Après le succès du 29 janvier, agir vite et encore plus fort !
UNION SYNDICALE SOLIDAIRES
Communiqué
La journée de grèves et de manifestations appelée par l’ensemble des organisations syndicales a été un succès considérable. Plus de deux millions de personnes ont manifesté dans toute la France et de fortes grèves ont touché de nombreux secteurs. Salariés du privé et du public, retraités, chômeurs, jeunes, côte à côte, ont exprimé leur colère d’une situation dont ils ne sont nullement responsables, mais dont ils sont les premières victimes. Gouvernements et entreprises veulent faire payer la crise du capitalisme financier à la population alors qu’ils ont encouragé la spéculation financière nourrie par la dégradation considérable de la condition salariale.
Le plan de relance du gouvernement, censé combattre la récession, ne relancera rien. Il s’agit, pour l’essentiel, de nouveaux cadeaux au patronat qui n’auront, comme d’habitude, aucun effet sur l’emploi. Le plan d’aide aux banques, qui s’apparente à un sauvetage des banquiers, laisse la création monétaire et la stabilité financière, qui sont des biens publics, aux mains d’intérêts privés. Le gouvernement s’entête dans une logique qui laisse la loi du profit piloter la politique économique et sociale.
C’est cette situation qui est aujourd’hui refusée par la grande majorité de la population. Les déclarations du gouvernement montrent pourtant qu’il n’est pas prêt à changer de politique. Il faut donc lui imposer ce changement. Les conditions sont réunies pour appliquer d’autres solutions qui rompent avec la logique du profit en satisfaisant les besoins sociaux et en mettant en œuvre les impératifs écologiques.
Le succès de la journée du 29 janvier ne doit pas être sans lendemain. Pour l’Union syndicale Solidaires, il faut s’appuyer sur son très fort succès pour amplifier une dynamique de mobilisation qui permette de gagner. Il s’agit donc d’amplifier et d’enraciner la mobilisation au plus profond du pays, et ce le plus vite possible. C’est cette perspective que mettra en avant l’Union syndicale Solidaires lors de la réunion unitaire des organisations syndicales le 2 février.
Le 29 janvier 2009
Violences policières et arrestations à l’issue de la manif à Paris
UNION SYNDICALE SOLIDAIRES
Communiqué
FACE A L’AMPLEUR DE LA MOBILISATION,
LE GOUVERNEMENT REPOND PAR LE SILENCE... OU LA VIOLENCE !
Hier soir, alors que la manifestation parisienne, regroupant plusieurs centaines de milliers de personnes, se terminait, un très gros dispositif policier était en place. Arrivant au niveau de la place de l’Opéra, plusieurs milliers de manifestant-e-s ont refusé de partir.
La police ne voulant pas laisser s’exprimer la colère légitime de manifestant-e-s exaspéré-e-s par le gouvernement a violemment réprimé la fin de manifestation. Résultat : des dizaines de personnes blessées, plus d’une centaine d’arrestations dont un militant de Sud étudiant. La police a fait usage de procédés des plus brutaux agressant, frappant les manifestant-e-s à terre, obligeant par ses multiples charges les manifestant-e-s à fuir dans les rues adjacentes. Les personnes arrêtées ont été placées en garde à vue, pour des motifs fallacieux.
Face à l’ampleur de la mobilisation et au risque de contagion du mouvement, le gouvernement garde le cap : arrestations, violences policières. C’est pourquoi nous appelons les salarié-e-s, étudiant-e-s, chômeurs/euses à s’opposer à la répression qui est de plus en plus forte dans ce contexte de crise sociale. Nous les appelons aussi à s’organiser collectivement pour lui faire face.
Nous refusons la répression policière qui reste toujours le dernier rempart des gouvernants face à la contestation. Nous exigeons la libération sans poursuite de toutes les personnes arrêtées hier soir. Nous exigeons des éclaircissements publics sur la gestion policière de la fin de la manifestation du 29 janvier à Paris.
le vendredi 30 janvier 2009
« Une journée qui doit peser »
FSU
Edito
« Historique », « exceptionnel », « énorme » voire « hénaurme », tels sont les qualificatifs que l’on retrouve dans les messages qui remontent de nos sections départementales pour évoquer avec enthousiasme la mobilisation interprofessionnelle de ce 29 janvier : public, privé, actifs, chômeurs, retraités, ..., tout le monde s’y est mis pour en faire une journée qui fera date. Une journée qui doit peser.
