En juin 2007, en France, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) a lancé un appel à la constitution d’un Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Un an plus tard, un millier de délégués se sont retrouvés à Paris pour donner une dimension nationale à un processus initié d’en bas. Début novembre 2008, des représentants d’environ 400 comités locaux se sont réunis à nouveau pour discuter de trois documents : références programmatiques, orientation politique, statuts et fonctionnement du NPA. Il semble que quelque 10.000 militant(e)s sont actuellement engagés dans le processus – soit trois fois plus que le nombre total de membres de la LCR –, méfions-nous cependant de l’attrait des chiffres ronds. Les personnes qui manifestent leur intérêt pour le NPA sont sans aucun doute très nombreuses, mais il est trop tôt pour savoir combien d’entre elles s’y investiront durablement et combien de comités fonctionneront assez bien pour les accueillir. Il est par ailleurs probable que de nouvelles vagues d’adhésion se produiront après la fondation du nouveau parti.
L’impact politique du NPA est fort important. Dans une série d’endroits, ce parti en constitution est très actif et commence déjà à remplacer de facto la LCR. Le 6 novembre 2008, il a tenu son premier meeting public à Paris avec plus de 2.000 participants. Le 15 novembre ils étaient 1.500 à Montpellier, dans le sud de la France. Ce sont des chiffres de participation importants, parfois plus encore que durant la campagne présidentielle de la LCR en 2007. Bien entendu, certaines régions n’avancent pas du même pas et le développement est parfois plus lent.
Le processus décidé est celui d’une dissolution politique de la LCR le 29 janvier et d’un congrès de fondation du NPA du 30 janvier au 1er février 2009.
Tout se passe pour l’heure bien. La rapidité avec laquelle la marche vers le NPA va de l’avant est frappante. Il répond de tout évidence à une attente politique. Ce n’est pas la première fois que cette attente, ce besoin de « neuf », sont perceptible mais, ces dix dernières années en France, toutes les précédentes tentatives de construire un parti anticapitaliste, qualitativement plus large que la LCR, ont échouée. Pour surmonter ces échecs, la Ligue a décidé de tenter une nouvelle voie – si nouvelle qu’elle n’avait jamais envisagé auparavant.
Qu’y a-t-il donc de nouveau dans le processus en cours de constitution du NPA ?
Après que tous les autres scénarios aient échoué…
La LCR a joué un rôle clef dans le lancement du NPA. Il peut donc être utile de revenir sur la façon dont cette organisation avait, dans le passé, envisagé la formation d’un parti révolutionnaire socialement enraciné dans de larges secteurs de la société. Je parle ici du point de vue de ma génération en voie d’étiolement (ladite génération de Mai 68). Elle n’est déjà plus « aux commandes » dans la LCR ou le NPA mais son héritage historique doit être pris en compte, notamment pour analyser ce qu’il y a aujourd’hui de « neuf » dans le processus en cours.
Je vais donc commencer par présenter – mais de façon brève, simplifiée et schématique, – comment nous avons envisagé les choses auparavant.
Dans les années 1960, ma génération a créé de nouvelles organisations dynamiques et radicales – mais en France elles étaient petites : commençant généralement à quelques centaines, elles ont atteint au maximum les 5 à 10.000 membres avant de décliner (voire de se dissoudre). A la fin des années 60 et au début des années 70, nous pensions ne pas avoir de choix : des confrontations de classes décisives devant avoir lieu prochainement, il nous fallait construire le nouveau parti révolutionnaire rapidement, à chaud, dans la crise, grâce à un militantisme intense. Au milieu des années 70, nous avons dû admettre que les rythmes de l’Histoire seraient beaucoup plus lents que nous ne l’avions cru. Il nous fallait donc repenser la construction du parti révolutionnaire à implantation de masse dans le long terme (une révolution mentale pour notre génération).
La LCR n’a jamais cru que sa seule croissance suffirait à donner naissance à un parti révolutionnaire largement implanté dans la société. Il serait le produit d’un processus beaucoup plus large de « recomposition », de nouvel agencement des forces, dans la gauche et le mouvement ouvrier – auquel ils nous faudrait activement participer. Nous avons envisagé trois scénarios « types » :
1. La radicalisation d’un « pan entier » des partis ouvriers de masse existants (le PS et le PC). On peut probablement dire que ce schéma a pris forme en Italie avec la création du Parti de la Refondation communiste, en réaction au glissement à droite du PCI qui prend la place d’une social-démocratie peu consistante. Mais cela n’a pas été le cas en France. La principale scission du PS (autour de Jean-Pierre Chevènement) est devenue « nationaliste de gauche » ; elle a décliné au point de perde toute substance. La crise prolongée que traverse le PCF n’a jamais permis l’émergence de quoi que ce soit de comparable avec ce qui s’est passé en Italie.
