Olivier Besancenot dénonce un « acharnement judiciaire » contre Jean-Marc Rouillan
PRISON.« Tous les prétextes utilisés [pour réincarcérer le fondateur d’Action directe] relèvent de l’acharnement judiciaire », a affirmé le porte-parole de la LCR Olivier Besancenot, lors d’une manifestation ce jeudi devant le palais de justice de Paris. La cour d’appel examinait la requête de Jean-Marc Rouillan qui conteste la révocation de sa semi-liberté à la suite de ses propos à l’Express. Elle rendra sa décision le 4 décembre.
Le parquet général de Paris a requis la confirmation de la révocation de la mesure de semi-liberté.
La chambre de l’application des peines de la cour d’appel a mis son arrêt en délibéré au 4 décembre à l’issue d’une audience à huis clos.
Jean-Marc Rouillan « a droit à une réinsertion sociale et citoyenne, y compris d’avoir un engagement militant », avait estimé auparavant le porte-parole de la LCR, Olivier Besancenot.
Le cofondateur du groupe armé AD a intégré en juin un « comité » marseillais du futur Nouveau parti anticapitaliste (NPA) qui doit remplacer fin janvier la LCR.
« On a expliqué clairement qu’on condamnait la lutte armée, Rouillan lui-même a dit qu’une page était complètement tournée, mais qu’il ne souhaitait pas pour autant déchirer la page précédente », a poursuivi Olivier Besancenot.
Le président du Mrap, Mouloud Aounit, et Jean-Claude Amara, de Droits devant !, s’étaient aussi mêlés aux manifestants scandant « Liberté pour Jean-Marc Rouillan ».
Jean-Marc Rouillan, 56 ans, a été condamné deux fois à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité dans les assassinats du PDG de Renault, Georges Besse, en 1986, et de l’ingénieur général de l’armement, René Audran, en 1985.
Dans une interview à l’hebdomadaire l’Express le 2 octobre, il avait déclaré : « Il est évident que si je crachais sur tout ce qu’on avait fait, je pourrais m’exprimer. Mais par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique ».
Ces propos avaient entraîné la révocation de la semi-liberté dont il bénéficiait depuis décembre 2007. (AFP)
La suspension de la semi-liberté de Jean-Marc Rouillan en appel
JUSTICE. Qu’à cela ne tienne ! Jean-Marc Rouillan est retourné en prison aux Baumettes après déjà 20 ans de détention ? Son comité de soutien à Toulouse reprend donc ses rassemblements devant le palais de justice.
Ce comité demande à nouveau sa libération. Le régime de semi-liberté du co-fondateur d’Action Directe a en effet été suspendu le 2 octobre à la suite d’une interview parue le même jour dans l’Express. Et cet entretien a été jugé contraire à l’obligation de se taire sur les faits -l’assassinat du patron de Renault Georges Besse.
Le rassemblement de ce mercredi parce que demain jeudi 26 Novembre, la suspension de ce régime de semi-liberté devrait être examinée en appel. « Si cette suspension est confirmée, dit un des membres du comité, c’est le retour à la case prison pour au moins deux ans ».
11h30 devant le Palais de justice. Le collectif de soutien à Jean-Marc Rouillan a installé une table sur le trottoir. Présentant ses derniers ouvrages, écrits derrière les murs :
Un roman, “Le capital humain”, qui raconte le retour à l’usine d’un détenu condamné à une longue peine. Un essai, “De mémoire”, qui revient sur le parcours militant de l’auteur dans les années 70 à Toulouse.
Il y a aussi une pétition pour sa libération. Elle aurait déjà recueilli 2.000 signatures, selon ce comité.
Le 2 octobre dernier, Jean-Marc Rouillan a été « de nouveau placé à l’isolement, explique le même militant. Et son courrier, de nouveau bloqué ».
« En Allemagne, ils vont libérer Christian Klar, l’un des membres de la RAF, condamné pour l’exécution du patron des patrons allemands, Hanns Martin Schleyer. L’Allemagne est capable de tourner la page sur ses années de plombs. Pourquoi la France refuse-t-elle de faire de même avec les membres d’Action Directe », s’interroge Pierre.