Le Président de la République et le Gouvernement ne peuvent jouer la politique de l’autruche et ignorer les attentes qu’exprime ce mouvement. Et même si le ton semble un peu changer, l’on ne saurait se satisfaire de l’annonce par Nicolas Sarkozy qu’il recevra en février les « partenaires sociaux » (lire sans doute : les seules 5 confédérations dites représentatives) pour discuter du « calendrier des réformes ».
Président et Gouvernement mais aussi patronat doivent prendre des premières mesures significatives et engager un véritable débat sur les solutions alternatives à mettre en œuvre face à la crise.
Sinon l’importance de la mobilisation unitaire appelle des suites rapides. Des centaines de milliers de personnes ont fait grève et sont descendues dans la rue : il est de notre responsabilité de ne pas les décevoir. D’ores et déjà dans certains secteurs des poursuites d’actions sont décidées ; c’est le cas dans l’Université et la Recherche. Mais nous devons, dans l’unité qui a été un gage de succès, maintenir le rapport de forces et amplifier la dynamique interprofessionnelle. C’est dans cet esprit que la FSU participera à la réunion des organisations syndicales prévue le 2 février.
Gérard ASCHIERI
Une mobilisation exceptionnelle qui a reçu un soutien massif de l’opinion et qui va faire date
Communiqué de la FSU
Les Lilas, le 29 janvier 2009
La FSU se félicite du remarquable succès de la journée d’action interprofessionnelle du 29 janvier. Le nombre des manifestants du public comme du privé (2,5 millions), actifs et retraités, et le succès de la grève dans nombre de secteurs confirment l’ampleur d’une mobilisation exceptionnelle qui a reçu un soutien massif de l’opinion et qui va faire date. Dans le supérieur, les mobilisations vont continuer et s’amplifier dès lundi.
Le Président de la République et le Gouvernement ne peuvent jouer la politique de l’autruche et ignorer les attentes qu’exprime ce mouvement. Ils doivent prendre des premières mesures significatives et engager un véritable débat sur les solutions alternatives à mettre en œuvre face à la crise. Si le gouvernement s’y refuse et n’apporte pas de premières réponse, l’importance de la mobilisation unitaire appelle des suites rapides. C’est dans cet esprit que la FSU participera à la réunion des organisations syndicales prévue le 2 février.
Par millions en grève et dans la rue : la peur change de camp !
Cette journée de grève et de manifestations unitaires est un grand succès : des grévistes par millions, dans le public comme dans le privé, 2,5 millions de salariés dans les rues de toutes les grandes villes avec des cortèges souvent plus gros que ceux de décembre 1995 ! L’exaspération de voir les conditions de vie se dégrader sans cesse, la colère face au cynisme des profiteurs et des gouvernants à leurs service ont débouché sur un tsunami social.
Début juillet, Sarkozy n’a pas pu s’empêcher de faire le malin en disant que lorsqu’il y avait des grèves dans ce pays, on ne s’en apercevait pas. Aujourd’hui, c’est lui qu’on n’a pas entendu. Et la peur a changé de camp. Ils essayent de faire profil bas maintenant en espérant que l’orage passe.
Pas question d’en rester là ! Pas question de payer leur crise ! Pour faire reculer le gouvernement et le patronat, pour empêcher la casse des services publics, bloquer les licenciements, imposer l’augmentation des salaires et des pensions de retraite, il faut un mouvement prolongé, il faut la grève générale ! Préparons là ensemble.
NPA
29 janvier 2009.
29 janvier : jour de colère
Y aura un avant-29 janvier, et un après. Évidemment, personne ne se fait d’illusions : cette journée ne va pas bloquer les attaques que nous subissons depuis des mois, mais elle est l’occasion, la première depuis des mois, d’exprimer notre colère, notre refus de subir la loi toujours plus dure du gouvernement et des capitalistes.
