Le président de La Poste et le directeur des participations de l’État ont confirmé aux organisations syndicales, le 28 août, l’ouverture du capital de La Poste et sa transformation en société anonyme. L’argument avancé est la nécessité d’augmenter le capital d’environ 3 milliards d’euros pour s’adapter à la libéralisation totale du courrier, prévue le 1er janvier 2011. Il faut savoir que la dette actuelle de La Poste est en grande partie due à des ponctions réalisées par l’État : 147 millions d’euros en 2007 et 2 milliards en 2006 pour le régime des retraites des fonctionnaires.
L’ouverture du capital, synonyme de privatisation, mettra des actionnaires aux postes de commande, et la stratégie de l’entreprise se réduira à tout faire pour qu’ils encaissent des dividendes substantiels. Comme le dit le président de La Poste, il s’agit de créer « un choc culturel au sein de l’entreprise publique ». Les dangers d’une telle ouverture du capital sont facilement imaginables, tant pour le développement du service public et la présence postale sur tout le territoire que pour le personnel, dont les effectifs se réduisent déjà d’environ 10 000 par an.
Pour faire reculer le gouvernement et la direction de La Poste, une forte mobilisation est indispensable. Celle du personnel tout d’abord. Le 2 septembre, les organisations syndicales ont décidé d’une première journée de grève, le 23 septembre. Si cette intersyndicale constitue un point positif, on doit regretter qu’elle ne se traduise pas encore par des initiatives communes, comme en témoignent les pétitions lancées séparément par SUD et la CGT. Les déclarations de François Chérèque, dans le Journal du dimanche, peuvent également interroger sur l’attitude de la CFDT : « On ne peut pas engager sans débat public une réforme comme celle de La Poste. Sinon, on ne la fera pas comprendre et accepter, et on laissera le champ libre aux démagogues. »
Cette première grève doit être la plus massive possible. Les syndicats doivent donner rapidement des perspectives aux salariés, qui ne se contenteront pas de journées d’action successives, dont les limites ont bien été visibles dans d’autres secteurs.
Mais la mobilisation du personnel ne sera pas, à elle seule, suffisante. La Poste reste un service public auquel la population est fortement attachée. Il faut créer un grand mouvement d’opinion qui rassemble, avec les salariés de La Poste, les usagers, les élus et les organisations. Cette campagne unitaire doit se traduire par des initiatives nationales et locales. SUD-PTT propose une réunion unitaire le 4 septembre.
Sébastien Lumeau
* Paru dans Rouge n° 2264, 04/09/2008.
La Poste : ce n’est pas marqué « privatisation » ! Salariés-usagers, tous ensemble pour faire reculer le gouvernement !
Tract de la LCR
Depuis des années, l’Etat et les gouvernements successifs n’ont eu de cesse d’accélérer la privatisation rampante de la Poste. La recherche de la rentabilité à tout prix s’est traduite par la fermeture de milliers de bureaux de poste, la réduction des effectifs et l’allongement des queues devant les guichets, la précarisation croissante des personnels. Près de la moitié des salariés de la Poste n’a déjà plus le statut de fonctionnaire. Le gouvernement veut maintenant frapper un grand coup : après l’ouverture à la concurrence, la Poste devrait désormais changer de statut. C’est le préalable à l’ouverture du capital et à une privatisation pure et simple.
La logique du privé est incompatible avec l’intérêt du plus grand nombre Privatiser la Poste, ce serait la livrer directement aux actionnaires, à leur appétit de profits, et aggraver cette situation.
La logique du profit est incompatible avec une mission de service public, qui consiste à rendre le même service quel que soit l’endroit où l’on habite ; et le faire quelque soient les revenus des habitants, en permettant à tout à chacun non seulement de recevoir du courrier mais également les minima sociaux, d’ouvrir un compte bancaire ou un compte d’épargne, ce que les banques refusent généralement de faire lorsque les revenus sont trop bas.
