La crise du système capitaliste ne fait que s’accentuer. Désormais, aucun pays n’est épargné, des États-Unis à l’Inde ou même la Chine. En France, la récession s’accentue, les licenciements explosent, le chômage partiel se développe, les baisses de salaires se multiplient et le gouvernement continue, aux forceps, sa politique réactionnaire. En privatisant les derniers services publics, comme ceux de la santé ou de La Poste, en poursuivant les suppressions massives d’emplois dans la fonction publique, et en voulant toujours faire travailler plus pour gagner moins…
Dans ce contexte, pour prétendument sauver les emplois, le gouvernement continue à donner des millions d’euros aux banques et aux entreprises. Et pourtant, les 40 principales entreprises françaises cotées en Bourse s’apprêtent à annoncer 94 milliards d’euros de bénéfices pour l’année 2008 ! À peine moins qu’en 2007, mais beaucoup plus que toutes les années précédentes. Au total, en cinq ans, les bénéfices dépassent les 400 milliards d’euros ! Parmi ces 40 principales entreprises : les banques, à qui l’État garantit aujourd’hui, sous prétexte de crise, 360 milliards ; PSA ou Renault, qui vont toucher 40 milliards d’aides et qui licencient par milliers ; Arcelor Mittal, qui fait 10,5 milliards de profit (+ 40 % par rapport à 2007) et qui licencie 1 500 salariés ; Total, etc.
Les dividendes qu’ils vont distribuer à leurs actionnaires sont en telle augmentation que les patrons s’inquiètent de ce que les salariés se mettent à penser que, pendant qu’ils se serrent la ceinture, les aides de relance de l’État vont directement dans les poches des actionnaires. Le patronat et le gouvernement veulent faire supporter tous les frais de la crise à l’ensemble de la population et du monde du travail.
Les gouvernements de droite comme de gauche nous disaient, hier, que les bénéfices d’aujourd’hui créeraient les emplois de demain. Ils ont servi à la spéculation : 80 milliards des profits de 2006-2007 ont été distribués aux actionnaires, qui les ont placés dans la finance. On nous disait que, si on acceptait les licenciements, le blocage des salaires, la précarité, la dégradation des conditions de travail, la bonne santé des entreprises serait garantie. Cela a juste provoqué la crise financière, l’arrêt de l’activité économique, les licenciements massifs et les baisses de salaires.
Sarkozy a beau faire le fanfaron et dire que « quand il y a une grève, personne ne s’en aperçoit », Darcos a dû reculer devant la grève des lycéens et des enseignants. Lui-même s’énerve contre les cheminots victorieux de Saint-Lazare, qui défendent l’emploi et la sécurité des usagers. Pour faire taire la contestation sociale, le gouvernement choisit de la criminaliser. Le Droit au logement (DAL) a été condamné à 12 000 euros d’amende pour sa défense des sans-abri. Trois postiers, Yvon Mélo, Gaël Quirante et Olivier Besancenot, ont été convoqués au commissariat après une plainte d’un cadre de La Poste, à la suite de la mobilisation sociale. Partout où on se bat, il y a des mises à pied, des licenciements. Sarkozy multiplie les invectives et il s’efforce de resserrer autour de lui la télé, les juges et ses députés, qui viennent de refuser de voter le travail du dimanche, une autre promesse électorale. Le gouvernement veut faire des exemples, parce qu’il a peur de la jonction des multiples conflits traversant le pays.
Dans ce contexte, la journée de mobilisation et de grève nationale du 29 janvier, appelée par l’ensemble des organisations syndicales, doit servir à la convergence de toutes les résistances et des luttes qui existent dans le pays. Elle doit être la première étape de préparation d’une grève générale pour augmenter les salaires, interdire les licenciements et embaucher dans les services publics en prenant sur les profits. Il faut que cette journée soit un véritable succès, que nous soyons des millions en grève et dans la rue. Partout, dans toutes les entreprises et les secteurs d’activité du privé comme du public, il faut gagner la grève.
Certes, une seule journée d’action ne suffira pas à faire reculer le patronat et le gouvernement. Mais elle leur montrera que nous refusons de payer leur crise. Et que, demain, nous pouvons être encore plus nombreux. Cela montrera aussi aux dirigeants des grandes organisations syndicales qu’ils doivent préparer tous les salariés à la contre-offensive nécessaire sur une véritable plateforme revendicative.
Le 29 janvier doit être le premier acte d’une mobilisation destinée, à chaque étape, à entraîner dans la lutte de nombreux salariés, à redonner confiance à ceux qui ne croient plus à la capacité du monde du travail à faire bouger les choses. Ce n’est qu’en bloquant l’économie que nous nous ferons entendre. Dans les manifestations, doivent converger les salariés en grève, celles et ceux qui défendent l’école publique, les emplois, qui se battent pour le droit au logement ou les droits des sans-papiers, toutes celles et tous ceux qui ont à affronter la politique de Sarkozy.