Le coup de frein brutal à la croissance est une calamité pour les actionnaires, habitués à leur profitabilité à deux chiffres, à leurs dividendes gorgés de profits accumulés sur le dos des travailleurs. Ce coup de frein, ils nous le font payer au centuple, espérant, par le chômage technique et les licenciements, maintenir les marges mises à mal par la récession. Les salariés de l’automobile, des banques, de la sidérurgie, du bâtiment sont touchés de plein fouet par ce sauve-qui-peut capitaliste.
Ces attaques sur l’emploi et les salaires arrivent alors que nous subissions déjà des blocages de pouvoir d’achat, que vont confirmer les négociations annuelles obligatoires (NAO) commençant dans le privé. Et pourtant, malgré la baisse des cours du pétrole, le prix de l’énergie gazière et électrique est toujours au plus haut. Les loyers, l’alimentation grèvent les budgets des ménages. La Sécu rembourse de plus en plus mal, et les pensions s’étiolent comme peau de chagrin.
Jour après jour, la politique de Sarkozy aggrave l’accès aux services publics de la santé, de La Poste, de l’enseignement dans lesquels les suppressions de lits, de classes, d’effectifs ne cessent de rendre la vie plus difficile, notamment dans les quartiers populaires. Le pendant de cette politique, comme toujours avec Sarkozy, est de répandre la peur, la menace de sanctions contre des personnels qui font tout pour maintenir un service public en voie de démantèlement.
Dans les transports également, la répression est le pendant des réductions d’effectifs. Quand les cheminots de Saint-Lazare obtiennent enfin, par la grève, des revendications sur leurs conditions de travail refusées par leur direction, ils sont quasiment traités de terroristes par le gouvernement. La leçon est claire. Les salariés doivent subir chômage, baisse du pouvoir d’achat et dégradation des conditions de travail pour maintenir les revenus de la classe dominante… S’y opposer est un acte de désobéissance civile !
Les cheminots de Saint-Lazare, les instituteurs qui refusent d’appliquer les mesures Darcos sont donc désignés comme des fauteurs de troubles irresponsables. Quant aux droits des chômeurs aux Assedics, quelques vrais irresponsables syndicaux sont prêts à les vendre pour un plat de lentilles, alors que la défense des précaires et des revenus de chômeurs est plus que jamais à l’ordre du jour.
Dans un tel contexte, on assistait, depuis des mois, à un silence assourdissant du mouvement syndical, qui laisse seuls les secteurs osant s’affronter au gouvernement, qui ne présente aucune perspective de lutte d’ensemble à la hauteur des attaques que nous subissons, aucune revendication offensive capable de rassembler les salariés et de faire mordre la poussière au patronat et au gouvernement.
Dès lors, le 29 janvier doit d’abord être une réponse politique à ce gouvernement et à son vrai Premier ministre, Nicolas Sarkozy. Nous serons en grève et dans la rue pour lui prouver que, malgré ses menaces, ses forces de police omniprésentes, son arsenal répressif et son terrorisme verbal, malgré la démission des directions syndicales et de la gauche institutionnelle, nous sommes debout et prêts à nous battre. Le 29 janvier sera d’abord un cri de colère pour montrer notre force et rappeler aux exploiteurs qu’ils ont tout à craindre de la mobilisation des travailleurs.
Le spectre d’une grève générale hante les couloirs du pouvoir. Ceux qui nous dirigent savent pertinemment qu’ils font peser une pression insupportable sur les salariés. Ils savent aussi que personne n’est dupe de leur propagande : ils sont capables de mobiliser des centaines de milliards pour sauver le système, tout en refusant un dixième de ces sommes pour la protection sociale ou les retraites. Ils sont capables de baisser quasiment à zéro le taux directeur de la Banque centrale européenne, quand le crédit populaire est toujours aussi cher et inaccessible. Ils peuvent prêter des milliards aux banques et au secteur automobile, quand licenciements et chômage technique sont la seule réponse donnée aux salariés.
Alors, évidemment, la colère monte. C’est même pour cela que toutes les organisations syndicales ont été obligées d’appeler à cette journée de grève et de manifestations. C’est pour cela que se sont multipliés les appels unitaires, souvent bien meilleurs, dans les branches professionnelles et les régions. Bien sûr, les plus touchés par la crise, notamment dans l’automobile, savent bien que cette journée ne bloquera pas les attaques qu’ils subissent. Mais les millions de grévistes, les centaines de milliers de manifestants seront autant d’espoir pour les salariés.Espoir d’une réelle offensive prolongée, d’un mouvement d’ensemble qui mette un coup d’arrêt aux attaques de Sarkozy et du Medef.
