Mars. Sous la pression populaire, la censure est abolie. Le général Svoboda remplace Novotny à la présidence de la République. Les dirigeants d’URSS, de Pologne, de Hongrie, de Bulgarie et de RDA se réunissent avec la nouvelle direction tchécoslovaque pour la mettre en garde contre l’évolution de la situation.
Avril. Le Parti communiste tchécoslovaque (PCT) adopte un nouveau « programme d’action », qui tire un bilan (partiellement) critique du régime stalinien et de la répression, se propose de mettre en place une organisation fédérative du pays pour régler les problèmes entre Tchèques, Slovaques et les diverses minorités. Il prévoit aussi des réformes économiques majeures, dont la libération des entreprises de la tutelle de l’État (et du parti). En Tchécoslovaquie et à l’étranger, ce texte devient la référence des partisans du « socialisme à visage humain »…
Mai. Novotny et les représentants les plus détestés de la fraction stalinienne sont exclus de la direction du PCT. La direction soviétique multiplie les pressions pour enrayer le mouvement de démocratisation en cours.
Juin. Alors que débutent les manœuvres de l’armée soviétique en Tchécoslovaquie, l’Assemblée nationale adopte une loi de réhabilitation de tous les prisonniers politiques victimes du stalinisme. Profitant de l’instauration de la liberté d’expression, 70 intellectuels publient le Manifeste des 2 000 mots, qui dénonce les menaces pesant sur le processus démocratique et appelle à approfondir les réformes et à organiser la « résistance civique ». Pour l’aile prosoviétique du PCT, cet appel est considéré comme une véritable déclaration de guerre.
Juillet. L’URSS, la Pologne, la RDA, la Hongrie et la Bulgarie adressent une mise en demeure aux dirigeants tchécoslovaques, qu’ils rencontreront de nouveau début août. Le 21 août, les troupes du Pacte de Varsovie envahissent le pays. Le XIVe Congrès extraordinaire du PCT se réunit clandestinement dans une usine praguoise. Fin août, convoqués à Moscou, les dirigeants tchécoslovaques acceptent un « accord de compromis », qui entérine de fait l’occupation soviétique et l’arrêt du processus de démocratisation.
En 1969, Dubcek est remplacé par Gustav Husak à la tête du PCT ; il sera ensuite exclu de la direction. La « normalisation » commence, avec l’exclusion de 500 000 membres du PCT. Si le mérite des dirigeants réformateurs autour de Dubcek est d’avoir enclenché un processus de démocratisation, ils portent néanmoins une grande responsabilité : loin d’empêcher l’invasion militaire, la recherche du compromis avec les Soviétiques – et la méfiance vis-à-vis d’un mouvement de masse qui échappait de plus en plus à leur contrôle – l’a facilitée et a laissé les masses sans possibilités de résister. Ces événements montrent aussi les limites des tentatives « d’auto-réforme » de la bureaucratie stalinienne, dont le Printemps de Prague sera d’ailleurs la dernière.
Le Printemps de Prague et son écrasement ont évidemment eu des conséquences importantes dans le mouvement ouvrier international. En France, en juillet 1968, le PCF tentera – sans succès – d’organiser une conférence de tous les partis communistes européens – de l’Ouest et de l’Est. Pour conjurer la menace de l’intervention militaire ou accentuer la pression sur le PCT ? Toujours est-il qu’ensuite, il prendra position contre l’invasion des troupes du Pacte de Varsovie. Mais il se refusera absolument à condamner la « normalisation », pourtant qualifiée par Louis Aragon (poète et membre du comité central du PCF) de « Biafra de l’esprit ». Venant après la trahison du mouvement de Mai 68 en France, cette prise de position signera le divorce définitif entre le PCF et la jeune génération, qui cherchait à renouer avec la lutte pour la révolution socialiste.