La compagne d’Olivier Besancenot, mais aussi la mère de sa compagne, ont fait l’objet d’investigations dans l’affaire de l’espionnage du porte-parole de la LCR. C’est l’un des éléments surprenants que révèlent les procès-verbaux des auditions des protagonistes, interpellés en octobre, remis en liberté sous contrôle judiciaire après avoir été mis en examen, et que Le Monde a pu consulter. « Le 3 octobre 2007, recherche sur Stéphanie C. et Chantal C. effectuée par madame Sandra A. » au commissariat de Mantes-la-Jolie, relèvent ainsi les policiers de la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), chargés de l’enquête.
De nombreux intermédiaires, souvent d’anciens policiers, ont participé, de près ou de loin, à « l’enquête » menée sur le porte-parole de la LCR et sa famille par le détective privé Gérard Dussaucy, lui-même ex-fonctionnaire de police. « Il apparaît que la plupart des personnes mises en cause (...) se connaissent et se rencontrent à la faveur de leur appartenance commune à une association dénommée Perspective 21 », note la BRDP. Il s’agit d’une association d’anciens officiers de police à la retraite à but convivial et d’entraide (Le Monde du 29 octobre) [1].
M. Dussaucy, qui en a été le vice-président, entendu pour la quatrième fois lors de sa garde à vue le 15 octobre, indique avoir pris contact avec Antoine Di Zazzo, patron de Taser France désigné comme le commanditaire, sur les conseils d’« une de (ses) relations, Claude B. », agent de recherche privé et responsable sécurité d’un grand groupe spécialisé dans l’environnement. Il « m’a demandé si j’étais intéressé pour travailler avec Taser. Je me suis dit que c’était une grande entreprise et j’ai donc accepté », déclare M. Dussaucy aux enquêteurs. Il ajoute : « J’ai senti qu’il y avait moyen de faire pas mal d’argent sur ce contrat car Antoine Di Zazzo était vraiment remonté contre Besancenot. » De fait, le distributeur français exclusif des pistolets Taser voulait poursuivre M. Besancenot en justice pour « diffamation ». M. Dussaucy affirme avoir été mandaté par son client pour obtenir l’adresse de l’ex-candidat LCR à la présidentielle, la marque de son véhicule et mener des investigations fiscales sur lui et sa compagne. « J’ai commencé des investigations qui sont montées en puissance sur la demande du client (...) », souligne-t-il.
Lors de ses auditions, M. Di Zazzo nie farouchement. « Je n’ai jamais demandé à Dussaucy des recherches bancaires sur le couple, avance-t-il. C’était M. Besancenot que nous citions au tribunal et non pas madame C. » Il prétend : « Nous étions loin d’imaginer qu’il userait de moyens illégaux pour obtenir des informations (...). Nous avons rompu toutes relations sans s’acquitter d’un quelconque paiement qu’il n’a d’ailleurs jamais osé réclamer. » Les versements effectués par sa société au cabinet du détective concernaient, selon lui, une mission sur sa propre sécurité, et sur la sécurité informatique. Ce que M. Dussaucy confirme, allant jusqu’à qualifier son client de « parano ».
Au fil des procès-verbaux, des incohérences apparaissent. Le dossier Besancenot trouvé par la police dans les locaux de Taser France, « 4 feuillets dactylographiés estampillés »confidentiel« datés du 8 novembre 2007 » et « découverts dans un amoncellement de papiers sans réel intérêt », n’est pas tout à fait le même que celui saisi au cabinet Dussaucy qui comporte plus de pages et dix photos. Le détective indique d’ailleurs avoir remis à son client une version « expurgée ». Les dates soulèvent aussi des interrogations. La police note ainsi une « recherche complète » sur M. Besancenot et sa compagne par un policier de Bordeaux entre le 27 décembre 2007 et le 22 février 2008. Christian B., ancien policier, aujourd’hui cadre du Crédit lyonnais, indique avoir été sollicité par son ami M. Dussaucy pour des renseignements « sur le train de vie » de la compagne de M. Besancenot, « entre le 19 et le 29 novembre 2007 ». Soit après la date de remise du rapport. Contacté, M. Dussaucy n’a pas souhaité répondre à nos questions.