Laurent Carasso
* Paru dans Rouge n° 2284, 29/01/2009 (Premier plan).
LE 29 ET APRÈS... Paroles de grévistes
* Paru dans Rouge n° 2284, 29/01/2009.
Alors que la grève générale du 29 janvier s’annonçait massive, « Rouge » a rencontré six acteurs du mouvement social, qui organisent au jour le jour la mobilisation. Le travail militant effectué en amont de la journée du 29 pose la question des suites à donner.
► Christian Mahieux, secrétaire de la fédération SUD-Rail
► Alex Hourticq, délégué syndical Scaso (Leclerc), union locale CGT de Pessac (Gironde)
► Alain Buch, président de la FCPE du Val-de-Marne
► Brigitte Lopez, institutrice Snuipp-FSU à Bordeaux
► Gilles Cazin, secrétaire de la CGT à Renault-Cléon (Seine-Maritime)
► Pierre Lebas, union locale CGT du Havre
CHRISTIAN MAHIEUX, SECRÉTAIRE DE LA FÉDÉRATION SUD-RAIL
Au départ, la grève à la gare Saint-Lazare est un banal conflit local. L’entêtement de la direction de la SNCF à ne pas négocier, le choix de signer un accord avec le seul syndicat CGT, désavoué par les grévistes, ont fait durer ce mouvement. Et les événements ont amené les grévistes à se poser la question de la démocratie dans la lutte ; ainsi, un comité, composé de délégués SUD-Rail, CGT, FO et Fgaac/CFDT, a été mis en place pour animer, négocier, sur le mandat des assemblées générales. Une grève qui se termine par la satisfaction de l’essentiel des revendications permet aussi de redonner confiance, au-delà des grévistes. Oui, cette grève, mais aussi celle des agents de conduite de Nice (un mois et demi !), par exemple, montrent que les cheminots sont résolus à lutter… Et il n’y a pas que les cheminots. Le 29 traduira cette situation !
Le 29, c’est « une journée d’action », certes, mais elle n’est pas banale. Il faut remonter à mai 2003 pour voir un appel de l’ensemble des organisations syndicales à une journée de grève et de manifestations. Le contexte est aussi à prendre en compte : des millions de salariés vont pouvoir dire ensemble qu’ils « ne veulent pas payer la crise des capitalistes ». Ce n’est pas rien ! On peut regretter que la grande majorité des organisations syndicales n’ait pas voulu assumer un mot d’ordre clair de « grève générale », mais la dynamique unitaire et les objectifs fixés (grève et manifestations) permettent de faire quelque chose d’intéressant.
Alors comment rebondir après le 29 ? Cette question est essentielle. Nous voulons une suite, mais il ne s’agit pas pour autant de se limiter aux slogans incantatoires ou à la dénonciation de ceux qui trahissent. Il faut, bien évidemment, construire un débouché aux luttes, donc créer les conditions de leur issue victorieuse pour les salariés. Poursuivre, cela passe par un 29 janvier réussi, par des débats entre collectifs de différentes organisations syndicales sur la stratégie d’action, par des propositions faites aux salariés pour un prolongement… qui ne retombe pas dans le rituel des journées d’action successives à seule fin de montrer le mécontentement. Ce qui est nécessaire, c’est un mouvement enraciné dans les entreprises et les localités, et qui ait comme perspective une remise en cause globale de l’organisation actuelle de la société.