La « vieille gauche » en France s’est révélée incapable de se revivifier, même en partie. Le tout récent départ de Jean-Luc Mélenchon du Parti socialiste ne fait que le confirmer. Nous envisagions la formation d’un nouveau parti ouvrier de masse, évoluant radicalement à gauche. Mélenchon quitte le PS, avec moins de membres que n’en a la LCR, sur un programme de « gauche républicaine ». Il fonde le « Parti de gauche » qui d’emblée postule à participer à un gouvernement… une ambition qui pour l’heure est inconcevable sans alliance avec le PS.
2. La fondation d’un nouveau parti radical de la classe ouvrière par le mouvement syndical, avec la participation des organisations révolutionnaires existantes. C’est le « schéma brésilien » – la création du Parti des travailleurs, le PT – ou, plus récemment, le processus sud-coréen : la centrale syndicale KCTU a contribué de façon décisive à la naissance du Parti démocratique du Travail (Democratic Labor Party, DLP) [1]. Dans ces deux cas, l’initiative politique a été prise par un mouvement syndical « jeune », qui s’était réorganisé après une dure période de dictature militaire. En France, les principales confédérations (CGT, CFDT, FO) n’ont pas fait preuve d’un tel dynamisme.
Arrêtons-nous un instant sur ces deux premiers scénarios. Ils étaient « ambitieux » et impliquaient d’amples ruptures qualitatives au sein du mouvement ouvrier dont la petite extrême gauche ne pouvait être (seule) le moteur. Ce n’étaient pas des hypothèses farfelues dans la mesure où elles ont pris forme dans certains pays. Ce qu’est devenu le PT (un parti social-libéral) ne doit pas faire oublier ce qu’il fut (un grand parti de lutte des classes) et l’événement majeur qu’a représenté sa création en 1980. De même, la faillite de Refondation dans le gouvernement Prodi ne doit pas faire oublier qu’il a en son temps effectivement permis une vaste « recomposition » de la gauche italienne avec la participation de l’extrême gauche. Mais de tels exemples sont très rares : ils représentent l’exception et non pas la règle. [2]
3. Troisième scénario : deux ou trois organisations politiques significatives (tout étant relatif) de la gauche radicale appellent ensemble à la construction d’un nouveau parti. C’est notamment arrivé au Portugal (Bloc de gauche) et au Danemark (Alliance rouge et verte). C’était le plus simple et le plus crédible des trois scénarios, étant beaucoup plus modeste que les deux précédents. Pourtant, en France, il n’a quand même pas pu voir le jour, alors que qu’un espace politique existe depuis assez longtemps comme l’a montré le score d’Arlette Laguillier (5%) de Lutte ouvrière à la présidentielle de 1995 et l’extraordinaire score cumulé (10%) d’Arlette Laguillier et d’Olivier Besancenot à celle de 2002.
Une première raison explique l’impasse française en ce domaine : la LCR est la seule organisation d’extrême gauche directement issue de la radicalisation des années 1960-1970 qui souhaitait sa mise en œuvre. Les deux autres organisations « survivantes » de cette période (Lutte ouvrière –LO– et le courant lambertiste) ne sont tout simplement pas intéressées par une telle perspective. [3]
Une importante et nouvelle ouverture politique a néanmoins eu lieu en France après la victoire, en 2005, du « non » au référendum sur le projet – néolibéral, antidémocratique et militariste – de Constitution européenne (un événement !). Une forte aspiration à l’unité politique s’est alors manifestée au sein de la « gauche de la gauche » – mais cette unité n’a pu se réaliser malgré deux années de négociations intensives impliquant des comités locaux et un éventail d’organisations allant du PCF à la LCR.