« En interdisant à Jean-Marc Rouillan de s’exprimer sur les faits pour lesquels il a été condamné, on l’empêche de faire une éventuelle autocritique », répond Olivier, porte-parole du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) présent devant le palais de justice.
« Avant sa réincarcération, explique ce porte-parole, Jean-Marc Rouillan a émis le souhait d’adhérer au NPA. Il n’y a aucun problème là-dessus, pas d’ambiguïtés : il a purgé sa peine. Il est de nouveau un citoyen comme les autres. Le NPA ne partage pas les positions prises en son temps par Action Directe ». Il ajoute : « Pour que la peur change de camps aujourd’hui, il ne faut pas tuer les patrons. Il faut mobiliser les exploités ».
Gisèle, elle, compare la réincarcération de Rouillan à l’arrestation des ultragauchistes de Tarnac : « Dans les deux cas c’est une arrestation préventive injustifiée, dit-elle. Pour Jean-Marc, je relis son interview et je n’y trouve rien qui justifie la lutte armée. Les cinq de Tarnac sont présentés comme de dangereux terroristes sans la moindre preuve. Jusqu’ici, s’énerve la jeune femme, le seul qui agissait de la sorte, c’est Georges Bush ».
Pierre cite Vichynsky le procureur de Staline : « Donnez-moi un dossier et je vous fabriquerai un coupable ». « L’affaire Rouillan montre qu’il y a deux poids deux mesures en France, reprend-il. Les gens de l’OAS ont été amnistiés dix ans après les faits pour lesquels ils avaient été condamnés ».
Le comité de soutien reconnaît qu’il y a eu des victimes et dit respecter « la douleur des familles ». Mais la justice, jugent ses membres, doit permettre aussi de « tirer un trait sur le passé pour envisager l’avenir ».
Les demandes de semi-liberté de Régis Schleicher et Georges Cipriani, deux autres militants d’Action Directe, doivent en outre être examinées dans les prochaines semaines.
J-M.E
Peter Handke dénonce un « acte totalitaire » contre Jean-Marc Rouillan
PRISON. La cour d’appel de Paris doit examiner demain l’appel du fondateur du groupe armé Action Directe Jean-Marc Rouillan contre la révocation de son régime de semi-liberté, intervenue le 16 octobre après ses propos controversés tenus au magazine L’Express. Pour l’écrivain autrichien Peter Handke, cette révocation empêche un « bilan critique » dont « pas seulement la veuve de Georges Besse a besoin, mais aussi la France, et au-delà aussi des personnes (comme par exemple moi) qui trouvent urgent de savoir comment la violence arrive, comment elle essaie de se justifier et, finalement, comment elle est fructueusement critiquée par ceux qui l’ont commise ».
Voici le message de Peter Handke :
« … il est évident que si je crachais sur tout ce qu’on a fait, je pourrais m’exprimer. Mais par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique. »
En lisant, et en relisant ces phrases prononcées par Jann-Marc Rouillan pendant son entretien avec L’Express, je ne trouve pas du tout le sens que les magistrats leur ont donné, un sens qui a permis à la justice de révoquer la semi-liberté de Jann-Marc Rouillan.
Ce que je trouve, c’est exactement le contraire à un refus de se confronter aux faits du groupe « Action Directe ».
La révocation a comme résultat exactement ce que Rouillan a anticipé : elle « empêche » un « vrai bilan critique » dont pas seulement la veuve de Georges Besse a besoin, mais aussi la France, et au-delà aussi des personnes (comme par exemple moi) qui trouvent urgent de savoir comment la violence arrive, comment elle essaie de se justifier et, finalement, comment elle est fructueusement critiquée par ceux qui l’ont commise.
On ne peut pas provoquer ce bilan par un acte totalitaire comme cette révocation, en ajoutant une autre violence à la violence.
Peter Handke
Le 23 novembre 2008
Jean-Marc Rouillan : une juriste estime la sanction « disproportionnée »
PRISON. La cour d’appel de Paris examine aujourd’hui le recours du fondateur du groupe armé Action Directe contre la révocation de sa semi-liberté, décidée le 16 octobre en raison de son interview à L’Express du 1er octobre. Et on y évoquera l’analyse juridique d’une professeur de droit pénal à l’Université de Reims. Martine Herzog-Evans estime qu’il a violé son obligation de silence, mais juge la sanction « disproportionnée ».