ALEX HOURTICQ, DÉLÉGUÉ SYNDICAL SCASO (LECLERC), UNION LOCALE CGT DE PESSAC (GIRONDE)
La préparation du 29 a redonné la pêche à l’union locale de la CGT, alors que, ces derniers mois, l’ambiance était morose. Nous étions plus de 30 militants (La Poste, Inrap, hôpital, monnaies, commerce, agriculture, Thalès, territoriaux…) à la dernière commission exécutive. La discussion sur les boîtes a montré la colère qui monte, avec tous les mauvais coups encaissés et les négociations annuelles obligatoires (NAO) qui commencent. Partout, on a droit au même argumentaire : « C’est la crise, il faut se serrer la ceinture, il n’y a eu qu’1 % d’inflation cette année… »
À Thales, le débrayage a été suivi par 90 salariés, avec pas mal de cadres (60 à Thales-Élancourt, 300 à Brest) et un bus était envisagé pour la manifestation du 29. À Galva (métallurgie), tous les ouvriers vont débrayer le 29. Là, le patron, malgré les millions d’euros dépensé pour la remise à neuf des outils de production, n’offre que 26 euros d’augmentation, en disant : « Que seriez-vous sans les patrons ? »
Dans le commerce, le syndicat de zone – Casino, Cdiscount, Scaso Leclerc et Serca (Casino) – a diffusé un appel commun. Les équipes militantes le diffusent ensemble. Ce qui nous permet de discuter, de voir que nous avons les mêmes problèmes : salaires, conditions de travail, travail du dimanche. Il nous faut regrouper nos forces ! Ce 29 doit être aussi l’occasion de dénoncer les politiques de privatisation, de restructuration des services publics. À La Poste, à l’hôpital, des appels intersyndicaux sont lancés, des regroupements avant la manifestation sont prévus.
À la monnaie, nous ferons 24 heures contre le plan social, la dégradation des conditions de travail et les économies sur notre dos, alors que le PDG se vante « d’avoir restructuré avant la crise ».
Certains copains disent : « Il faudrait un “tous ensemble”, non des journées sans lendemain. » Mais si, pour l’instant, peu de camarades posent le problème de continuer après le 29 – tant les obstacles à lever pèsent lourd –, le fait positif, c’est ce besoin de retisser des liens entre équipes militantes. Un renouveau de mobilisation pourrait être encouragé par une réussite du 29.
ALAIN BUCH, PRÉSIDENT DE LA FCPE DU VAL-DE-MARNE
On est en lutte contre les « réformes » Darcos, mais pas seulement : on lutte contre la casse de l’école publique. Les grandes batailles sont autour de cela : suppression des 13 500 postes d’enseignants, contre les deux heures de pseudo-soutien pour quelques élèves en primaire… Les luttes actuelles se jouent avant tout au niveau du primaire (parents, enseignants). La mobilisation dans les lycées a été suspendue après l’annonce du report de la « réforme » par Darcos, mais cela devrait reprendre avec l’annonce des dotations scolaires (fin janvier-début février).
Dans le Val-de-Marne, la lutte a commencé avec l’opération « L’éducation prend l’eau » : on a investi une péniche, à Ivry, pour se rendre à Paris. C’était le 31 août ! On s’est mobilisé lors des grandes manifestations nationales, notamment les 19 octobre, 20 novembre et 17 janvier. Le 6 décembre, une manifestation départementale a réuni 1 500 personnes, principalement du premier degré.
Je n’ai jamais vu une mobilisation qui s’étende dans la durée autant que celle-ci. Depuis trois mois, pas une semaine ne passe sans qu’une école soit occupée dans la journée (occupation administrative, en bloquant le bureau du directeur et en informant les parents). Au Kremlin-Bicêtre, les parents ont occupé l’école pendant quinze jours ! L’objectif est d’occuper le terrain en permanence. À Orly, la dernière semaine de décembre, 250 personnes ont manifesté. Le 10 janvier, à Ivry, elles étaient 500. Le 23 janvier, la « Nuit des écoles » a touché dix-huit villes du Val-de-Marne, avec de nouvelles venues (Villiers-sur-Marne, Plessis-Trévise…). À Ivry, une marche aux flambeaux avec des casseroles a rassemblé 70 personnes.
Concernant le 29 janvier, cela a été une vraie bataille, en interne, pour que la FCPE y appelle : elle l’a fait, huit jours avant. Les gens se concentrent sur le 29, mais il y a avant et après. La vraie question, c’est après. Nous, on continue. Il nous faut trouver des formes de lutte différentes, parce qu’il faut qu’on élargisse. Le 29 doit être une étape, mais il nous faut autre chose, d’autres perspectives.