L’avortement du processus unitaire qui suivit la victoire du « non » a provoqué beaucoup d’amertume et de dures polémiques entre les composantes impliquées dans ces longues négociations, pour savoir qui porte la responsabilité de leur échec. Mais aujourd’hui, plutôt que de rechercher les coupables, il est préférable de réfléchir sur ce qui peut expliquer que les trois scénarios évoqués ici ont toujours échoué en France, malgré des décennies de tentatives successives. De façon à nouveau très schématique, je voudrais souligner les facteurs suivants :
Le « vieux » mouvement ouvrier politique et syndical n’a plus le potentiel de redonner une nouvelle jeunesse à la gauche radicale. Du côté des partis, les racines sociales du PS ont changé et son orientation « sociale libérale » exprime la profondeur de son intégration à la société bourgeoise. Quant au PCF, il n’a jamais véritablement affronté son passé stalinien et, de plus, se retrouve aujourd’hui électoralement et institutionnellement otage du PS : il est depuis des années en crise – mais malheureusement, il s’agit d’une crise « sans dynamisme ». Du côté des syndicats, les trois principales confédérations (CGT, CFDT, FO) sont trop bureaucratisées.
Ceci ne veut pas dire que des individus et des équipes militantes qui appartiennent au « vieux » mouvement ouvrier ne vont pas rejoindre le NPA ou un autre parti radical – en fait, un grand nombre le font ou le feront ! Mais cela veut dire que, contrairement à ce que nous espérions dans les années 1970-1980, cela ne sera pas suffisant pour « recomposer » (« restructurer ») le mouvement ouvrier traditionnel. Il va falloir le « reconstruire » d’une façon beaucoup plus profonde – ce qui est quelque chose de fort complexe !
Un « nouveau » mouvement syndical et social est apparu ces quinze ou vingt dernières années avec la naissance des SUD et de Solidaires, de la FSU, des associations de chômeurs et de « sans », de diverses composantes de l’altermondialisme. Il porte, à des degrés variables, un potentiel radical beaucoup plus prometteur. Aujourd’hui, de nombreux militants de ces mouvements affichent de la sympathie pour le projet du NPA, voire s’y engagent. En 2005-2007, un certain nombre de dirigeants syndicaux ou associatifs s’étaient impliqués dans le processus unitaire de la « gauche de la gauche » (en général, plutôt en opposition à la LCR). Cela manifestait une volonté positive de combler le fossé entre l’évolution notable du mouvement social et l’immobilisme du panorama politique français. L’enlisement puis l’échec des négociations a porté un coup d’arrêt à cet investissement.
Plus profondément, les rapports entre mouvements sociaux et partis politiques restent difficiles en France. La question de l’indépendance des syndicats et autres organisations de masse est une question particulièrement « sensible » – et ce pour quelques mauvaises raisons (« l’illusion mouvementiste »), mais surtout pour de bonnes : les expériences passées d’instrumentalisation et de manipulation.
Pour surmonter cette impasse, pour qu’une dynamique réciproque plus effective puisse exister à l’avenir, il revient notamment aux partis radicaux comme le NPA de montrer en pratique –et de façon consistante– leur utilité et leur volonté de respecter l’indépendance et la démocratie propre des mouvements sociaux.
Il n’est pas facile de décrire ce qu’est en France la « gauche de la gauche » car peu de ses composantes sont politiquement clairement définies. Le PCF est de loin la plus grosse de ses composantes, mais il est en crise profonde. La LCR est de loin la plus importante des organisations de « l’extrême gauche » (révolutionnaire) investie dans les processus unitaires. Il y a aussi de petits groupes ou tendances, des réseaux militants informels, des équipes locales, des militants et « personnalités » individuels… Le tout constitue une « mouvance », un « milieu » plus large qu’une simple coalition de partis.
Pourquoi, en 2005-2006, la tentative de préparer des candidatures unitaires aux élections de 2007 a-t-elle échouée ? Pourquoi l’aspiration unitaire a-t-elle sombré dans la fragmentation ? Il y a beaucoup de raisons à cela. Mais il y a une question politique centrale que l’on doit garder à l’esprit pour comprendre ce qui s’est passé : les rapports avec le Parti socialiste, les alliances électorales et la participation gouvernementale.
La question des alliances avec le social-libéralisme ou le centre gauche est clé dans des pays où la participation gouvernementale a été ou sera une option concrète pour la « gauche de la gauche » : Brésil, Bengale occidental, Italie, Allemagne, Portugal, Pays-Bas… En France, le système électoral est très antidémocratique : pour avoir une chance d’être élu au Parlement, il faut le soutien du Parti socialiste – un soutien qui n’est pas accordé gratuitement. Affaibli, le Parti communiste a d’autant plus besoin de négocier un accord avec le PS pour sauver ses positions électorales. Ceux qui veulent en priorité s’allier avec le PCF doivent l’accepter. Ils s’inscrivent alors de fait dans une perspective de bloc électoral avec le PS, même s’ils rechignent parfois à l’avouer.
