Des années que l’industrie nucléaire française - Areva en tête - attendait la levée de cet embargo ! Tandis que le Congrès américain s’apprête à ratifier un accord similaire, la France et l’Inde ont signé, mardi 30 septembre, au cours de la visite du premier ministre indien Manmohan Singh, un accord sur le nucléaire civil. Il servira de base, selon le communiqué final, à « une coopération élargie dans le domaine de l’énergie et de la recherche ».
Les entreprises de la filière pourront vendre des réacteurs, du combustible (uranium enrichi) et des services associés (retraitement-recyclage des déchets) aux exploitants de centrales. Ce marché leur était interdit depuis 1974, date à laquelle le géant indien, qui refuse de signer le traité de non-prolifération (TNP), a fait exploser sa première bombe atomique.
L’accord paraphé à l’Elysée, Areva a aussitôt annoncé la signature, « certaine et prochaine », d’un protocole d’accord pour la fourniture de deux EPR (réacteur de troisième génération) et du combustible pour leur fonctionnement - sur le modèle du contrat de 8 milliards d’euros signé avec la Chine en 2007. A terme, explique une porte-parole, « les discussions commerciales pourraient porter sur la livraison d’une flotte de réacteurs », portant le total à six ou huit unités.
ACCROÎTRE LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ
Les besoins énergétiques de l’Inde, dixième puissance économique mondiale, doubleront d’ici à 2030, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Pour y répondre, le pays a notamment lancé un programme nucléaire destiné à accroître la production d’électricité d’origine nucléaire (2,3 % actuellement). Il prévoit 20 000 mégawatts (MW) avec des centrales de technologie indienne (petits réacteurs de 200 MW) et 40 000 MW avec des réacteurs de forte puissance (de 1 000 à 1 650 MW). Un effort financier évalué par New Delhi à environ 100 milliards de dollars (71 milliards d’euros).
Areva espère décrocher au moins un quart du marché indien. L’américain General Electric-Hitachi et le nippo-américain Toshiba-Westinghouse peuvent difficilement être exclus du jeu alors que c’est le président des Etats-Unis, Georges Bush, qui a décidé en 2005 de sortir l’Inde de son isolement et de lui donner le statut de puissance nucléaire fréquentable (afin de faire pièce à la montée en puissance de la Chine).
Quant au groupe public russe Rosatom, il est déjà dans la place : fort de la solidité des relations entre Moscou et New Delhi, il construit depuis 2001 deux réacteurs dans l’Etat du Tamil Nadu (Sud), en application d’un vieux contrat signé à l’époque de l’Union soviétique. En visite à New Delhi début 2007, Vladimir Poutine avait promis de renforcer la coopération nucléaire en proposant de construire de nouveaux réacteurs sur d’« autres sites ».
A l’Elysée, on assure qu’avec cette entrée de l’Inde dans le club nucléaire, la lutte contre le réchauffement climatique marque un point important. En 2015, elle sera le troisième émetteur de CO2 de la planète. Un EPR remplaçant une centrale au charbon permet d’éviter le rejet de 11 millions de tonnes de CO2 par an. Les mouvements antinucléaires en doutent. « Le nucléaire ne va pas résoudre la crise climatique, ni la question de la sécurité énergétique, réplique Vinuta Gopal, un responsable indien de Greenpeace. Même si le programme dont rêve le gouvernement de construire 40 nouveaux réacteurs en vingt ans se réalisait, cela ne permettrait au pays que de réduire très faiblement ses émissions de gaz à effet de serre. »