Sandra Demarcq
* Paru dans Rouge n° 2283, 22/01/2009 (Premier plan).
29 JANVIER : Un point de bascule ?
Grâce à nos correspondants régionaux, nous faisons le point sur l’état de la préparation de la journée de grève du 29 janvier.
À quelques jours du 29 janvier, la question est dans toutes les têtes : une énième journée rituelle, comme on en a trop connu, ou le point de départ d’un « changement du rapport des forces », un « point de bascule », comme le dit Jean (SUD-Santé sociaux), mais à propos des mobilisations pour l’hôpital public et contre la loi Bachelot ?
À l’évidence, c’est plutôt dans cette perspective dynamique que se placent les équipes syndicales. Un coup d’œil sur les sites syndicaux montre qu’on a rarement vu une journée avec autant de relais unitaires, partant du confédéral, décliné ensuite dans les branches, les entreprises, etc. Par exemple, il y a un appel « banques », mais aussi un appel spécifique « à se mettre en grève » dans le groupe Caisse d’épargne (CFDT, CFTC, CGC, CGT, SUD, Unsa), exigeant notamment 4,5 % d’augmentation des salaires avec un minimum de 130 euros. Il y a certes des contre-exemples (difficultés unitaires à France Telecom, par exemple), mais ce qui domine, c’est la volonté « d’innover », d’impulser, de traduire dans la rue, dans la grève, le désir de montrer à l’hyperprésident la force du mouvement populaire, afin de lui faire rentrer dans la gorge son mépris. Il avait dit : « Les grèves ne se voient plus dans ce pays », et son auditoire avait bien ri. Eh bien, après ce qui s’est passé à Saint-Lazare, et ce qui se prépare le 29, on va « voir » ! La force du nombre et l’insolence de la rue vont donner une portée sociopolitique à la journée, point de départ incontournable pour penser les suites. Ce n’est peut-être pas un hasard si, par exemple, au Havre, lieu de mobilisations répétées dans l’automobile et les services publics (hôpitaux), le matériel unitaire pour le 29 s’est étendu à tous les partis de gauche (PS, PCF, LCR, NPA, Verts), mais aussi à Attac, la Ligue des droits de l’Homme, AC !, etc. Le tract appelle à « changer le rapport des forces », mais aussi à une « assemblée générale » à l’université, l’après-midi, pour « après le 29 ». À Toulouse, le NPA a décidé de parcourir les quartiers populaires avec une sono d’appel au 29.
« Innover », c’est aussi ce qui se vérifie à Nantes, avec la volonté de faire confluer vers la manifestation centrale des mobilisations relais partant, dans la matinée, de secteurs en bagarre (sous-traitants automobiles). À Toulouse, le cortège de tête sera formé par les salariés de Molex (contre la délocalisation). Innover, c’est tenter d’imposer des cortèges unitaires de branches ou d’entreprises, comme cela se profile peut-être dans les banques (à Nantes), ou à La Poste (Toulouse), selon Loïc (SUD-PTT). De même, la journée verra la confluence de mobilisations déjà en cours, qui auront le souci de créer des « pôles visibles » dans les cortèges. Ce sera probablement le cas des jeunes et de l’Éducation nationale, mais aussi des trois collectifs unitaires préparant le rejet de la loi Bachelot dans la santé. Idem, l’appel « Le service public est notre richesse, mobilisons-nous », relayé par la FSU, la CGT-Fonction publique, Solidaires, et d’autres, espère franchir une nouvelle étape le 29. Cette journée sera donc aussi un carrefour d’initiatives multithématiques.
Les entreprises privées seront évidemment un test. Peugeot-Sochaux sera en chômage le 29, mais à Peugeot-Mulhouse ou dans la métallurgie du Nord, il y a une certaine confiance en une mobilisation significative. Vincent (CGT-PSA) ressent une « volonté de l’union départementale CGT » d’aller vers la grève en ciblant les entreprises, par exemple dans la sous-traitance automobile (où les pertes de salaire sont très fortes). À Valenciennes, le tract CGT « porte le débat » (selon Jean Pierre, CGT-Métaux), pour « un mouvement puissant et reconductible ». Le 29 n’est donc « qu’une première étape ». Le tract revendique 300 euros d’augmentation de salaire. En Haute-Loire, c’est le tract de l’union départementale CGT (fait rarissime) qui revendique 200 euros pour tous, avec une argumentation montrant qu’une confédération peut parfaitement défendre une revendication salariale unifiante.
Dominique Mezzi
* Paru dans Rouge n° 2283, 22/01/2009.