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La juriste précise : « En le renvoyant en détention, l’on prend le risque de le voir conforté dans des idées qui, il le dit aussi, ne sont manifestement plus en phase avec la société actuelle, alors pourtant qu’il avait amorcé le pas de la contestation politique légale. Voilà qui n’est guère opportun. »
Rouillan n’avait pas le droit d’évoquer les crimes pour lesquels il a pris deux fois perpétuité. Les a-t-il évoqués, en se plaignant de ne pouvoir en parler ? Oui, pour la justice. Non, assure son avocat, Me Jean-Louis Chalanset : il a commenté l’interdiction, pas les faits.
La juriste, elle, le contredit : « La violation de l’obligation peut tenir uniquement dans l’évocation des faits dans le cadre d’une publication, peu important l’opinion émise. »
Cela dit, « les propos étaient peu directs » et surtout, on aurait dû lire la suite, où Rouillan indique, sur la lutte armée « nécessaire » : « On peut avoir un discours théorique sans faire de la propagande ou de l’appel au meurtre. »
Pour la juriste, cela marque « une nette évolution », malheureusement occultée dans l’emballement médiatique qui a suivi.
Surtout, Rouillan a rejoint le NPA d’Olivier Besancenot. « Un tel acte n’était-il pas, au contraire, la preuve de ce que l’intéressé avait choisi la voie de la contestation politique licite ? »
Et, note Martine Herzog-Evans, Rouillan « doit se réapproprier vingt ans d’histoire d’un pays, lui que la prison, comme tout détenu, a nécessairement figé intellectuellement à l’époque où il y avait été placé ».
Résultat : au lieu de lui appliquer une sanction plus mesurée, comme la suppression des permissions de week-ends, ou l’obligation de rentrer plus tôt en prison chaque soir, on le place « face à une détention perpétuelle, et cela est manifestement aberrant ».
Jean-Marc Rouillan, qui a reçu le soutien de Peter Handke (lire ici le message de l’écrivain autrichien), est actuellement détenu aux Baumettes à Marseille. Il travaillait comme éditeur aux éditions Agone le temps de sa semi-liberté. Un rassemblement de soutien est prévu aujourd’hui à 12h30 devant le palais de justice de Paris.
MICHEL HENRY
L’analyse de la juriste paraîtra dans la revue Actualité Juridique Pénal des éditions Dalloz, en décembre.
Parano et criminalisation
A propos des actes de dégradation contre le réseau SNCF, Olivier Besancenot a déclaré : « Nous voulons plus de trains, pas moins de trains. Les cheminots et les usagers ont déjà assez à faire avec les saboteurs venus de la direction de la SNCF, du gouvernement et de l’Union européenne, qui font reculer le service public ferroviaire. » Et de condamner d’éventuels « agissements isolés qui ne profitent ni aux usagers, ni aux cheminots en lutte ».
Alors qu’aucune preuve matérielle irréfutable de culpabilité des neufs inculpés n’a pu être fournie, la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, le procureur de Paris, Jean-Claude Marin, ou le juge d’instruction antiterroriste, Thierry Fragnoli, mènent une campagne délirante contre l’ultragauche, caractérisant ces actes de dégradation de « terrorisme », passibles dès lors de 20 ans de prison, et parlant « d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». De quoi justifier, a posteriori, les invraisemblables filatures dont les inculpés ont été l’objet depuis plusieurs mois et les méthodes employées pour les arrêter qui ont suscité la colère et l’indignation des habitants de Tarnac, petit village de Corrèze où ils vivaient.
À quoi il faut ajouter une volonté sournoise d’amalgamer ces actes de dégradation avec la lutte des cheminots contre la privatisation de leur entreprise, ou avec les antinucléaires qui tentent de bloquer les convois transportant des déchets radioactifs. Une fois encore, il est nécessaire de résister à la volonté du gouvernement de criminaliser le mouvement social et de restreindre les libertés démocratiques les plus élémentaires.
Rouge
* Paru dans Rouge n° 2275, 20/11/2008 (Au jour le jour).