Le Marriott Hotel, un des grands hôtels d’Islamabad, a été la cible, samedi 20 septembre dans la soirée, d’un attentat à la voiture piégée. Selon le dernier bilan disponible fourni par la police, l’attentat a coûté la vie à au moins 52 personnes. L’AFP, citant un responsable de la sécurité, fait état d’au moins 60 morts. Des femmes, des enfants et des étrangers, qui fréquentent cet hôtel de luxe, figurent parmi les personnes tuées, selon cette source, et quelque 200 personnes ont été blessées.
Toujours selon cet officiel de la sécurité, plusieurs des victimes ont sauté des 3e et 4e étage de cet imposant bâtiment de six étages. Les autorités pakisatnaises s’attendent à ce que le bilan s’alourdissent encore, « de nombreuses personnes » étant piégées dans l’hôtel alors que l’imposant bâtiment de 290 chambres menace de s’effondrer. Une grue a été acheminée sur place pour les évacuer.
LA DÉFLAGRATION ENTENDUE DANS TOUTE LA VILLE
L’explosion de forte puissance s’est produite vers 20 heures (16 heures à Paris) lorsqu’un véhicule chargé d’explosifs a enfoncé les barrières disposées devant l’entrée principale de cet hôtel situé au pied des collines de Margalla, dans le centre de la capitale pakistanaise, a déclaré un policier. Des clients qui dïnaient lors de l’attentat ont raconté que les plafonds de la salle à manger et du hall d’entrée se sont effondrés. De 200 à 300 personnes se trouvaient dans la salle à manger à cette heure de la rupture du jeûne. La télévision pakistanaise a diffusé des images de corps évacués des lieux. Devant l’hôtel, où l’explosion a creusé un large cratère, le sol est jonché de débris. Une vingtaine de voitures ont été détruites par la déflagration, entendue dans toute la ville. La bombe a fait voler en éclat les vitres et les portes de plusieurs villas du centre ville.
L’hôtel Marriott, l’un des deux hôtels les plus fréquentés par la communauté internationale à Islamabad, était pourtant placé sous très haute sécurité, les voitures étant fouillées devant d’imposantes barrières métalliques avant de pouvoir y pénétrer. Il avait déjà été la cible d’un attentat en janvier 2007 qui avait coûté la vie à deux personnes mais l’attentat de samedi est le plus meurtrier commis à Islamabad depuis que le Pakistan s’est rallié en 2001 à la « guerre contre le terrorisme » décrétée par le président George Bush après les attentats du 11-Septembre. Le Pakistan est en proie ces derniers mois à une vague sans précédent d’attentats perpétrés par les islamistes proches d’Al-Qaïda.
LEMONDE.FR avec AFP, Reuters et AP | 20.09.08 | 16h40 • Mis à jour le 21.09.08 | 08h08
L’attentat d’Islambad : « le 11-Septembre » du Pakistan
Les secouristes cherchaient toujours, dimanche 21 septembre, des corps dans les décombres de l’hôtel de luxe Marriott, au lendemain d’un attentat-suicide au camion piégé qui a fait au moins 53 morts et blessé 266 personnes samedi à Islamabad. Selon une vidéo des caméras de surveillance de l’hôtel, diffusée dimanche par le ministère de l’intérieur, le kamikaze a d’abord précipité un gros camion sur la barrière de sécurité, s’est fait exploser dans la cabine, ce qui a entraîné l’explosion d’une charge de 600 kg quelques minutes plus tard. La plupart des morts seraient des agents de sécurité à l’entrée de l’hôtel, quelques étrangers qui se trouvaient près des sorties et des passants. L’ambassadeur tchèque au Pakistan, Ivo Zdarek, figure parmi les victimes.
Le Pakistan a accusé dimanche les talibans pakistanais liés à Al-Qaida d’avoir perpétré l’attaque. Le conseiller du premier ministre chargé de l’intérieur a expliqué que les responsables de l’attentat venaient des zones tribales du nord-ouest du Pakistan frontalières avec l’Afghanistan, repaires de combattants islamistes proches d’Al-Qaida et des talibans afghans. « Tous les chemins conduisent aux FATA », l’acronyme désignant ces zones tribales, a-t-il indiqué. Cet attentat « porte la marque d’Al-Qaida », avait déclaré auparavant un enquêteur.
