« Je vois difficilement comment on pourrait nous condamner pour avoir agi contre des semences que l’Etat lui-même a décidé, depuis, de ne pas autoriser », avait déclaré José Bové le 5 juin, à l’ouverture de son procès pour « destruction en réunion ». Serein avant l’été, le leader altermondialiste, poursuivi avec quarante autres faucheurs volontaires, a finalement écopé, jeudi 4 septembre, d’une lourde peine pour la destruction, en juillet 2006, de plusieurs hectares de maïs transgénique à Ox et Daux, à l’ouest de Toulouse.
Le tribunal correctionnel de Toulouse a ainsi suivi les réquisitions du procureur de la République en condamnant José Bové, absent à l’annonce du délibéré, à une peine de 180 jours-amendes à 100 euros. En clair, José Bové peut choisir entre payer la totalité de la somme (18 000 euros), effectuer 180 jours de prison ferme (environ six mois), ou encore payer une partie de l’amende et passer une autre partie des jours en prison. Le condamné a six mois pour réunir la somme.
« UNE DÉCISION TOURNÉE VERS LE PASSÉ »
Quatre autres faucheurs ont été condamnés à la même peine que le leader altermondialiste. Les actions civiles de l’agriculteur, victime de l’action des faucheurs volontaires, et du semencier Pioneer ayant été respectivement déclarées recevables, ces cinq faucheurs volontaires devront également s’acquitter de près de 50 000 euros d’amendes, dommages et intérêts et frais de justice, dont 32 892 euros pour préjudice matériel envers le fabricant de semences. Enfin, quatre autres faucheurs ont écopé de 120 jours-amendes de 100 euros, tandis que des peines d’un à deux mois d’emprisonnement avec sursis ont été prononcées contre les autres prévenus.
« La justice est passée. Ce qui m’intéresse, c’est qu’ils subissent le poids financier », a déclaré à la sortie du tribunal Me Jean de Cesseau, avocat de la firme Pioneer. Pour sa part, Me François Roux, l’un des avocats des faucheurs, a « regretté une décision tournée vers le passé », notamment des amendes « extrêmement lourdes ». Les faucheurs volontaires et leurs avocats n’ont pas encore pris de décision quant à un éventuel appel.
José Bové est également poursuivi par le tribunal correctionnel de Bordeaux dans une affaire similaire où il est accusé d’avoir gâché 2 000 tonnes de maïs OGM afin de le rendre impropre à la consommation. Dans ce dossier, le jugement sera rendu le 22 octobre.
Faucheurs volontaires menacés
« Ni dans les champs, ni dans les assiettes, les OGM on n’en veut pas ! », criaient les manifestants venus soutenir, les 27 et 28 août, douze prévenus et 60 « comparants volontaires » devant le tribunal correctionnel de Lugos, près de Bordeaux. Ces militants sont inculpés pour une action menée en novembre 2006. Avec de l’eau et du brou de noix, ils avaient « tracé » le MON 810 de Monsanto, cultivé en plein champ et interdit depuis à la culture en France.
Lors de la même audience, l’exploitant du site comparaissait pour violence avec arme. Le procureur a requis quatre à six mois de prison avec sursis pour onze prévenus, et huit mois de prison ferme avec quatre ans de privation de droits civiques à l’encontre de José Bové. Les avocats des faucheurs se sont faits interrogateurs : « Qui viole la propriété de qui ? Celui qui pollue en contaminant irréversiblement l’apiculture, les cultures conventionnelles, biologiques et de qualité, ou ceux qui, en intervenant face aux multiples carences, défendent la propriété collective d’une alimentation saine, pour la liberté et le droit de produire et de consommer sans OGM ? »
S’il y a aujourd’hui une clause de sauvegarde contre le MON 810, c’est grâce aux faucheurs volontaires qui, par leurs actions, ont porté le débat sur la place publique. Les faucheurs ont eu raison, mais deux ans trop tôt…
Le délibéré sera rendu le 22 octobre. Ce sévère réquisitoire illustre la volonté de l’État de défendre l’intérêt individuel et celui des multinationales semencières face à l’intérêt général.
* Rouge n° 2264, 04/09/2008 (Au jour le jour)