Le PCF et l’Europe : un recul saisissant
Le PCF vient d’adopter une résolution fixant sa position pour les élections européennes de 2009.
Le contenu envisagé pour sa campagne apparaît comme fortement en recul par rapport aux positions communes rendues publiques en juin dernier par le « Collectif pour une autre Europe », qui réunit Alterekolo, ATTAC, CGT-Finances, Confédération paysanne, Coordination des collectifs unitaires, Fondation Copernic, Forces Militantes, FSU, La Gauche Cactus, LCR, les Alternatifs, Les Marches européennes contre le chômage, MARS-Gauche Républicaine, Mémoire des luttes, MRAP, PCOF, Pour la République Sociale, Réseau féministe « Ruptures », UFAL, Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT, Union syndicale Solidaires (que le PC n’avait pas contresignées, préférant à l’époque signer un communiqué commun sur la présidence européenne avec le PS et les Radicaux de gauche), mais aussi par rapport à ses propres positions passées. A part le titre qui fait référence à la crise du capitalisme, le terme lui-même n’apparaît plus ensuite, et aucune des orientations proposées n’est à proprement parler anticapitaliste. Mais même si l’on s’en tient aux positions antilibérales traditionnelles, le recul est saisissant.
Certes la déclaration fait référence aux combats de 2005 contre le TCE et à ses axes principaux, mais ceux-ci ne sont plus repris pour la campagne future. Ainsi rien n’est dit sur le traité de Lisbonne. Alors que la question posée par le respect démocratique du « non » irlandais est toujours pendante, pas un mot dans le texte du PCF (pour le Collectif au contraire, « les irlandais se sont prononcés, il faut les entendre : le traité de Lisbonne est caduc »). D’ailleurs on n’y parle plus que « de dégager quelques axes structurants, rompant avec les dispositions des traités », et non plus de dénonciation d’un quelconque de ceux-ci, même donc le tout dernier, qui n’est, comme on le sait, que la reprise du TCE. Plus révélateur encore, l’indépendance de la BCE n’est plus exigée (Le Collectif affirmait « Son indépendance, comme celle de la Banque de France et des banques centrales nationales, sera remise en cause »). Le « nouveau modèle social » envisagé s’en tient à des déclarations très générales, d’où sont absents par exemple la revendication d’un SMIC dans tous les pays européens (pour le Collectif, « existence d’un salaire minimum dans tous les États membres. »), comme aussi de toute modification institutionnelle d’ampleur (à part une timide « revalorisation des parlements nationaux et du Parlement européen par rapport à la Commission » ; on est loin de la Constituante).
Le reste est à l’avenant. On s’en tient à demander une « réponse à la crise écologique », sans aucune précision supplémentaire. Il est vrai pour le coup que la sortie du nucléaire n’a jamais fait partie du bagage du PCF. On évoque « les droits des migrants » sans en citer un seul (ni le droit de circulation et d’installation, ni même le droit de vote, alors que le Collectif affirmait à « l’Europe forteresse, nous opposons une Europe ouverte, garantissant la libre circulation des personnes »). On demande « la démilitarisation des relations internationales », mais plus la sortie de l’OTAN (pour le Collectif il faut sortir de « la tutelle de l’OTAN »), ni même le retrait de toutes les troupes européennes en Irak ou en Afghanistan.
Sur le plan des rapports entre partis, rien n’est dit au plan français comme européen sur les partis de la Social-Démocratie. On appelle à « disputer aux dirigeants en place les choix stratégiques », mais le mot de « social-libéralisme » est absent. Le fait de ne parler de la France qu’à travers la critique de Sarkozy permet de laisser de côté les alliances nationales (année impaire sans le PS aux européennes ; année paire avec lui aux régionales). D’ailleurs tout le contenu avancé est parfaitement compatible avec les quelques mouvements à gauche que pourrait faire le PS, crise capitaliste oblige.
Enfin le PCF lance un appel à constituer sur ces bases, extrêmement timorées donc, un rassemblement présenté comme ouvert, y compris sur ses têtes de listes. Sauf qu’il se réserve les deux (sur 5) où il dispose d’élus sortants, et qui sont bien entendu les plus favorables sur le plan électoral. Et qu’il place ce combat sous l’égide du Parti de la Gauche européenne, qui n’a guère fait preuve jusque là d’un radicalisme patent.
