C’est avec un vote à l’unanimité que les travailleurs de Republic Windows & Doors à Chicago ont mis fin, le 10 décembre dans la soirée, à leur occupation. Bank of America (BoA) et d’autres organismes de crédit ont été d’accord de financer à hauteur de 2 millions de dollars des indemnités et des salaires ayant trait aux vacances, ainsi que les cotisations concernant l’assurance maladie.
Melvin Maclin, le vice-président de la section locale de United Electrical, Radio and Machine Workers of America (UE), a déclaré : « Je me sens très bien, je me sens reconnu comme être humain, tout le monde est si content. C’est important parce que cela démontre à tous les travailleurs que nous avons quelque chose à dire dans cette économie, parce que nous sommes la colonne vertébrale de ce pays. Ce ne sont pas les PDG. C’est le peuple travailleur. »
Montrant l’accord signé, Melvin Maclin affirme : « Cela montre que l’on peut se battre et que l’on doit se battre. »
Ce que les 250 travailleurs de l’entreprise Republic ont fait – une occupation d’entreprise qui est une forme d’action quasiment inconnue aux Etats-Unis depuis les années 1930 – est devenu un symbole national de la résistance ouvrière dans une économie marquée par la crise. Des centaines et des centaines de syndicalistes sont venus aux portes de l’entreprise pour exprimer leur solidarité, pour apporter de la nourriture et de l’argent.
Mais le soutien aux travailleurs de Republic a de loin dépassé les rangs du mouvement syndical. Alors que 700 milliards sont mis à disposition par le gouvernement pour sauver les banques, y compris BoA, il était incompréhensible et insupportable que cette dernière, qui a reçu 25 milliards de dollars, se refuse à avancer une somme pour assurer la paie de 60 jours que les travailleurs doivent recevoir lorsqu’une fabrique ferme sans un préavis de 2 mois. Le délai pour la fermeture de Republic a été de 3 jours. C’est dans ce contexte qu’une pression importante s’est exercée sur le Parti démocrate et le président élu Barack Obama, qui vient de Chicago.
Les enquêtes faites par le Chicago Tribune ont démontré que le principal propriétaire de l’entreprise Republic, Rich Gillman, cherchait à acheter une fabrique de fenêtres et de portes dans l’Iowa, une fabrique où le syndicat n’était pas présent. En outre, les journalistes ont pu prouver que BoA avait refusé à de nombreuses reprises d’accroître la ligne de crédit à Republic, malgré le fait que cette très grande banque ait reçu 25 milliards de dollars.
Lors d’une manifestation dans le quartier des banques de Chicago, le 10 décembre, le révérend Gregory Livingston déclarait : « Bank of America a reçu 25 milliards. Citibank a reçu 25 milliards. Combien ont reçu les travailleurs de Republic : 0 dollar. »
Ce qui était le plus significatif dans cette lutte n’était pas la colère contre les banques, mais le sentiment qu’un pouvoir des travailleurs pouvait s’exprimer. Et une alliance de fait s’est créée entre syndicalistes, représentants d’associations de quartier, groupes d’étudiants, militants socialistes, tous inspirés par l’action audacieuse des travailleurs de Republic.
Lors de la manifestation du 10 décembre dans le quartier des banques à Chicaco, le dirigeant de AFSAFSCME (syndicat représentant les employés de l’Etat, du comté et de la municipalité), Larry Spivack, résumait bien le climat. Désignant les banques, il lança la question : « Qui a créé toutes leurs richesses ? » D’une seule voix, la réponse fut : « Nous. » Puis il déclara : « Qui a le pouvoir ? » « Nous. » Larry Spivack continua : « Ceci est un début, au même titre que le combat qui commença à Haymarket en 1886 » [faisant référence aux travailleurs qui ont été tués lors du rassemblement sur Haymarket Square à Chicago le 4 mai 1886, une manifestation qui, à la fois, soutenait les travailleurs en grève des usines McCormick et revendiquait la journée de travail de 8 heures]. Spivack termina son discours avec le slogan : « Pouvoir aux travailleurs ».
La caractéristique majeure de la résistance et de la victoire des travailleurs de Republic doit être restituée dans le contexte de la crise sociale et économique qui frappe le capitalisme américain et international. Pour le seul mois de novembre 2008, 533’000 emplois ont été supprimés. Les travailleurs de Republic sont le symbole que l’unité, la combativité, la solidarité peuvent permettre de gagner ce qui apparaît, a priori, impossible. Et cela est important au moment où le mouvement ouvrier en a besoin.