BRIGITTE LOPEZ, INSTITUTRICE SNUIPP-FSU À BORDEAUX
Tout a commencé par une manifestation nationale de plus de 80 000 personnes à Paris, en octobre, à l’appel de toutes les organisations et associations du monde éducatif. Il y a eu aussi le mouvement des lycéens. Mais le fait marquant de la mobilisation actuelle est l’entrée en lice des parents d’élèves des écoles, d’une façon jamais égalée. Les réunions d’information se comptent par centaines, des banderoles « École de la République en danger, parents en colère » ornent des écoles de la rive droite (un des quartiers populaires de l’agglomération bordelaise). La manifestation du samedi 17 janvier, à Bordeaux, a été largement investie par les parents d’élèves. Cette lutte n’est plus uniquement celle des enseignants.
Un mouvement social pour l’école est en train de naître. Les parents-citoyens sont en train de comprendre qu’il s’agit d’un enjeu de société et que les suppressions de postes sont accompagnées d’une redéfinition des missions de l’éducation. Sarkozy disait que les grèves ne se voyaient plus. Il peut se faire du souci, car c’est un mouvement profond et durable qui est en train de se construire. Les quelques reculs (fragiles, certes) de Darcos (lycées, Rased, propos sur la maternelle…) montrent bien que la pression sociale est forte.
Quant au mouvement des « désobéisseurs », terme médiatique mais inapproprié – les collègues ne désobéissent pas, ils résistent –, il est multiforme et inédit. La particularité des « réformes » actuelles est de toucher au cœur du métier des enseignants, à notre pratique quotidienne avec les enfants. Nous avons été formés à l’idée que l’école doit être le lieu de la réussite de tous les élèves. Aujourd’hui, le ministre nous demande de nous occuper des enfants en difficulté en dehors de la classe (« l’aide personnalisée »). Toutes les recherches pédagogiques démontrent que c’est inefficace. Idem sur les évaluations. Évaluer les élèves pour leur permettre de progresser, oui ; les évaluer pour classer les écoles, les enseignants, c’est insupportable. Donc, les maîtres cherchent les moyens de s’opposer concrètement à ces « réformes ». Par la grève d’abord, celle du 29 janvier va voir un taux de participation record. Mais aussi par des actions au quotidien : suspension de l’aide personnalisée pendant quelques semaines, arrêt total de cette aide, non-remontée des résultats des évaluations.
GILLES CAZIN, SECRÉTAIRE DE LA CGT À RENAULT-CLÉON (SEINE-MARITIME)
À partir du mois de mars, plus de 1 000 salariés (un tiers des effectifs de Renault-Cléon) seront au chômage partiel (50 % du temps). Donc, on paye la crise, et c’est ressenti comme cela. Car tout le monde sent bien qu’il y a deux poids deux mesures, quand tant de dividendes sont versés aux actionnaires. Un plan de départs volontaires a été mis en place sur le groupe. Mais la direction a beaucoup de mal à trouver les salariés qui souhaitent partir, et elle leur met la pression.
Pour faire face, plusieurs initiatives ont eu lieu, notamment des débrayages lors des comités d’entreprise. Lors de la dernière action, avant les fêtes de fin d’année, on est allé, avec les camarades de Sandouville, au conseil régional, afin de demander des subventions pour indemniser notre chômage partiel à 100 %, et afin que les élus (de gauche) fassent pression en ce sens sur les dirigeants locaux et nationaux de l’entreprise. Les patrons des entreprises qui font des profits ont bien touché des subventions, il n’y a donc pas de raison… Nous voulons aussi que les élus mettent la pression sur le gouvernement, qui détient toujours 15 % de Renault. Les salariés de la fonderie sous-traitante de Cléon, la Fonderie de Normandie, s’étaient également mobilisés.
Pour le 29, on a préparé cela de façon sérieuse, avec l’union locale CGT d’Elbeuf, en diffusant des tracts à l’intérieur de l’entreprise, bien sûr, mais aussi sur les entreprises environnantes et à la population (marchés, grandes surfaces), en menant une campagne d’affichage… La banderole de Renault-Cléon porte nos revendications : « Interdiction des licenciements, maintien du salaire à 100 %, augmentation de 300 euros pour tous. » Mais une série de salariés doit être, le 29, au chômage technique, et il faut les convaincre de se déplacer pour la manifestation.
J’espère que le 29 aura un effet déclencheur pour certains secteurs déjà mobilisés. D’ores et déjà, la fédération des métaux de la CGT a pris acte d’un rendez-vous, dans le cadre du collectif automobile (PSA, Renault, équipementiers…), début février, afin d’organiser une manifestation qui se déroulerait dans la première quinzaine de mars.