La LCR –ainsi que d’autres composantes de la « gauche de la gauche »– rejette cette perspective. Elle considère que dans les rapports de forces actuels, toute participation gouvernementale se solderait par une compromission radicale avec le social-libéralisme et la gestion de l’ordre capitaliste (voir le bilan désastreux de la participation de Refondation communiste au gouvernement Prodi en Italie). Pour la LCR, il faut opposer le front de résistance sociale le plus large, le plus unitaire, à la présidence Sarkozy. Mais sur le terrain politique, proprement « partidaire », il faut en priorité renforcer un pôle radical à même d’incarner une alternative de gauche tant au social-libéralisme qu’à la droite – ce qui implique une indépendance totale par rapport au PS.
La question des alliances électorales et du PS a donc constitué –et continue de constituer– une ligne de démarcation politique majeure.
Fin 2006, la LCR semblait très isolée dans la gauche de la gauche. Début 2007, pour l’élection présidentielle, Marie-George Buffet a représenté le PCF, Dominique Voynet les Verts, Olivier Besancenot la LCR et José Bové quelques autres composantes de la « gauche de la gauche ». La campagne de Besancenot a été politiquement très dynamique et il a emporté plus de 4% des voix. Il n’y avait aucun dynamisme comparable dans celle de Buffet qui a obtenu moins de 2% (un score historiquement bas pour le PCF !). L’échec de Voynet a été patent (1,5%) ainsi que celui de Bové qui, malgré sa notoriété, a fait à peine plus de 1%, se retrouvant dernier de la classe.
Après deux ans d’intenses débats d’orientation, l’élection présidentielle a représenté un test politique grandeur nature pour la « gauche de la gauche ». Elle a donné de nouvelles responsabilités à la LCR. [4]
Les nouvelles responsabilités de la LCR
Grâce au succès de son orientation politique et de sa campagne électorale, la LCR est devenue le point de mire de la « gauche de la gauche ». La question était donc : que faire de ce succès ? La Ligue avait pour responsabilité de prendre rapidement une initiative pour que la dynamique amorcée ne soit pas perdue, comme ce fut le cas dans le passé.
A la mi-2007, malgré le test politique de la présidentielle, il était toujours impossible de se mettre d’accord avec d’autres organisations significatives pour lancer un nouveau parti anticapitaliste. Aucun appel « du haut vers le bas » n’étant possible, la LCR a décidé d’impulser un processus « de bas en haut ». Quiconque souhaitait participer à la création d’un tel parti a été invité à rejoindre un comité local pour le NPA. Le réseau des comités constituerait les fondations du nouveau parti.
Il est clair qu’il existe un espace ouvert à un parti radical qualitativement plus large que la LCR. C’est ce qu’illustre, pour une part, l’extraordinaire notoriété d’Olivier Besancenot. Olivier est un excellent candidat et porte-parole. Il ne s’agit pas tant d’un phénomène « médiatique » que politique. Etant un facteur qui reçoit sa paie comme tout le monde et entre en grève, il n’est pas perçu dans la population comme un politicien professionnel, mais comme un « co-travailleurs » (« un de nous »). Etant jeune, la jeunesse peut plus facilement entendre ce qu’il dit. Last but not least, il est politiquement très consistant : quand, à 27 ans, il a pour la première fois été candidat à une présidentielle (en 2002), il était déjà membre du bureau politique de la LCR. Lors d’un débat télévisé, le jeune facteur écrase généralement les politiciens professionnels et les membres du gouvernement qui lui sont opposés. Les gens adorent !
La direction de la LCR a été profondément renouvelée et c’est l’une des raisons, souvent ignorée, qui lui a permis de prendre l’initiative du NPA. Aujourd’hui, toutes les « figures historiques » de la Ligue se sont retirées du bureau politique (tout en restant actives). La direction nationale est pour l’essentiel composée de cadres dans la trentaine ou la quarantaine. Ce qui ne semble pas être le cas pour les autres organisations françaises. C’est une question très importante, vu le changement radical de génération qui s’est produit depuis les années 1990.
D’un côté, la LCR a su rajeunir ses membres et son réseau de cadres. De l’autre, elle reste une organisation marquée par ses origines : les années 60-70. Elle peut donc et elle doit tout à la fois impulser la création d’un nouveau parti, exprimant l’expérience politique de la génération militante actuelle.