Or la crise capitaliste exige à l’évidence des positions autrement plus claires et déterminées. Il faut un plan d’urgence pour l’Europe, sur la base duquel nous sommes évidemment ouverts à toutes les discussions envisageant des possibilités de constituer des listes communes aux élections européennes, en France, et nous proposerons à toutes les forces anticapitalistes, en Europe, une discussion qui étudie la possibilité d’une apparition commune lors de ces élections.
Léonce Aguirre, Ingrid Hayes, Alain Krivine, Roseline Vachetta
Résolution du Conseil National du PCF pour les élections européennes
Le PCF et les élections européennes dans le contexte de la crise historique du capitalisme
La crise financière et systémique qui déferle sur l’économie mondiale place toutes les forces de gauche européennes face à un défi : celui de se hisser à la hauteur des enjeux de l’heure, en produisant les idées et en rassemblant les forces à même de disputer aux dirigeants en place les choix stratégiques à faire pour s’attaquer aux racines du mal et changer radicalement de cap.
L’expérience -jamais encore vécue dans cette mesure par les générations actuelles- des développements récents de cette crise conforte ce que nous avons appelé la « crise de légitimité » du modèle de société actuellement mis en œuvre dans l’Union européenne. Les élections européennes de 2009 se dérouleront dans « un contexte sans précédent ».
Cette situation valide en tous points l’ambition que nous avons pour cette échéance électorale : celle de faire en sorte qu’une part significative de cette vague de contestation s’exprime à cette occasion par un vote pour des candidates et des candidats porteurs d’un réel projet de transformations profondes, de refondation, de la construction européenne, et non se perdre dans l’un des multiples exutoires qui lui seront vraisemblablement proposés.
Cet objectif est réaliste : trois ans et demi après le vote de rejet du projet de traité constitutionnel, le sentiment de révolte contre l’« économie de marché ouverte où la concurrence est libre » et la Banque centrale européenne n’a fait que s’exacerber, et la volonté de voir émerger un autre type d’« Europe » que s’affirmer. Cette volonté de changement se nourrit, jour après jour, des puissantes luttes sociales qui se multiplient dans notre pays ; des salariés de l’automobile aux enseignants, des agents et usagers de la Poste à ceux des hôpitaux. Luttes nationales et actions pour changer l’Europe sont, de nos jours, indissociables. Elles peuvent, aujourd’hui s’ouvrir un nouvel espace. Mais pour autant, rien n’est acquis ! Les opérations politico-médiatiques qui s’annoncent, tout comme la perversité du mode de scrutin, ne joueront évidemment pas en faveur de la campagne citoyenne, large et sérieuse qu’appelle l’ambition que nous nourrissons de faire de ce scrutin un moment majeur du combat pour changer l’Europe. De plus, l’activisme de Nicolas Sarkozy pour sauver le système lui permet d’entretenir, pendant un temps, l’image mystificatrice de quasi-opposant à l’ordre libéral, au moment même où il l’applique en France avec une brutalité inouïe ! Dans ces conditions, beaucoup va, en fait, dépendre de la stratégie que nous saurons mettre au service de notre ambition politique. Elle doit répondre en particulier à trois exigences : promouvoir des idées réellement transformatrices ; réaliser autour d’elles le rassemblement le plus large possible ; donner à la campagne une forte dimension européenne.
Les idées. À partir de tous les apports dont nous bénéficions, il s’agit de dégager quelques axes structurants, rompant avec les dispositions des traités que nous avons combattues en 2005, et dont l’expérience vient de confirmer la portée désastreuse : interdiction de toute entrave à la libre circulation des capitaux ; « concurrence libre et non faussée » ; libéralisation des services publics ; pacte de stabilité rationnant les dépenses publiques et sociales ; statut, missions et politique monétaire de la Banque centrale européenne au service de la domination des marchés financiers... Ces axes doivent, plus généralement dessiner les contours d’une vision alternative de la construction européenne et comporter des éléments précis, cohérents, opérationnels qui rendent cette vision pleinement crédible. Une vision dans laquelle le plus grand nombre soit en mesure de se reconnaître, car on ne peut envisager de changer l’Europe dans l’indifférence, voire l’hostilité d’une majorité de citoyennes et de citoyens.
