Il y a quelques années, estimant que la marge procurée par les prêts classiques, à taux fixe ou à taux révisable, n’était pas assez rémunératrice, et profitant d’un cadre réglementaire peu contraignant, des banques ont proposé aux collectivités locales de nouveaux prêts et dispositifs, dont la finalité relevait plus du souci d’accroître leurs profits que de celui de faciliter le financement de l’économie locale.
Une édifiante note de l’agence de notation FitchRatings [1] a récemment mis en lumière la nature pernicieuse de tels montages financiers. Le mécanisme reprend celui des prêts à risques subprimes consentis aux 3 millions de familles américaines jetées à la rue ces derniers temps. Ces prêts structurés proposent une échéance de départ attractive (« bonifiée ») comparativement à celle des prêts à taux fixe du moment. Mais, très vite, les échéances suivantes augmentent significativement du fait des clauses de révision des contrats. Dans leur note, les analystes soulignent le caractère risqué de ces produits, contrevenant en outre à deux principes fondamentaux de la comptabilité publique : la prudence et la spécialisation des exercices.
Le taux bonifié ne vaut que la première année et, très vite, les collectivités se trouvent confrontées à une augmentation des échéances de leurs prêts. C’est alors que nos banquiers réapparaissent avec un produit miracle : la gestion de dette. La recette est simple : on regroupe tous les crédits faisant problème pour les refinancer sur une durée plus longue avec, si possible, un taux plus rémunérateur que les précédents, et en empochant une commission au passage. Mais la diminution du montant annuel des échéances a pour contrepartie sournoise une augmentation significative du coût total du crédit.
Aujourd’hui, on ne compte plus les collectivités et établissements piégés par ces contrats. Juste retour des choses, les banques commencent à payer le prix de leur cupidité. Ainsi, la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées et Ixis CIB ont été condamnées solidairement, le 27 mars dernier, à verser 600 000 euros à une société d’HLM pour « manquement à leur obligation d’information ». Sur d’autres dossiers de ce type, afin d’éviter des procès, cette caisse a préféré verser un dédommagement, appelé « geste commercial », à certains de ses clients [2].
Confrontées à la pénurie des financements, au renchérissement du coût du crédit, à la diminution de leurs ressources, les collectivités locales vont devoir différer leurs projets. Si l’on sait qu’elles représentent 73 % de l’investissement public dans le pays (plus de 2 % du PIB), on imagine sans peine les conséquences sur l’économie, l’emploi, ainsi que sur les politiques sociales et les services publics.
Il faut mettre un terme à cette logique spéculative du capitalisme, exiger que les collectivités locales et les établissements publics bénéficient de financements sans risque à taux préférentiels. Dès maintenant, tous ceux qui veulent se mobiliser doivent se rendre dans leur mairie pour y consulter les documents financiers de leur commune, en particulier « l’état de la dette ». Ce document détaille les différents prêts de la commune (notamment les crédits structurés) et les éventuelles renégociations réalisées dans le cadre de gestion de dette. Au vu de ces éléments, des collectifs citoyens pourraient suggérer aux élus de leur conseil municipal de réclamer aux banques qui auraient été de mauvais conseil des « gestes commerciaux », afin de réduire les charges financières excessives et injustifiées de leur commune.
Notes
1. « La dette structurée des collectivités locales : gestion active ou spéculation », 16 juillet 2008 (www.fitchratings.com).
2. Lire l’article de Florence Guédas, www.agefi.fr/articles/Les-collectivites-locales-jouent-gros-sur-leur-dette-1051005.html.