Le NPA comme NOUVEAU parti
Pour la LCR, l’objectif n’est pas seulement de construire un parti plus grand, plus nombreux. Il s’agit aussi de créer une organisation effectivement nouvelle. Nous avons vécu un changement radical de période, avec la désintégration de l’URSS et la mondialisation capitaliste. Nous avons aussi connu un changement radical de génération : les militants d’aujourd’hui n’ont pas les mêmes références, la même expérience collective et le même arrière-plan historique que ceux de la génération de 68.
La combinaison de ces deux changements radicaux (de période et de génération) a des profondes conséquences quant à la façon dont la politique et le militantisme sont vécus.
Il est évidemment important de garder vivante l’expérience politique des décennies passées et les leçons du XXe siècle (impérialisme, stalinisme…). Comment construire alors un nouveau parti sans perdre notre passé ? En transmettant l’héritage de la LCR (dans toutes ses composantes) au NPA. En accueillant aussi le meilleur des autres traditions révolutionnaires et militantes du siècle écoulé : divers courants marxistes et libertaires, féministes et écosocialistes, altermondialistes, etc. En « offrant » les racines sociales et le réseau de cadres expérimentés déjà constitués, tout en aidant le NPA à élargir son implantation à des nouveaux territoires et secteurs pour qu’il soit à l’image de la société populaire entière ; en captant la radicalité des résistances ouvrières et multiformes à la mondialisation capitaliste, des révoltes dans les banlieues, du combat des immigrés, des luttes contre les discriminations… En laissant aussi ce nouveau parti parler le langage politique de la génération présente.
La volonté de construire avec d’autres un parti anticapitaliste plus large n’est pas nouvelle pour la LCR. Elle le souhaite depuis plusieurs décennies ! Ce qui est nouveau, c’est la décision d’impulser un processus « de bas en haut » et d’intégrer effectivement le changement de période et de génération à la conception du NPA (ce second point étant le plus important peut-être).
La LCR est malheureusement la seule « grande » (tout est relatif) composante de la « gauche de la gauche » en France engagée dans le processus du NPA. Les autres groupes impliqués sont beaucoup plus petits. Or, il faut éviter une situation où la Ligue resterait le « parti dans le parti » après la fondation du NPA. Pour éviter ce danger, des décisions draconiennes ont été prises. Les membres de la LCR sont généralement en minorité dans les comités de pilotage du NPA. Et la LCR devrait se dissoudre avant son congrès de fondation.
Le NPA doit devenir un creuset politique et sociale, donnant naissance à son identité propre. Il est pour l’heure généralement facile de se mettre politiquement d’accord. Une fois la question des rapports au PS réglée, il n’y a pas aujourd’hui de sujet qui fasse autant clivage que la « nature de l’URSS » dans les années 1970, pour prendre un exemple. Mais il y a moins de formation théorique que dans le passé et des questions stratégiques reçoivent peu de réponses concrètes (comment désarmer la bourgeoisie ?). Le NPA devra consolider ses fondements programmatiques de par sa propre expérience. Cela prendra du temps. Le chemin à venir reste largement inconnu.
La principale difficulté à laquelle se heurte le NPA aujourd’hui est… le choix de son nom ! Voilà qui n’a rien d’anecdotique. Dans les années 60-70, il y avait des mots qui incarnaient en quelque sorte un « bien politique commun » et dans lesquels toute la gauche de la gauche se reconnaissait : c’était en France l’adjectif « communiste », ou « socialiste » en Belgique. Il en allait de même pour « prolétariat » ou « ouvrier ». Rien de tel aujourd’hui. Tous les mots sont pollués. Aucune expérience collective n’a encore reconstitué des « identifiants » partagés par (presque) toutes et tous. C’est ce que reflète l’indécision sur le nom, plus encore que des clivages politiques définis.
La décision de dissoudre la LCR est évidemment risquée. Mais il serait encore plus risqué de ne pas prendre ce risque. Il faut saisir l’opportunité présente : il serait probablement très coûteux de la manquer ; et ce pour toute la « gauche de la gauche ». Le NPA ne doit pas être vu comme –et ne doit pas être– une « LCR élargie », mais un parti qualitativement nouveau.
Le processus est bien engagé. Des milliers de personnes qui n’ont jamais été membres d’un parti s’y impliquent, ainsi que de nombreux anciens membres du PCF et d’autres organisations politiques, des militants associatifs, des syndicalistes… Si le lancement du NPA fin janvier 2009 est un succès, des composantes politiques de la « gauche de la gauche » qui refusent actuellement de s’allier à la LCR changeront peut-être d’avis.
Mais il est préférable d’attendre début février 2009 et la fondation du NPA pour évaluer le chemin qui aura été parcouru – et celui qui restera à parcourir.