C’est naturellement le cas de l’exigence d’un nouveau modèle social européen, fondé notamment sur la sécurisation de l’emploi, la formation et la qualification, de bons salaires ainsi qu’une protection sociale de haut niveau et des services publics modernes. C’est le cas - aujourd’hui vraisemblablement plus que jamais - de la mobilisation de toutes les institutions et de tous les instruments pertinents - BCE et Banque européenne d’investissement grâce à un système de « crédit sélectif » ; pôles publics financiers ; taxe sur les mouvements de capitaux ; fonds structurels... - pour réorienter l’argent vers l’emploi et la production de richesses utiles à la société, avec des critères d’efficacité économique et sociale opposés à la rentabilité.
La même ambition doit s’appliquer à la réponse aux défis écologiques ; à la promotion d’une vraie dynamique démocratique - revalorisation des parlements nationaux et du Parlement européen par rapport à la Commission ; démocratie participative, droits des salariés et des citoyens ; droit à l’égalité effective des genres ; droits des migrants… - ainsi qu’au rôle de l’Union européenne sur la scène internationale. Sa raison d’être, aujourd’hui, est de rompre avec les logiques du FMI, de la Banque mondiale et de l’OMC. Elle est d’agir pour un nouvel ordre économique et financier, y compris une authentique monnaie commune mondiale au service du développement. Elle est, dans le même temps, de s’engager en faveur d’un monde de paix, et notamment de la démilitarisation des relations internationales, du bannissement des rapports de domination, et de la construction d’un réseau de coopérations internationales le plus large possible pour en finir avec les inégalités criantes de développement et conjurer les menaces qui pèsent sur l’avenir de la planète.
Des formes de consultation et de co-élaboration publiques de ces grands axes, en prise avec les luttes sociales, avec celles et ceux qui s’inscrivent dans ces objectifs, permettraient d’assurer leur meilleure adéquation aux attentes.
Le rassemblement. Prenant toute la mesure de la gravité des conséquences de cette crise systémique pour notre peuple comme pour l’ensemble des peuples si des transformations profondes ne commencent pas, d’urgence, à être entreprises, le Parti communiste français prend l’initiative de lancer un appel aux forces politiques et sociales, aux femmes et aux hommes représentatifs des courants politiques progressistes, comme du mouvement syndical, social et associatif, dans toute leur diversité, qui partagent de tels objectifs et se reconnaissent dans cette démarche. Il s’adressera dans la plus grande transparence aux interlocuteurs concernés : travaillons ensemble à favoriser auprès de nos concitoyennes et de nos concitoyens l’expression des convergences les plus larges autour de ces exigences de changements ! Travaillons ensemble à créer la dynamique politique de gauche qu’appelle aujourd’hui la situation faite à notre peuple et aux peuples en général ! Ces convergences devraient se refléter tant dans des propositions communes audacieuses, dans des initiatives publiques, que dans la composition des listes - jusque et y compris dans le choix des têtes de listes. Il s’agit de créer les conditions de l’élection du maximum de député-e-s en faveur d’une réorientation profonde de la construction européenne, avec, parmi eux, des députés communistes, notamment dans les deux circonscriptions où le PCF a un élu sortant. La campagne électorale doit surmonter le risque d’atomisation suscité par le mode de scrutin, en se déroulant dans les faits, non circonscription par circonscription, mais, tous candidats et candidates réunis, à l’échelle du pays tout entier.
La dimension européenne de la campagne. L’acquis substantiel que représente le tissu de relations nouées au sein du Parti de la Gauche européenne, du groupe de la « Gauche unitaire européenne - Gauche verte nordique » du Parlement européen, et plus généralement, avec nombre de militants, d’élus, de personnalités des autres pays européens, doit être valorisé durant cette période sous toutes les formes possibles. Cette innovation donnera à la campagne un surcroît de crédibilité et de souffle. Elle contribuera à illustrer ce que nous entendons par ce « Front progressiste européen » que nous voulons contribuer à constituer. Un front au demeurant ouvert au dialogue et à la coopération avec les progressistes d’autres régions du globe, qui agissent d’ores et déjà avec nous pour améliorer le destin commun de nos peuples et travailler à changer le monde.
Au total, une campagne de cette nature constituera un événement de grande portée politique. A ces conditions, les élections européennes de 2009 peuvent, dans le contexte présent, représenter l’occasion de changer la donne en France et en Europe, et par là même dans les relations internationales. C’est dans cet esprit que le PCF s’engage dans la préparation de cette importante échéance.
3 novembre 2008