Devant la pénurie d’eau douce liée souvent au gaspillage moderne comme au réchauffement climatique, deux procédés de production d’eau potable sont entrés en compétition : Le traitement des eaux usées et le dessalement de l’eau de mer.
Le dessalement de l’eau de mer a connu un essor très rapide. En 2002, la capacité totale de toutes les unités de dessalement était environ 32,4 millions de m3/jour, dont 60 % étaient consacrés à l’eau de mer. Cette capacité a doublé depuis 1990. On trouve des unités de dessalement dans 100 pays. Près de la moitié de la capacité totale est installée au Moyen-Orient et en Afrique du nord. L’Arabie Saoudite arrive en tête avec 24 % de la capacité mondiale. Etant donné que la part actuelle d’eau douce produite dans ces unités pour le secteur domestique est très faible, le potentiel de développement du dessalement de l’eau de mer avant saturation du marché est considérable.
Les deux pays en tête de cette course au dessalement d’eau de mer sont l’Algérie, avec la création de 13 usines dans la bande côtière ouest, et la Chine qui prévoit pour 2010 le traitement de un million de mètre cube d’eau de mer par jour et d’ici 2020, 2 millions de m3/j.
Il existe de multiples procédés techniques, mais c’est l’osmose inverse qui a le vent en poupe et qui se répand le plus.
L’osmose inverse, qu’est-ce que c’est ?
Nous nous souvenons tous de l’expérience scolaire ou un tube ouvert contenant de l’eau salée et obturé par une peau de porc, plongé dans un bac d’eau, voyait le niveau d’eau salée remonter dans le tube. Les praticiens de santé que nous sommes savent aussi combien la pression osmotique est vitale et son contrôle décisif en réanimation. Voilà le lien entre cette osmose et son inverse.
L’idée est la suivante :
Si l’osmose est en définitive le passage de l’eau du milieu dilué au milieu concentré à travers la membrane, et si la pression osmotique est la force nécessaire pour empêcher ce transfert d’eau, l’osmose inverse est le surcroît de pression nécessaire pour inverser le flux et faire passer l’eau du milieu le plus concentré vers le milieu le moins concentré.
Pour être efficace, ce système doit fonctionner en continu. Cela suppose un apport considérable d’énergie (par exemple électrique), un recueil optimal de l’eau pure et un traitement spécial de la saumure résiduelle qui contient des sels, des matériaux et des toxiques divers. Si on préchauffe l’eau de mer on améliore considérablement le rendement mais on augmente la consommation d’énergie. Cela facilite aussi le passage de l’eau pure vers des systèmes utilisant la vapeur d’eau.
Pourquoi l’énergie nucléaire ?
Le dispositif piloté par une centrale atomique le plus ancien fonctionne au Kazakhstan depuis 1973. Celui-ci a connu un développement spectaculaire au Japon. Dans les deux cas, il s’agit de rentabiliser des réacteurs classiques en utilisant l’eau pressurisée nécessaire pour fonctionner en source d’eau pure plutôt que de la rejeter dans la mer ou dans les rivières comme en France.
C’est en s’appuyant sur ces deux précédents que les complexes industriels nucléaires ont eu l’idée de construire des unités de production moyennes d’électricité (environ 500 MW), soit en circuit fermé, (toute l’électricité est utilisée par le dessalement) soit en utilisation mixte (avec deux produits finaux, du courant électrique et de l’eau douce)
Le rush vers le Moyen-orient et le Magreb est au départ lié à la solvabilité des pays pétroliers (Arabie Saoudite, Émirats, Algérie, Libye, Iran), puis s’est étendu à des pays intéressés par le statut nucléaire. C’est le cas pour la Libye prête à abandonner ses projets de dessalement par énergie renouvelable pour repartir dans l’aventure atomique. L’exemple de l’IRAN, attisé par les puissances nucléaires, a fini par s’imposer rendant caduque toute tentative de lutte contre la prolifération nucléaire militaire.
Les dangers du dessalement de l’eau de mer à grande échelle
À ceux qui mettent en avant, pour justifier le choix du nucléaire pour le dessalement de l’eau de mer, l’effet de serre et le “respect de l’environnement”, voici les réalités dans ce domaine :
Puisque l’objectif est de dessaler d’énorme quantité d’eau de mer par ce procédé, cela entraîne aussi la production de quantité énormes de saumure chargée en produits toxiques. Le rejet en mer de ce déchet représente un risque majeur de catastrophe environnementale pour le milieu marin.
Le fond mondial de la nature qualifie de “menaçant et dramatique” le développement anarchique vers ces unités de grande production, et s’inquiète du potentiel négatif de cette technique sur l’environnement et le climat.
Sans remettre en cause cette production d’eau douce au sein de tous les autres moyens de préserver l’eau potable (traitement des eaux usées, limitation du gaspillage), les critiques convergent sur deux points :
Des unités de taille plus modeste, avec maintien au sol des reliquats salés, et utilisant des sources d’énergies plus modestes mais mieux adaptées aux pays en déficit d’eau, pourraient préserver l’environnement et éviter une catastrophe écologique. Autrement dit, il s’agit de faire le contraire de ce que préconise le lobby nucléaire.
Un fois de plus, la technologie est au service des pays solvables, donc riches, au détriment des pays pauvres qui ont un besoin urgent d’eau.
Pour nous, la prolifération nucléaire tapie derrière cette engouement pour une technique, reste le danger principal. Il est temps de se ressaisir .