Confiant dans les voies du Ciel mais prudent comme un philosophe, Benoît XVI devait regagner Rome, ce lundi 15 septembre, sur n’importe quelle compagnie sauf Alitalia. Des fois que l’appareil n’ait plus de kérosène, à 30 000 pieds d’altitude, quelque part entre Tarbes (l’aéroport terrestre de Lourdes) et la Ville éternelle. La compagnie nationale italienne est au bord de la faillite. On se moque ? On est surtout intrigué par le déferlement d’images qui a accompagné cette visite, dite papale, puisque pape il y a.
Quatre jours passés par l’évêque de Rome au sein de la fille aînée de l’Eglise, devenue République laïque et obligatoire. Toutes les chaînes, ou presque, en ont fait des tonnes. Il faut dire qu’avec ses robes extrêmement bien coupées, dans des tissus rares et raffinés, sur fond de décors admirables (le parvis de Notre-Dame, l’esplanade des Invalides, la grotte Massabielle), Benoît fournit généreusement le meilleur des spectacles. Il n’y a pas que la vue, il y a aussi le son. Des choeurs épatants, dans des costumes de toutes les couleurs. L’écran ne transmet pas encore l’odeur de l’encens, mais, avec les progrès de la technologie et l’aide du Seigneur, on y arrivera. Tous les sens sont donc flattés par ces grand-messes, c’est le cas de le dire, qui attirent l’oeil de la caméra bien mieux que n’importe quelle île de la Tentation en perdition. Et mieux encore que la Fête de L’Huma, où Marie-George Buffet peinait dimanche à rivaliser avec Benoît. Par un curieux hasard, les deux cultes dominants de la France du XXe siècle s’étaient en effet mis en frais ce week-end. Marie-George était habillée nettement moins somptueusement que Benoît, ceci explique peut-être cela. Le pompon était évidemment la grand-messe, samedi, sur l’esplanade des Invalides. Le soleil souriait à Benoît. Il ne manquait ni une aube, ni une chasuble, ni une mitre. Le siège papal était en sycomore, symbole de l’éternité dans la Bible, et dont la couleur très claire s’accorde très bien avec le « blanc papal », expliquait un présentateur. « Fuyez le culte des idoles », disait Benoît à tous ceux qui étaient rassemblés là.
« Le mot »idole« vient du grec et signifie image, figure, représentation, mais aussi spectre, fantôme, vaine apparence. L’idole est un leurre, car elle détourne son serviteur de la réalité pour le cantonner dans le royaume de l’apparence », disait encore le professeur Ratzinger. On ne peut que l’approuver. Quel talent !
Dans l’enthousiasme, on serait même tenté d’en rajouter et de citer ce mot, toujours d’actualité, que Montesquieu met dans la bouche de Rica, dans les Lettres persanes : « Le pape est une vieille idole qu’on encense par habitude. » C’est daté de Paris, le 4 de la lune de Chalval, 1712.