, qui pourrait accepter la démission du premier ministre intérimaire, ouvrirait la voie à la formation d’un gouvernement probablement dirigé par le maoïste Prachanda, dont le parti est toujours classé comme « organisation terroriste » par les Etats-Unis.
* LEMONDE.FR avec AFP | 19.07.08 | 18h12 • Mis à jour le 19.07.08 | 18h15.