« LE 11-SEPTEMBRE PAKISTANAIS »
Personne n’a revendiqué cet attentat, qualifié de « 11-Septembre du Pakistan », par Najam Sethi, le rédacteur en chef du Daily Times, et condamné unanimement par la communauté internationale. Cette attaque intervient au moment où les Etats-Unis – convaincus que les talibans et Al-Qaida ont reconstitué leurs forces dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan, à la frontière afghane – y multiplient les tirs de missiles ciblant les combattants islamistes. Les spécialistes d’Al-Qaida estiment que le nord-ouest du Pakistan est devenu « le nouveau front de la guerre contre le terrorisme ». Le New York Times assurait d’ailleurs jeudi que le président George W. Bush avait autorisé secrètement en juillet les forces spéciales américaines à mener des raids terrestres dans ces régions, sans l’approbation préalable d’Islamabad.
Sous pression américaine, l’armée pakistanaise a donc lancé en août une vaste offensive dans le district tribal de Bajaur, qui a fait 800 morts, pour l’essentiel des combattants islamistes. La République islamique du Pakistan, seule puissance nucléaire militaire du monde musulman, a déjà payé un très lourd tribut à cette lutte contre le terrorisme, avec plus d’un millier de soldats tués dans les zones tribales depuis 2002 et, surtout, 1 300 morts dans une campagne sans précédent d’attentats-suicide depuis plus d’un an. Oussama Ben Laden en personne avait décrété il y a un an le djihad au prédécesseur de M. Zardari, le général Pervez Musharraf et son gouvernement, qualifiés de « chiens de Bush ». Or le nouveau chef de l’Etat est perçu, dans son pays comme à l’étranger, également comme « l’homme des Etats-Unis ».
LEMONDE.FR avec AFP et AP | 21.09.08 | 08h59 • Mis à jour le 22.09.08 | 07h41
Pakistan : la stratégie anti-talibans d’Asif Ali Zardari menacée
NEW DELHI CORRESPONDANT
« Le 11-Septembre du Pakistan », a titré le quotidien pakistanais The News, lundi 22 septembre, dans un éditorial consacré au carnage causé, samedi à Islamabad, par un attentat au camion piégé contre l’Hôtel Marriott. Le bilan officiel de l’attentat, le plus spectaculaire jamais commis dans la capitale pakistanaise, se chiffrait, lundi, à 53 morts et environ 250 blessés.
Etablissement classé cinq étoiles, le Marriott est - avec le Serena - l’hôtel le plus prestigieux de la capitale pakistanaise, lieu de rendez-vous prisé de l’élite pakistanaise et des étrangers. L’ambassadeur tchèque à Islamabad, deux militaires américains et une Vietnamienne figurent parmi les personnes décédées, un agent de renseignement danois étant par ailleurs porté disparu.
Si l’analogie avec le 11 septembre 2001 peut se justifier par le symbole visé et le caractère exceptionnel de l’attaque - le camion chargé de 600 kg d’explosifs a creusé un cratère de 8 mètres de profondeur -, il reste encore à évaluer si la stratégie antiterroriste du gouvernement d’Islamabad sera radicalement revue. Le sujet sera au centre de la rencontre prévue, mardi, à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, entre le président américain George Bush et son homologue pakistanais, Asif Ali Zardari, nouveau chef d’Etat à l’assise précaire.
Toute la question est de savoir si l’attentat contre le Marriott va rapprocher ou au contraire éloigner les deux capitales dont la relation traverse une phase de turbulences. Depuis début septembre, les forces américaines ont multiplié les incursions dans les zones tribales pakistanaises, où des noyaux d’Al-Qaida et des groupes liés à la mouvance des talibans disposent de véritables sanctuaires alimentant l’insurrection en Afghanistan.
M. Zardari, le premier ministre, Youssouf Raza Gilani, et le chef d’état-major de l’armée, Ashfaq Pervez Kayani, n’ont cessé de dénoncer ces « violations de la souveraineté nationale » du Pakistan, mais l’opinion pakistanaise, en proie à un vif sentiment antiaméricain, a pour l’instant jugé ces réactions formelles et timorées.
Dans ce contexte, l’attentat contre le Marriott va-t-il raidir M. Zardari contre Washington au motif que les opérations américaines contribuent à déstabiliser davantage la situation sécuritaire du Pakistan ? Le lien entre l’attentat et les zones tribales - ou FATA (Federally Administered Tribal Areas) dans le jargon administratif pakistanais - ne fait guère de doute à Islamabad, le ministre de l’intérieur, Rehman Malik, lui-même ayant affirmé que « toutes les pistes mènent aux FATA ».
Sous l’évidente pression américaine, l’armée pakistanaise a engagé depuis l’été une offensive dans la zone tribale de Bajaur - où les combats ont fait autour de 800 morts et causé le déplacement de 300 000 personnes - ainsi que dans la vallée de Swat. « Les auteurs de l’attentat ont pu envoyer le message suivant : »Arrêtez l’offensive militaire à Bajaur et à Swat et entamez des négociations de paix« », décode Mohammad Imran, journaliste à Dawn-TV, spécialiste des groupes islamistes.