PIERRE LEBAS, UNION LOCALE CGT DU HAVRE
L’union locale de la CGT a eu plusieurs débats, dans ses congrès, pour constater qu’il fallait arrêter de faire des journées d’action à répétition. Nous souhaitions une mobilisation la plus large et la plus unitaire possible. Avec Renault-Sandouville, nous avons été à l’initiative d’une mobilisation intersyndicale, avec les partis politiques et les associations, le 8 novembre dernier. Treize organisations avaient appelé. Le résultat a été un succès. Nous avons donc appelé toutes les organisations nationales, pour aller vers la mobilisation la plus large, par exemple une grande manifestation nationale à Paris. Cette initiative s’est croisée avec l’annonce de la journée du 29 janvier, à l’appel des huit organisations syndicales.
Donc, nous avons dit : c’est bien le 29, mais il faut continuer après. J’ai aussitôt appelé à une réunion unitaire, avec syndicats, associations et partis politiques. Mais nous voulions aller encore plus loin, et notamment avec un certain nombre d’associations, concernées par le pouvoir d’achat, la santé, comme le Secours populaire, les Restos du cœur, la Banque alimentaire, qui sont confrontés à un grand nombre de personnes en difficulté. Il y a aussi un collectif santé publique sur le Havre. L’appel s’est donc élargi encore à l’Andeva (victimes de l’amiante), à Attac, à la Ligue des droits de l’Homme, etc.
Au total, 26 organisations appellent, avec un tract commun. Je crois que ce sera une grosse journée. Nous commençons à avoir les retours sur les arrêts de travail dans les entreprises. Historiquement, nous avons un gros impact sur la zone portuaire. Mais il y a d’autres entreprises qui vont s’y mettre, là où nous avions quelques syndiqués. Par exemple, dans une maison de retraites. La grève est notre objectif. Mais nous pensons aussi que le 29 janvier ne suffira pas. Il faut une suite. Nous avons donc décidé d’organiser, dans l’après-midi, une assemblée de grévistes. Il y a une intersyndicale, le 2 février, au plan national. À ma connaissance, c’est la première fois que cela se fait aussi rapidement. Mais notre assemblée de grévistes l’après-midi est utile pour interpeller nos organisations respectives et demander une suite rapide. Notre proposition de manifestation nationale à Paris ne se décrète pas en huit jours. Nous voulons mobiliser tous ceux qui sont opposés à la politique de Sarkozy, dans un grand mouvement populaire.
* Paru dans Rouge n° 2284, 29/01/2009.
COMMENT CONTINUER ? Clarifier les revendications
Si la journée du 29 janvier devait être forte, le plus grand flou demeure, pour la suite, sur les exigences revendicatives.
« Changer le rapport des forces », titre le tract CGT d’appel au 29. FO a parlé de « bloquer le pays ». Solidaires mobilise pour une grève massive, afin d’être « forts pour continuer ». La FSU s’inscrira « dans la construction de nouvelles actions interprofessionnelles […] le plus tôt possible ». Le débat sur « l’après-29 » a donc commencé, parce que le syndicalisme joue gros, après les défaites de 2007-2008. La puissance politique du 29 janvier peut montrer que l’horizon n’est plus bouché par l’hyperprésident. D’autres projets peuvent jaillir, et déchirer l’agenda des contre-réformes. À condition, bien sûr, qu’il y ait des suites et une détermination visible, qui donne confiance.
Car le pouvoir va réagir en tentant de désamorcer la contestation et d’amener les syndicats à cogérer les mesures qu’il prend sur l’emploi (rendez-vous réguliers avec Patrick Devedjian, ministre de la Relance, et avec les préfets), au nom d’une « unité nationale » appelée par François Fillon. Sarkozy, après avoir vitupéré contre SUD-Rail, s’est fait sirupeux dans ses vœux aux syndicats.
