Les turbulences mondiales sont en train de transformer le ralentissement cyclique de l’économie chinoise en un atterrissage brutal. La croissance économique en Chine est tombée en octobre au-dessous de 8 %. Ce freinage brutal fait suite à un ralentissement qui était sensible depuis le début de l’année, puisque le taux de croissance du produit intérieur brut est passé de 11,9 % au dernier trimestre 2007 à 10,4 % au deuxième trimestre 2008. Il montrait que l’économie avait atteint le point de retournement du cycle conjoncturel, après quatre années de croissance à deux chiffres, marquées par la création de surcapacités dans l’industrie et dans l’immobilier. Depuis fin 2007, le gouvernement menait d’ailleurs une politique monétaire restrictive, haussant les taux d’intérêt et plafonnant les prêts bancaires, afin de casser l’inflation et la spéculation.
Cette politique a fait sentir ses effets dans le secteur immobilier, qui a été le premier frappé par le retournement de tendance. Le volume des ventes a baissé à partir de janvier et l’investissement dans le bâtiment a reculé. Compte tenu du poids de ces secteurs (11 % du PIB), la contraction de leur activité a eu des effets en chaîne, réduisant la demande d’acier, de ciment, et provoquant des chutes de prix et l’accumulation de stocks dans ces secteurs en amont.
Par ailleurs, l’industrie manufacturière chinoise se trouve confrontée à des difficultés structurelles, car ses coûts salariaux augmentent. En outre, l’appréciation du renminbi (nom officiel de leur monnaie) - de 20 % entre juillet 2005 et juillet 2008 - a pesé sur la compétitivité des exportations dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme le textile. Pourtant, au cours des dix premiers mois de l’année, les exportations ont continué à croître à un rythme soutenu (+ 22 % en valeur, 13 % en volume), quoique moins rapide qu’en 2007.
La croissance des exportations vers l’Europe, l’envolée des exportations vers l’Afrique et l’Amérique latine ont compensé le ralentissement de celles destinées aux Etats-Unis. Mais le choc de la récession mondiale sur les exportations chinoises va faire pleinement sentir ses effets au cours des mois qui viennent. En laissant le yuan se déprécier de 1 % par rapport au dollar début décembre, les autorités ont indiqué leur intention de soutenir autant que possible le secteur exportateur, qui représente environ 30 % de la production industrielle et contribue à une fraction importante de l’investissement interne.
PRESSION SUR LES SALAIRES
Face à cette conjonction de facteurs internes et externes de ralentissement, les autorités mènent désormais une politique monétaire qui soutient la croissance par une baisse des taux d’intérêt, et elles ont annoncé un vigoureux plan de relance. Il prévoit des dépenses de 4 000 milliards de renminbis (425,6 milliards d’euros) en 2009-2010, soit 8 % du PIB. Le programme inclut le financement d’infrastructures dans les transports, l’agriculture et le logement, des dépenses sociales dans la santé et l’éducation, des allégements fiscaux et le soutien des prix agricoles.
Cependant, des doutes planent sur sa portée, car il amalgame des mesures nouvelles et des projets déjà programmés ; quant à son financement, le budget central doit en couvrir environ 30 %, mais la contribution des gouvernements locaux est des moins assurées.
Comme le ralentissement de l’économie tient principalement à celui de la demande interne et qu’en 2009 la chute de la demande extérieure va à son tour contribuer à la baisse de l’activité, les prévisions sur le rythme de croissance qu’atteindra l’économie chinoise en 2009 (7,5 % selon la Banque mondiale, au moins 8 % selon les autorités chinoises) dépendent largement de l’efficacité escomptée des mesures de relance.
Tout porte à croire que c’est plus l’investissement public que la consommation des ménages qui soutiendra la demande intérieure. Le pouvoir d’achat des ménages va en effet être affecté par les réductions de main-d’œuvre dans les industries exportatrices (qui déjà renvoient les travailleurs migrants dans leurs campagnes), et par la pression à la baisse sur les salaires, tout au moins hors du secteur public. Rééquilibrer l’économie en élargissant le marché intérieur au profit de la consommation des ménages reste un objectif, pour la prochaine décennie.