Le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale des magistrats (USM) ont appelé à une journée de mobilisation, le jeudi 23 octobre, pour dénoncer « les dérives de la ministre de la Justice dans sa relation avec l’autorité judiciaire ». L’ingérence permanente de la chancellerie dans les tribunaux commence à énerver fortement le monde judiciaire, même ceux qui n’ont pas bougé au moment de l’adoption des lois sécuritaires. La mobilisation du 23 octobre a été réussie, des rassemblements ayant lieu dans de nombreux tribunaux, comme à Paris, où plus de 900 magistrats, avocats, soutenus par les personnels des services judiciaires et les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse, se sont rassemblés.
La garde des Sceaux, Rachida Dati, pour éviter de prendre en compte les conséquences catastrophiques de la politique pénale de plus en plus répressive, rend responsables les magistrats de tous les dysfonctionnements de la justice. Pourtant, le budget français alloué au ministère de la Justice est passé du 29e au 35e rang européen. L’avalanche de lois sécuritaires laisse de moins en moins de marge de manœuvre aux magistrats. La loi instituant les peines plancher prévoit, en cas de récidive, qu’un « tarif » de peines d’emprisonnement s’impose aux juges, dès le deuxième délit. Lorsqu’un drame lié à l’incarcération surgit, comme le suicide d’un mineur à la prison de Metz, la garde des Sceaux convoque à la chancellerie, en pleine nuit, le magistrat ayant incarcéré ce mineur afin de lui demander des explications. Alors que, quelques jours plus tôt, elle avait convoqué cinq procureurs généraux et leur avait reproché de ne pas requérir suffisament de peines plancher et d’avoir de mauvais chiffres. La ministre s’emploie donc, en priorité, à rechercher des « coupables » sans assumer ses responsabilités en tant que ministre en charge des prisons et de la situation des détenus.
Avec les nouvelles lois répressives, depuis deux ans, l’augmentation de la détention est considérable. On compte aujourd’hui plus de 63 000 détenus pour 51 000 places dans les prisons. La France est régulièrement condamnée pour les conditions de détention. Le chiffre des suicides en prison est terrible : 91 depuis le début de l’année. Aucune loi pénitentiaire n’est prévue pour développer les peines alternatives à l’incarcération et changer radicalement les conditions de détention.
Par de constantes pressions, la ministre grignote un peu plus, chaque jour, le peu d’indépendance qui reste à la justice. Le succès de la mobilisation indique qu’il faut un mouvement d’ampleur, afin de redonner à la justice les moyens de fonctionner en toute indépendance des politiques, mais surtout de remettre en cause des orientations pénales essentiellement fondées sur le sécuritaire.
* Paru dans Rouge n° 2272, 30/10/2008.
Suicides de jeunes en prison
Le suicide d’un adolescent de 16 ans à la prison de Metz et la tentative d’un autre jeune, aujourd’hui entre la vie et la mort, viennent dramatiquement confirmer la violence liée à l’univers carcéral. Depuis le début de l’année, 86 suicides de mineurs et majeurs sont recensés. Cela en dit long sur la déshumanisation qui règne dans les prisons françaises. La politique de l’enfermement des mineurs qui ont commis des délits se poursuit avec l’ouverture, depuis deux ans, de sept établissements pénitentiaires pour mineurs.
Ces nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), prétendument mieux adaptés, n’ont pu éviter le suicide d’un autre jeune, il y a huit mois, à Meyzieu (Rhône), ainsi que de nombreux phénomènes de violence. La politique de plus en plus répressive, menée par le gouvernement à l’égard des adolescents auteurs de délits, ne peut qu’augmenter les possibilités du recours à l’incarcération.
Expliquer le suicide survenu à Metz par l’existence d’un « jeu » entre les jeunes incarcérés est inacceptable. Pour des adolescents en grande difficulté, la prise de risques, y compris celui de la mort, fait souvent partie de leur vie. Elle vient colmater des souffrances non prises en compte, elle est souvent un appel adressé aux adultes. L’enfermement de la prison ne peut qu’étouffer cet appel et il pousse les jeunes à prendre des risques extrêmes pour que leurs demandes soient entendues. Si l’amélioration des conditions de détention est une absolue nécessité, elle ne peut en aucun cas masquer la question essentielle du recours à l’incarcération des mineurs.
Rouge
* Paru dans Rouge n° 2270, 16/10/2008.