Les huit organisations se revoient le 2 février, et c’est un bon signe. Une double préoccupation émerge. La première est de maintenir la mobilisation interprofessionnelle avec des échéances précises. Toute préparation sérieuse demande évidemment du temps, comme le vérifient les syndicalistes de l’automobile, discutant d’une mobilisation coordonnée sur l’emploi. Chaque secteur actuellement en résistance ne voudra pas lâcher la pression : l’école, la santé… Mais des mobilisations sectorielles fortes ne seront efficaces que si elles sont insérées dans un plan d’action général. L’entrée en lutte prolongée d’une branche pourrait changer radicalement la donne.
Mais, pour garantir un rapport de force durable, à l’exemple du CPE, et couper court aux manœuvres élyséennes, la première condition est la précision revendicative, en dépassant le flou de l’appel du 5 janvier. Rien ne serait pire qu’une logique où le syndicalisme voudrait seulement être invité à prénégocier, ou rééquilibrer les mesures annoncées en rafale. Or, sur le plan confédéral, qu’est-ce qui sera réellement exigé au lendemain du 29 ? À part l’abandon des 30 000 suppressions de postes dans la fonction publique, c’est le brouillard. Les syndicalistes peuvent s’emparer du problème, en mettant en place des espaces publics d’échanges, pour consolider à la fois l’unité et son contenu. Pourquoi serait-il impossible de préciser clairement les choses, comme en Guadeloupe, où les syndicats unis ont une plateforme précise (lire ci-dessus) ?
La liste des questions urgentes commence par les salaires. Alors que Sarkozy fait valser les milliards, le syndicalisme ne peut en rester à une « démarche » sur le pouvoir d’achat. 300 euros pour tous, c’est l’équivalent de ce qui a été volé aux salariés, annuellement, dans la répartition de la richesse pour aller à la spéculation. Il faut les récupérer ! Ne pas reverser de dividendes (ce que ne dit pas clairement l’appel du 5 janvier), cela doit servir d’abord à cela. Ainsi qu’à maintenir les salaires intégralement en cas de chômage partiel.
La question des chômeurs est un test décisif. La CFDT est minoritaire, l’accord Unedic scélérat doit être mis au panier. Renégocier ? Il faudrait d’abord préciser sur quoi. Non seulement, aucune baisse de cotisation n’est acceptable, mais il faut les augmenter. Afin d’indemniser 100 % des chômeurs et d’augmenter leurs allocations au moins autant que les salaires. Aucun licenciement n’est tolérable. Le rapport de force retrouvé permettrait d’exiger une mesure politique immédiate de blocage, suivie d’une loi d’interdiction. Les plans Darcos et la loi Bachelot ne doivent pas passer. La négociation sur les retraites complémentaires commence, c’est le moment d’exiger clairement les 75 % garantis pour le taux de remplacement, à 60 ans et pas un jour de plus.
Dominique Mezzi
* Paru dans Rouge n° 2284, 29/01/2009.
Le 29 janvier, la censure est dans la rue
Communiqué de la LCR
Malgré les tentatives de dénigrement du ministre du budget, ce matin sur France Inter, qui invitait les salariés à se retrousser les manches et à faire preuve de « solidarité » avec les patrons, en lieu et place de la grève, le 29 janvier, appelé par l’ensemble des organisations syndicales, s’annonce comme une grande journée de grève et de mobilisation.
Malgré la crise, les 40 principales entreprises côtées en Bourse s’apprêtent à annoncer 94 milliards d’euros de bénéfices pour 2008, et les banques, elles aussi, ont fini l’année avec un solde positif. Et pourtant ce sont ces entreprises et ces banques qui se voient arroser de dizaines de milliards d’euros alors que pour les salariés ce sont les licenciements, le chômage technique qui s’éternisent, les délocalisations, toujours plus de précarité et de salaire en moins qui est leur lot quotidien.
Assez d’injustice et d’exploitation ! Il faut se mobiliser, résister. Les salariés ne paieront pas la crise. Le 29 janvier sera l’occasion de censurer tous ensemble, privé et public, la politique, de régression sociale et de destruction des droits sociaux et du service public, du gouvernement.
Alors que N. Sarkozy veut criminaliser le mouvement social, l’heure est à la jonction des résistances et des luttes. Le 29 janvier doit être le point de départ d’une mobilisation interprofessionnelle sur la durée pour mettre un coup d’arrêt à la politique libérale, dans tous les domaines, de N. Sarkozy et du MEDEF.
Le 27 janvier 2009.