M. Zardari entendra-t-il le « message » ou, face à l’escalade terroriste, se laissera-t-il convaincre par les tenants d’une ligne dure, partisans d’un resserrement de la coopération avec les Américains ?
Les réactions de la presse pakistanaise, lundi, donnaient une idée de la force du courant d’opinion imputant aux Américains la responsabilité du chaos au Pakistan. « L’Occident dirigé par les Américains est la racine de ce qui se passe dans notre pays, écrit ainsi le Pakistan Observer. Il n’y aura pas de paix et de tranquillité au Pakistan tant que les Etats-Unis occuperont l’Afghanistan voisin. »
Pour sa part, The News demande à M. Zardari de défendre âprement les intérêts pakistanais. Le chef de l’Etat pakistanais, écrit le quotidien, devrait demander à M. Bush de « laisser tranquille le Pakistan », faute de quoi il apparaîtra « comme un dirigeant sans courage » .
La plupart des analystes pakistanais sont toutefois sceptiques sur la capacité des dirigeants d’Islamabad de résister aux pressions américaines. L’accord récemment conclu sur l’envoi au Pakistan de douzaines de spécialistes américains de la contre-insurrection, chargés de former l’armée pakistanaise, souligne l’étroitesse de la marge de manœuvre de M. Zardari face à Washington.
Après avoir écarté cette offre américaine pendant des mois, le gouvernement pakistanais a fini par céder. Ce recul aurait été consenti, spéculent certains commentateurs, en échange de l’engagement américain de cesser leurs frappes dans les zones tribales.
Frédéric Bobin
* Article paru dans le Monde, édition du 23.09.08.
LES GROUPES ISLAMISTES
Tehrik-E-Taliban Pakistan (Mouvement des talibans du Pakistan) : dirigé par Baitullah Mehsud, installé dans les zones tribales, il a fédéré une quarantaine de mouvements extrémistes.
Lashkar-E-Taiba : mouvement islamiste radical actif dans le Cachemire et dans la région frontalière afghano-pakistanaise. Autonome par rapport aux talibans.
Lashkar-E-Islam : groupe affilié au Mouvement des talibans du Pakistan situé dans l’agence tribale de Khyber.
Tehrik Nifaz Shariat E-Mohammadi (TNSM) : parti tribal actif dans la province du Nord-Ouest. Soutien des talibans depuis le déclenchement de la guerre en Afghanistan.
LE MONDE | 22.09.08 | 13h21 • Mis à jour le 22.09.08 | 13h25
Les dirigeants pakistanais auraient dû se trouver à l’Hôtel Marriott lors de l’attentat
Le président et le premier ministre du Pakistan avaient prévu de dîner au Marriott samedi soir à Islamabad quand cet hôtel a été dévasté par un attentat-suicide, mais ils avaient finalement changé d’avis, a annoncé, lundi 22 septembre, Rehman Malik, le conseiller du premier ministre pour l’intérieur. « Le président de l’Assemblée nationale avait organisé un dîner au Marriott pour l’ensemble du gouvernement, le chef de l’Etat, le premier ministre et les chefs de l’armée », a-t-il déclaré à la presse. Le président [Asif Ali Zardari] et le premier ministre [Youssouf Raza Gilani] ont changé d’avis et le dîner a eu lieu à la résidence du premier ministre", a ajouté M. Malik. Le Marriott est situé à proximité du Parlement, où le nouveau président, Asif Ali Zardari, avait fait son premier discours devant les élus dans l’après-midi.
REVENDICATION D’UN GROUPE INCONNU
Les enquêteurs traquaient, lundi 22 septembre, une cellule de militants islamistes d’Al-Qaida à Islamabad, soupçonnés d’avoir perpétré l’attentat-suicide. Samedi, peu après la rupture du jeûne du ramadan, un kamikaze avait fait exploser son camion bourré de 600 kg d’explosifs contre la barrière de sécurité de l’Hôtel Marriott, situé en plein cœur de la capitale, dévastant entièrement cet établissement de luxe. Au moins 60 personnes ont été tuées, selon des responsables policiers (53 selon un bilan officiel ) et 266 blessés. Un groupe inconnu appelé les « Fedayin de l’islam » a revendiqué la responsabilité de l’attentat, dans un appel téléphonique à Al-Arabiya.
Dimanche, Rehman Malik avait indirectement accusé les talibans pakistanais liés à Al-Qaida, assurant que le TNT et le RDX, des explosifs très puissants, étaient du même type que ceux utilisés pour deux précédents attentats, dont l’un – contre l’ambassade du Danemark à Islamabad – avait été revendiqué par Al-Qaida.
LEMONDE.FR avec AFP | 22.09.08 | 12h30 • Mis à jour le 22.09.08 | 17h56