Ce sont ces missions, utiles à la population, qui seront sacrifiées au profit de contrats plus juteux avec les entreprises, en pressurant un peu plus au passage les salariés de la Poste.
Faisons converger les luttes des salariés
Une première journée de grève aura lieu le mardi 23 septembre. Toutes les organisations syndicales doivent y appeler dans l’unité, tous les partis de gauche devraient la soutenir et aider à sa réussite, pour donner sans attendre un avertissement au gouvernement, lui montrer que nous ne nous laisserons pas faire.
La réussite du 23 doit être avant tout un encouragement pour aller vers une action prolongée, qui pourrait même commencer à s’étendre à d’autres secteurs : une grève reconductible, voire explosive, imprévisible, c’est cela qui pourrait faire trembler le gouvernement ! Or dans bien des secteurs, à commencer par l’éducation, la santé, les transports, l’énergie, de nombreux salariés ressentent aujourd’hui le besoin de faire converger leurs luttes.
C’est une nécessité, et c’est possible, parce que dans tous les secteurs, on trouve les mêmes problèmes : dégradation du service rendu au public faute de moyens, sélection des activités les plus rentables, privatisation partielle ou totale.
Elargissons la mobilisation à l’ensemble de la population
Plusieurs organisations syndicales et politiques proposent aujourd’hui une campagne de débat public pour aller vers l’exigence d’un référendum. Cette exigence est légitime : ce n’est pas au gouvernement de décider mais à la population de le faire. C’est elle après tout qui est directement concernée.
En exigeant un référendum, c’est une grande campagne d’opinion publique que nous pouvons démarrer pour conforter les salariés dans leur résistance et dans leurs luttes.
L’exigence d’un référendum doit être l’occasion de nous mobiliser dans l’unité, salariés et usagers, pour mettre un coup d’arrêt à la privatisation, exiger des services publics de qualité, avec un personnel suffisant, correctement payé.
Ce sera une lutte prolongée, pour changer le rapport de force et faire respecter les intérêts des salariés et de toute la population alors que le monde de la finance et de la bourse nous conduit chaque jour vers des crises toujours plus graves, au détriment de l’intérêt du plus grand nombre.
Le 08/09/08
Pas touche au service public de La Poste
Communiqué de la LCR
M.J.P.Bailly, président de La Poste en exercice, joue les éclaireurs pour le compte du gouvernement Sarkozy-Fillon. Sous couvert d’ouverture du capital et de changement de statut, son plan de privatisation de La Poste est bouclé. Les postiers sont concernés mais aussi les dizaines de millions d’usagers et les élus. Dans les zones rurales et les quartiers populaires, la Poste est souvent le dernier service public encore en fonction et chacun sait que le facteur c’est un lien social avec les habitants. France Télécom a subi le même sort il y a quelques années. Personne n’est dupe du charabia officiel. La privatisation c’est la fin du tarif unique postal, des tournées sur l’ensemble du territoire, la fermeture de milliers bureaux de poste, la suppression de milliers d’emplois. Pour une raison simple : les actionnaires voudront se faire du fric.
La LCR et Olivier Besancenot appelle l’ensemble des postiers à la résistance et à la désobéissance à l’égard de la direction. Dès le mois de juillet, par voie de pétition, les salariés de La Poste ont exprimé leur refus de la privatisation. Le 23 septembre, l’ensemble des organisations syndicales appellent à une journée de grève qui doit être un succès. Mais, il faut faire converger l’ensemble des initiatives de riposte, travailler à l’unité des salariés, des usagers. Tout le monde se rappelle de l’appel des élus de la Creuse.
En ce sens, la bataille pour la tenue d’un référendum doit être un point d’appui pour construire un courant d’opinion favorable à la défense du service du service public postal.
Le 5 septembre 2008.