ÉDUCATION NATIONALE : Rebondir sur le 29
Rouge n° 2283, 22/01/2009 Commentez cet article
Lycéens et personnels de l’Éducation visent désormais la journée de grève interprofessionnelle du 29 janvier.
Précédant les vacances, les lycéens s’étaient massivement mobilisés face aux contre-réformes du ministre de l’Éducation, Xavier Darcos, aux suppressions de postes et à la casse de l’école. Devant des centaines de milliers de manifestants et plusieurs centaines de lycées bloqués, Darcos et Sarkozy ont eu peur que la mobilisation s’étende et contamine d’autres secteurs. C’est pourquoi, à la veille des vacances, Darcos a annoncé le report de la contre-réforme des lycées, en espérant ainsi étouffer la contestation. Mais les lycéens ne sont pas dupes. Il n’a annoncé que le report, et non le retrait, de la contre-réforme. Sarkozy, début janvier, a réaffirmé qu’il n’était pas question de renoncer à cette contre-réforme, qui s’appliquera bien dès la rentrée 2010, ni aux suppressions massives de postes. Le problème reste donc entier. L’avenir que ce gouvernement réserve à la jeunesse est une éducation de moins bonne qualité, la précarité à vie et les bas salaires. Les lycéens ont donc décidé de poursuivre leur mobilisation !
Dès le jeudi 8 janvier, de nouvelles manifestations se sont déroulées dans plusieurs villes. Mais les lycéens ont dû faire face à une répression féroce, qui a freiné l’extension du mouvement. Pendant les vacances, de nombreux proviseurs ont envoyé des lettres aux parents d’élèves pour leur dire que, si la grève continuait, les élèves seraient sanctionnés. À la rentrée, la présence policière s’est généralisée sur les lycées. La consigne était d’empêcher les blocages par tous les moyens, y compris par la force. Plusieurs lycéens mobilisés ont été exclus de leur lycée ou de leur internat, et d’autres ont été mis en examen. Cette répression a pesé fortement sur la mobilisation, les manifestations ont été moins massives qu’avant les vacances.
Malgré les difficultés, l’envie de continuer est importante. Une première coordination nationale s’est réunie, les 17 et 18 janvier, à Paris. Elle appelle à poursuivre la mobilisation jusqu’au 29 janvier et à faire de cette date une journée de grève nationale sur l’ensemble des lycées. Des assemblées générales, des manifestations ou des rassemblements, des actions se dérouleront dans les lycées pour préparer, populariser la journée de grève du 29 janvier. Aux côtés des enseignants et des salariés, cette journée pourra redonner confiance. Face à ce gouvernement, face à la répression, lycéens, étudiants, profs et salariés, c’est tous ensemble qu’on peut gagner !
Juliette Stein
Une mobilisation significative
Les petites « reculades » de Darcos ne parviennent pas à éteindre le feu de la mobilisation dans l’Éducation. Enseignants, parents et lycéens, ils étaient encore 2 500 à Bordeaux et à Grenoble, 4 000 à Nantes, 2 000 à Marseille, ce samedi 17 janvier, pour continuer à défendre le service d’éducation du démantèlement qui s’organise, année après année, notamment au niveau des suppressions de postes massives (au moins 13 500 encore pour 2009).
C’est au cri de « Maintien des Rased », « Non aux jardins d’éveil », « Investir dans l’éducation », qu’ils interpellent Darcos : l’annonce de 1 500 suppressions de postes Rased au lieu des 3 000 annoncées ne suffit pas à les convaincre que les élèves en difficulté sont soutenus. La mise en réserve des jardins d’éveil, censés prendre la place de l’école maternelle pour les 2-3 ans, ne parvient pas à masquer le manque de place en maternelle et des effectifs trop élevés.
Au quotidien, se poursuivent les résistances des enseignants, notamment dans les écoles : suspension de l’aide personnalisée, celle-ci hypothéquant le sort des Rased, blocage des évaluations en CM2, réunions et actions avec les parents, etc., maintiennent la pression, en dépit des brimades de leur hiérarchie. Le 29 janvier, tous les personnels doivent se donner rendez-vous pour placer la défense de l’Éducation au cœur de celle, globale, des services publics.
Hélène Kaplan
* Paru dans Rouge n° 2283, 22/01/2009.
Le 29 janvier : par millions, faisons entendre notre colère !
Le mécontentement qui gronde partout dans le pays a rendez-vous le 29 janvier, pour s’exprimer le plus puissamment possible lors de la journée interprofessionnelle de grève et de manifestations, à laquelle appellent la CGT, la CFDT, FO, la CFE-CGC, la CFTC, l’Unsa, Solidaires et la FSU.
