La présidence française de l’Union européenne (UE) accélère les durcissements anti-immigrés des deux côtés de la Méditerranée. Forte de l’approbation, à l’unanimité des 27 États, du Pacte sur l’immigration et l’asile, la présidence française a fait adopter, début septembre, la création d’un bureau destiné à favoriser les échanges entre États membres sur l’asile, notamment de réfugiés en provenance de pays prétendument « sûrs ». On peut tout craindre. Ainsi, le 13 septembre, des centaines de personnes ont manifesté à Lannion (Côtes-d’Armor) pour empêcher l’expulsion d’une famille de Géorgie, « pays sûr » s’il en est…
Les 15 et 16 octobre, le Conseil des ministres de l’UE doit adopter définitivement le fameux Pacte qui interdit les régularisations générales. Les 20 et 21 octobre, Sarkozy réunit la deuxième conférence euro-africaine. Il entend promouvoir son modèle de « gestion concertée des flux migratoires », c’est-à-dire les accords d’immigration « choisie » et de collaboration directe des États du Sud à la guerre contre les migrants, condition pour l’aide au développement. Plusieurs exemples l’illustrent. L’Algérie va adopter une loi punissant de six mois de prison ferme toute sortie illégale de son territoire. Le Maroc, la Tunisie et le Sénégal pénalisent également les candidats à l’émigration. Kadhafi et Berlusconi ont signé un accord échangeant la construction d’une autoroute contre une participation libyenne aux patrouilles en Méditerranée. Celle-ci sera donc plus que jamais un vaste cimetière.
Une riposte internationale se construit. Un sommet citoyen des migrations se tiendra les 17 et 18 octobre. Le 17, la deuxième conférence non gouvernementale euro-africaine aura lieu au palais des congrès de Montreuil, en présence notamment d’Aminata Traoré, de Madjiguène Cissé et de Stéphane Hessel. Le samedi 18, une manifestation internationale partira de la Bastille, pour exiger « Des ponts, pas des murs » entre les peuples. Un grand concert sera organisé place de la République. Parmi les 241 organisations européennes et africaines signataires de l’appel [voir ci-dessous], les syndicats CGT, CFDT, Solidaires, FSU…
Hortefeux réunit, à Vichy, le 4 novembre, les ministres européens de l’Immigration pour causer « intégration » et, dit-il, « réhabiliter » l’image de la ville. Nullement responsables du régime pétainiste, les Vichyssois n’avaient pas besoin de cela, encore moins de la part d’un ministre de l’Identité nationale ! Le Réseau éducation sans frontières (RESF) organisera un rassemblement sur place.
Emmanuel Sieglmann
* Paru dans Rouge n° 2266, 18/09/2008.
Appel à la mobilisation
Des ponts pas des murs
La France a fait du thème des migrations l’une des priorités de la présidence française de l’Union européenne du second semestre 2008.
Les 15 et 16 octobre, le Conseil européen se réunit à Bruxelles pour adopter un « pacte européen sur l’immigration et l’asile ». Par ailleurs, après une première réunion à Rabat en 2006, la deuxième conférence interministérielle euro-africaine en matière de migration et développement se déroulera à Paris en novembre.
La France entend proposer à ses homologues européens l’adoption d’accords de « gestion concertée des flux migratoires et de co-développement » comme modèle de négociation par lesquels d’une part, elle fait la promotion d’une immigration choisie, d’autre part, elle demande aux pays du Sud de réadmettre leurs ressortissants et ceux des pays tiers ayant transité sur leur territoire.
Préoccupés par le caractère essentiellement sécuritaire du traitement des flux migratoires, entraînant des milliers de morts, et par les choix économiques mis en œuvre qui maintiennent le continent africain en marge du développement, les organisations signataires font appel à la mobilisation pour faire entendre la voix des sociétés civiles européennes et africaines.
Il est grand temps que la question des migrations et du développement soit réellement pensée sous l’angle des intérêts mutuels : ceux des pays d’origine, des pays de transit, des pays d’accueil et surtout, ceux des migrants eux-mêmes.
Nous voulons une autre Europe que celle qui se transforme en forteresse et met en œuvre des moyens démesurés pour empêcher l’accès à son territoire et expulser les sans-papiers. Nous refusons la systématisation des centres de détention et de l’éloignement forcé.
Dans la continuité de la première conférence non gouvernementale euro-africaine « migration, liberté de circulation et droits fondamentaux »,
Les 17 et 18 octobre nous appelons à une mobilisation de grande ampleur à Paris, pour une autre conception de l’immigration et un autre rapport entre l’Union européenne, l’Afrique et le reste du monde. Nous tiendrons la deuxième conférence non gouvernementale euro-africaine, une grande manifestation pour une autre politique européenne et un concert géant.
Pour signer l’appel, organisations de la société civile uniquement, merci d’envoyer le nom de votre organisation avec le sigle et le détail de l’acronyme s’il existe, ainsi que le nom et les coordonnées d’une personne contact au sein de votre organisation à l’adresse suivante : contact despontspasdesmurs.org
Les quotas d’immigration récusés
À première vue, la commission Mazeaud n’y va pas de main morte : les quotas d’immigration sont « inefficaces », « irréalisables », « sans intérêts ». Le vieux gaulliste, ancien président du Conseil constitutionnel, avait formé cette commission à la demande du ministre de l’Identité nationale, Brice Hortefeux, afin d’étudier les conditions d’application de deux attaques d’ampleur contre les immigrés : d’une part, la définition de quotas professionnels et ethniques, d’autre part, une justice d’exception pour étrangers, unifiant procédures judiciaire et administrative. Au besoin, au prix d’une modification de la Constitution…
Le rapport de la commission Mazeaud juge que, comme le regroupement familial et l’asile ne peuvent être plafonnés, l’objectif de 50 % d’immigration économique reviendrait à « décupler » les arrivées. Par ailleurs, les quotas par nationalité ou région du monde sont contraires au « principe d’égalité ». La justice spéciale pour étrangers est jugée « coûteuse » et inutile. Pour autant, les propositions de la commission constituent des menaces : création de registres des étrangers par commune, généralisation de « vidéo-audiences » ou des tribunaux ad hoc près des centres de rétention…
De son côté, Hortefeux persiste. Seule une mobilisation d’ampleur est donc en mesure de déboucher les oreilles du ministre. Elle devra être européenne, puisque la présidence française a recueilli l’accord unanime des gouvernements sur un « pacte » qui, sans interdire explicitement les régularisations massives, exige « de se limiter à des régularisations au cas par cas, et non générales ».
Rouge
* Paru dans Rouge n° 2260, 10/07/2008.