Touche pas à ma Poste
Les derniers jours, les analystes libéraux ont pavoisé à l’annonce du possible changement de statut de La Poste. Selon eux, il était temps que le tabou de la privatisation de l’établissement public soit enfin levé. Toutefois, ces experts de mauvais augure ne prennent même pas la peine d’argumenter sur la nécessité d’une telle évolution. Il leur suffit d’asséner que la plupart des autres postes ont déjà été transformées en sociétés anonymes et de conclure leur démonstration en louant la « mue » réussie de France Telecom. Un comble ! Cette attitude, relevant plus de la méthode Coué que de l’analyse économique, n’est pas pour nous surprendre. Un examen plus sérieux des enjeux d’une privatisation donnerait, sans aucun doute, trop de grain à moudre aux défenseurs du service public.
Il y a, tout d’abord, un paradoxe chez les tenants de la privatisation. Afin de rassurer postiers et usagers, ils ne cessent de répéter qu’il n’y a pas matière à s’inquiéter, puisque l’État restera l’actionnaire majoritaire. Mais si l’introduction de capitaux privés était un acte vertueux, créant les conditions de développement d’une entreprise au service des populations, pourquoi faudrait-il s’inquiéter de la perte de contrôle de l’État ?
Au-delà des aspects financiers évidents, la transformation de l’entreprise publique en société anonyme est aussi d’ordre idéologique. Pour les libéraux, son statut actuel représente un frein à l’évolution, qui est malheureusement en marche depuis plusieurs années, à travers la libéralisation du courrier, la marchandisation des activités des bureaux de poste et la création de La Banque postale. Ces évolutions ont déjà des conséquences très concrètes dans notre vie quotidienne.
Ainsi, le nombre de bureaux de poste a fortement décru, plus de 5 000 des 17 000 bureaux ayant été transformés en agences postales communales ou en relais postes chez les commerçants, où seulement quelques opérations primaires sont réalisables. De plus, dans 8 000 autres bureaux, les horaires ont été réduits. Tout autant que les zones rurales, les quartiers populaires sont les victimes de cette évolution. En effet, les réductions d’ouverture dans ces bureaux ont comme conséquence directe une baisse de la qualité de service et d’accueil. Mais dans les pays où la poste est privatisée, la situation est encore beaucoup plus désastreuse. Au Royaume-Uni, par exemple, la poste détient, directement, seulement 3 % des « points de contact » et leur nombre devrait encore diminuer dans les prochaines semaines.
Cette raréfaction de la présence territoriale télescope également l’accessibilité bancaire. Pourtant, avec plus de 1 million d’exclus du système bancaire, cette activité est vitale. Évidemment, une privatisation de l’établissement public, combinée à la banalisation du Livret A, remettrait totalement en cause le rôle joué par La Poste. Ce rôle est d’autant plus important que les parlementaires ont avalisé la fin des missions d’intérêt général des caisses d’épargne de l’Écureuil.
En ce qui concerne le courrier, les conséquences directes peuvent apparaître moins évidentes, il n’en reste pas moins qu’elles seraient bien réelles, avec la facturation des activités aujourd’hui gratuites. Par exemple, en Suède, le courrier est déposé dans des relais, la distribution au domicile est devenue un service payant. La fin de la péréquation tarifaire défavoriserait les habitants des zones les moins rentables, c’est-à-dire que ce serait une nouvelle fois à celles et ceux qui ont le plus besoin de service public de passer à la caisse.
Socialement, les conséquences seraient également dramatiques pour les salariés des entreprises de ce secteur. Déjà, depuis le début du processus de libéralisation du courrier, 300 000 emplois ont été détruits en Europe. Cette période a également connu un énorme développement du temps partiel. Au Pays-Bas, par exemple, ce type d’emploi est la norme, y compris chez l’opérateur historique, TNT. C’est pourtant un opérateur de référence pour les autres dirigeants du secteur et pour les gouvernements !