Il s’agit de faire de cette journée un mouvement d’ensemble de tous les travailleurs, précaires, chômeurs, jeunes, une grève générale qui prenne une dimension politique, celle de la contestation du gouvernement Sarkozy, entièrement dévoué aux fauteurs de crises, les patrons et les financiers. Le 29 sera la journée de convergence de toutes les mobilisations et des luttes pour dire que nous refusons de payer la crise.
Ce sera l’occasion que se retrouvent, dans l’unité, les éboueurs d’Orléans en grève pour une augmentation de salaire, les futurs licenciés de chez DMC à Illzach (Haut-Rhin) et Mulhouse, les conducteurs SNCF de Saint-Lazare comme de Nice-Menton, avec tous leurs camarades cheminots, les salariés des équipementiers automobile Visteon ou Valeo, menacés de licenciements, ceux d’ArcelorMittal, où le chômage partiel annonce 1400 licenciements, ceux de Lafarge à Seyssuel (Isère) en grève pour s’opposer à un plan de licenciements, ceux aussi de l’usine PSA de Rennes, qui connaîtront huit jours de chômage supplémentaires en février, ceux de Sochaux, où l’équipe de nuit vient d’être supprimée, les postiers en lutte contre la privatisation et la dégradation des conditions de travail et les salaires de misère, tous ceux qui, hospitaliers ou enseignants, défendent leurs conditions de travail, leurs salaires et le service public, les jeunes des lycées qui, en défendant leur avenir, défendent celui de toute la société…
Cette convergence des mécontentements, c’est aussi la convergence des exigences. Et c’est bien de cela qu’il s’agit de discuter dans toutes les réunions de militants, les assemblées générales pour préparer la mobilisation. Les directions des organisations syndicales en ont bien eu conscience, en lançant une « Déclaration commune de propositions et de revendications », mais leurs « mesures urgentes » sont bien en deçà des besoins. Les travailleurs ont toute légitimité à revendiquer 300 euros pour tous et qu’il n’y ait pas de salaires inférieurs à 1 500 euros. Il n’y a aucune raison d’accepter les licenciements, qui n’ont d’autre but que de permettre aux patrons de sauvegarder leurs profits ou à l’État de faire des économies. Il faut interdire les licenciements, garantir à tous un emploi en partageant le travail existant et en embauchant dans les services publics. Imposer une augmentation générale des salaires et des retraites, la garantie d’un revenu et d’un travail pour toutes et tous.Voilà des exigences qui unifient toute la classe ouvrière, avec ou sans travail.
« Comme toujours en France, on ne regarde pas à l’intérieur du moteur ce qui se passe, on dit “il faut plus” », a eu le cynisme de répondre Sarkozy aux demandes des hospitaliers. Alors que dans tous les hôpitaux, l’heure est aux suppressions de postes, Sarkozy prétend résoudre la crise du système hospitalier en transformant les médecins en managers !
« L’idée d’accorder des facilités de crédit aux entreprises est une bonne idée », se félicite-t-il en s’apprêtant, comme Merkel en Allemagne, à ouvrir aux patrons des crédits garantis par l’État. Pour les patrons et les banques, il faut toujours plus, pour les travailleurs, c’est toujours trop. Eh bien, il faut changer de logique. Il faut prendre sur les profits pour garantir un revenu et un emploi pour tous. Cela suppose de ne pas craindre de s’en prendre à la propriété privée, en plaçant sous le contrôle de l’État et de la population les banques et le crédit, en fermant le casino des financiers spéculateurs, la Bourse.
Sarkozy prétend que « la crise du capitalisme financier n’est pas la crise du capitalisme », pour s’en prendre à l’anticapitalisme, « la politique de la table rase ». « On doit moraliser le capitalisme et non pas le détruire », s’exclame-t-il ! Mais qu’est-ce donc le capitalisme, sinon le pouvoir de la finance sur l’économie et toute la société ? C’est bien ce pouvoir sans limite, antidémocratique, cette dictature qui est responsable de la crise globale et mondiale que connaît la société. C’est bien lui qui doit en payer les frais.
Le gouvernement sent le mécontentement du monde du travail. Le ministre de l’Éducation, Xavier Darcos, celui qui souhaitait ne pas être « le ministre de l’hésitation nationale », a dû reculer et suspendre la contre-réforme des lycées. Il a dû aussi faire une première concession aux enseignants du primaire à propos des Rased (enseignants spécialisés). Oui, le gouvernement n’est pas en position de force, pour peu que nous réussissions à surmonter les divisions, syndicales, entre secteurs, entre privé et public, pour unir nos forces autour d’un véritable programme pour les luttes.
Les jeunes qui ont su poursuivre leur mouvement après le premier recul de Darcos, les enseignants qui seront dans la rue le 17 janvier, les multiples luttes qui ont lieu dans tout le pays préparent le rendez-vous du 29. C’est un rendez-vous de mobilisation, de discussion, d’organisation, pour préparer la suite.
NPA