C’est l’été indien cet après-midi au Parc des Beaumonts, à Montreuil (93), sous un plein soleil, avec un léger vent de Nord-Est qui ne faiblira que vers le soir.
Après un « point de vue/image du monde » réalisé depuis le sommet de la butte de la Fontaine sur le Parc et sa Grand’ Mare qui la jouxte, il faut se ranger à l’évidence : aucun naturaliste beaumonticole n’est encore ou déjà en vue sur ce terrain grandeur Nature. Pas le moindre cul en l’air de botaniste, zéro tête en l’air d’ornithologue, point de filet de lépidoptériste brandi au-dessus des ombelles de fenouils ou des grappes de buddleias ! Alors où s’installer pour pique-niquer ? Va pour l’ombre du vieux robinier qui coiffe en lisière le tertre herbeux surplombant plein Sud/Sud-Ouest le val Mabille.
Ici, la lumière abonde, gonflée de moucherons nerveux qui vibrionnent entre eux par myriades, en essaims bondissants et browniens. Le silence prospère, feutré de brise, où chaque bruit s’inscrit en clair : cris répétés, insistants, d’un pic épeiche en alarme, salve soudaine du pic vert, strophes délicates du grimpereau des jardins. Ce seront les seuls indices de présence de ces oiseaux, qui se cachent « au vert ».
Mais quel est ce manège, ce meeting aérien ? donné par un, deux, non… trois, oiseaux, dans l’espace tendu entre des arbres repérés assez vite, vu leur place au soleil, à découvert.
Le vieux robinier, ce bouleau en face, ou ce bouquet de frênes plus loin, tous feuillus isolés, ou groupés en lisière, servent aux trois équipiers tour à tour de repaire, de gîte temporaire, plantant là le décor d’un ballet prestement troussé, sans cesse improvisé : un petit passereau plonge d’une branche, jaillit dans la lumière comme catapulté en l’air, puis exécute en peu de secondes en plein ciel, qui une boucle piquée, qui une pirouette vrillée, parfois un bref vol sur place ; puis s’en retourne à son perchoir, ou gagne un nouveau promontoire.
Aucune concurrence ne règne entre les trois danseurs, de même espèce, qui s’évitent apparemment au mieux et sans effort apparent, dans un déploiement pleinement libéré de leur agilité sportive, de leur voltige chasseresse… à des fins qui paraissent purement alimentaires.
Il est difficile de noter les détails du plumage : dessous blanc, dessus chamois, les ailes plus sombres tachées de clair, et la queue itou finement ourlée, à sa base, de blanc.
Malgré le silence étale, on n’entendra souvent qu’à peine, en bout de trajectoire, un léger clap sonore : c’est le bruit ténu des mandibules claquées du bec des oiseaux qui font mouche à tout coup dans cette séquence digne d’être filmée. À vous d’imaginer !
Bravo ! les gobemouches noirs, pour cette danse avec les mouches.
Et bon vent ! dans la migration pour l’Afrique, après un savoureux pique-nique partagé entre amateurs dans cet excellent coin ouvert à tous et à toutes : le Parc des Beaumonts.
Paris, le 27 novembre 2005