La plateforme adoptée le 5 janvier par les huit organisations syndicales nationales (CFDT, CFTC, CGC, CGT, FO, FSU, Solidaires) peut ouvrir une nouvelle phase pour dynamiser la journée du 29 janvier. Il s’agit bien de pousser vers une vraie grève générale interprofessionnelle, ouvrant des suites pour que les exigences des populations se fassent enfin entendre face à la crise. Mais ce n’est pas gagné d’avance. Cela nécessite une appropriation collective, dépassant les formules très générales, en vue de préciser les revendications, dans les entreprises, les branches, les secteurs mobilisés, qui ne se contenteront pas du plus petit dénominateur commun. C’est donc le moment d’ouvrir la presse syndicale à des confrontations, de lancer des « espaces de débats » publics, comme le proposait Solidaires dès octobre 2008, de multiplier les intersyndicales sectorielles, de réunir des assemblées de salariés.
Il faut cependant remonter loin en arrière pour retrouver un texte syndical unitaire avec un minimum de contenu. La plateforme de janvier 2003, sur les seules retraites, était très en dessous des exigences minimales nécessaires pour garantir les droits (37,5 annuités et taux de remplacement à 75 % du salaire) ; elle a donc volé en éclats lorsque la confrontation sérieuse s’est aiguisée. On connaît la suite. Le même scénario peut se reproduire. L’ampleur et la violence de la crise économique, sociale, écologique, exigent un front de riposte solide sur le fond. La vie elle-même se chargera de mettre les points sur les « i », face à Sarkozy, au Medef. Un très mauvais test, sur l’authenticité du front syndical, serait la signature de la convention Unedic-Medef (voir ci-dessous).
Le document explique, à juste titre, que les entreprises « utilisent la crise pour opérer des restructurations, tout en maintenant la rémunération de leurs actionnaires », il dénonce le « versement des dividendes au détriment des salaires », il exige de « renoncer aux 30000 suppressions de postes » dans la fonction publique. Il veut « mettre un terme à la spéculation, aux paradis fiscaux ». Mais il reste flou sur le reste, autorisant des pratiques contradictoires dans les faits. Il ne chiffre rien sur les salaires, oppose la seule négociation aux licenciements brutaux, et se contente de conditionner les allégements de cotisations à des accords salariaux. La révision générale des politiques publiques (RGPP) est évoquée, mais pas dénoncée, alors qu’elle est une machine de guerre. Ce texte ressemble donc aux documents de la Confédération européenne des syndicats (CES) ou de la Confédération syndicale internationale (CSI).
Mais c’est aussi un texte, et une situation générale, ouverts à d’autres contenus, pour peu que le mouvement d’indignation (lycées, salariés contre les licenciements, autodéfense des services publics) trouve la voie de l’expression revendicative démocratique, de la construction unitaire et de l’auto-organisation.
Dominique Mezzi
CONVENTION UNEDIC : Signer serait une forfaiture
Un projet de convention Unedic a été mis au point le 23 décembre, dont le Medef est le seul à se réjouir. Qui va signer ?
« Les chômeurs paieront pour les chômeurs », titre Marianne (3 janvier), à propos du projet de convention Unedic auquel sont parvenus les syndicats et le patronat, le 23 décembre. Personne n’a l’air pressé de signer, même si la CFDT est tentée, mais ne « veut pas le faire seule » (selon François Chérèque).
Ce texte est une insulte aux chômeurs, actuels et à venir, au moment où la crise va déployer toute sa violence. Le chômage, selon les chiffres très incomplets de la catégorie 1, fait, en novembre, un bond encore jamais atteint, même pendant les années 1992-1993 : plus de 60 000 nouveaux inscrits. De plus, l’Insee prévoit que les plans de licenciements et de baisses d’activité détruiront plus de 214 000 emplois au premier semestre 2009. Le seul « progrès » de l’accord serait donc d’indemniser 100 000 chômeurs de plus (à peine plus que la hausse d’un seul mois !), selon les projections faites par l’Unedic elle-même, grâce au droit d’entrée dans le régime des chômeurs n’ayant cotisé que 4 mois, au lieu de 6 auparavant. La CFDT, qui copréside l’Unedic avec le Medef, prétend quant à elle atteindre 250 ou 300 000. Ainsi, alors que le régime d’assurance chômage indemnise moins d’un chômeur sur deux, « l’avancée » serait d’y inclure 100 000 à 300 000 personnes de plus ?
Mais il y a pire.Le surcoût de cette mesure serait financé par les chômeurs eux-mêmes. En effet, le nouveau régime prétend « simplifier » les filières d’indemnisation qui, depuis 1982, proportionnaient les droits aux durées de cotisation : 6, 12, 16 ou 27 mois au moins pour les plus de 50 ans. Ces filières complexes étaient une dégradation de la situation précédente, qui ne conditionnait pas les droits à la durée de cotisation. Le Medef, dans sa « mansuétude », crée une filière unique, démarrant au bout de 4 mois de cotisation, mais fonctionnant selon le principe : un jour cotisé = un jour indemnisé. Derrière cette belle équation, c’est en fait l’individualisation des droits selon les sommes cotisées qui est imposée. Avec, au passage, la réduction drastique des durées d’allocation pour les chômeurs inscrits dans les filières autorisant les durées les plus longues, soit 63 % des chômeurs (selon la CGT).
Pire encore, le Medef ne s’est plus arc-bouté sur une baisse immédiate des cotisations, car il a obtenu mieux : un mécanisme automatique de baisse des cotisations chaque fois que le régime solde un excédent de trésorerie, ce qui pourrait advenir dès 2009. Parce que les chômeurs n’ont pas reçu un centime de plus en allocations ! Ce système scelle en fait l’entrée dans un régime de séparation structurelle entre un mécanisme purement assurantiel, et une solidarité nationale autour du RSA pour les « inemployables ».
L’association Agir ensemble contre le chômage (AC !) lance donc aux syndicats un appel à ne pas signer ce projet. À quelques jours de la journée du 29 janvier, FO a raison de dire (Bulletin quotidien du 2 janvier) que ce serait « immoral ».
Dominique Mezzi
GRÈVE À PÔLE EMPLOI
Après la forte mobilisation des agents de l’Anpe (60 %), le 1er décembre, les salariés de Pôle emploi (fusion de l’ANPE et de l’Unedic) étaient en grève, le 5 janvier, à l’appel de la CGT, de FO, du SNU, de SUD, du Snap, pour le jour officiel de lancement du nouvel organisme.
25% des salariés ont cessé le travail et 150 unités ont fermé, chiffres honorables vu la période d’immédiat après-congés. Un cortège d’environ 300 grévistes a manifesté entre le siège de la direction et la place de la République, à Paris.
Au-delà des revendications concernant les conditions de travail et les salaires, la question récurrente est celle de la nécessaire unité entre salariés et chômeurs à mettre en œuvre face au gouvernement pour gagner. Les grévistes ont conscience du sale boulot qu’on veut leur faire faire et refusent de devenir des contrôleurs de chômeurs et des délateurs de chômeurs étrangers.
Un autre appel à la grève était discuté pour le 8 janvier, avec une inconnue sur le nombre d’organisations syndicales s’y impliquant (la CFDT, la CGC, l’Unsa et la CFTC ayant déjà signé en douce un accord au rabais).
Lucas Maldini