Aujourd’hui, le président de La Poste tente de rassurer les postiers et leurs syndicats en leur consentant des garanties sociales élevées. Il se moque du monde ! Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler le débat qui a eu lieu en Allemagne. La création d’un salaire minimum à 9,50 euros de l’heure a fait sortir les tenants de la libre concurrence de leurs gonds. Cette pratique serait un frein à l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs, l’obligation de payer un salaire minimum ne garantissant pas un taux de rentabilité suffisant !
Socialement, les populations et les salariés ont tout à perdre de la privatisation de La Poste. Dès maintenant, il s’agit de travailler à l’élaboration d’initiatives unificatrices. Lors de la fermeture de bureaux, cette unité a déjà été possible dans un nombre significatif de localités, le plus souvent dans des petites communes. Au vu des enjeux, ce mouvement doit se nationaliser.
Bruno Quignard
* Paru dans Rouge n° 2261, 17/07/200 (Premier plan).
LA POSTE : Branle-bas contre la privatisation
L’Élysée a confirmé le projet de privatisation de La Poste. Les libéraux veulent casser un symbole du service public avant l’ouverture totale à la concurrence, en 2011.
L’article paru dans Le Monde du 5 juillet a fait l’effet d’un pavé dans la mare. On y apprend que les dirigeants de La Poste travaillent, dans le plus grand secret, sur un projet de transformation rapide de l’entreprise publique en société anonyme, avec ouverture de son capital. En clair, à sa privatisation. Immédiatement, l’Élysée s’est montré intéressé.
Les arguments pour justifier cette privatisation ne sont pas nouveaux et ils ont déjà servi à justifier le bradage d’autres services publics, en particulier France Télécom. Le poids de la dette de La Poste et son manque de fonds propres réduiraient ses ambitions dans la compétition imposée par la libéralisation. Le statut d’entreprise publique limiterait les partenariats. Enfin et surtout, les autres grands opérateurs européens l’ont déjà fait. Aucun de ces arguments n’est pertinent. La dette est maîtrisée, beaucoup plus que celles des postes allemande et néerlandaise, qui servent de modèles aux libéraux. Le statut de l’entreprise n’empêche nullement les partenariats, comme le montre celui qui a été longtemps conservé avec l’Américain Fedex. Enfin, puisque les autres postes ont déjà goûté à la privatisation, il serait bon de faire un bilan : depuis le début d’en la libéralisation, 300 000 emplois postaux ont été détruits en Europe. La poste allemande, par exemple, est fortement endettée, son patron historique risque la prison et elle a perdu, depuis 1996, 20 % de sa valeur.
Les raisons ne sont donc pas économiques. Depuis quelques années, La Poste est devenue « rentable », avec près de 1 milliard de bénéfices en 2007. L’État, aux abois, a besoin de liquidités pour financer ses cadeaux fiscaux. Il pourra trouver une manne financière dans la vente d’une partie de l’établissement public et la distribution de dividendes.
Mais il y aussi des raisons idéologiques. La Poste reste encore un symbole du service public. Pour les libéraux, c’est cette image qu’il faut détruire. À l’heure où le marché doit régner en maître absolu, une entreprise de près de 300 000 salariés, réalisant 20 milliards de chiffre d’affaires et 1 milliard de bénéfices, mais restant dans le giron du service public, fait figure d’anomalie. Il s’agit donc d’un choix de société.
Dans ce contexte, l’unité des syndicats de postiers sera déterminante, mais elle ne sera pas suffisante. L’avenir du service public postal concerne la société tout entière. Il faut construire une unité des syndicats, des associations (de défense des consommateurs, des exclus, d’élus) et, pourquoi pas, des partis politiques. Des initiatives locales intéressantes se sont opposées à la fermeture des bureaux de poste. Il faut maintenant changer de braquet. Le gouvernement pourrait profiter de la loi de transposition de la directive européenne, probablement début 2009, pour faire voter la privatisation. Il y a urgence.
Bruno Quignard
* Paru dans Rouge n° 2260, 10/07/2008.