Insuffisants. Les propos tenus, mercredi 28 janvier, par le pape Benoît XVI pour rassurer les juifs et les catholiques indignés par la levée des excommunications de quatre évêques intégristes, dont Mgr Williamson, un prélat négationniste, n’ont pas calmé les tensions. Face à une onde de choc inédite, le pape, qui avait exprimé « sa solidarité » avec les juifs, fait désormais face à deux fronts distincts.
Jeudi, le Conseil central des juifs en Allemagne a rompu tout contact avec l’Eglise catholique, reprochant au pape de « prendre sous son aile » un négationniste. Le grand rabbinat d’Israël a annulé une rencontre prévue en mars au Vatican. Côté juif, beaucoup attendaient du pape une condamnation plus explicite des propos de l’évêque, voire son exclusion de l’Eglise.
En Suisse, 200 prêtres et théologiens ont écrit à leurs évêques pour s’inquiéter de la réhabilitation des intégristes, qui s’inscrit selon eux dans une série de « décisions fortement régressives ». En France, une cinquantaine d’intellectuels catholiques de tous horizons, rejoints par plusieurs milliers de fidèles, ont signé une pétition, publiée par le magazine La Vie, demandant « une condamnation claire des propos de Mgr Williamson » par le pape.
Au-delà de « l’affaire Williamson », beaucoup de catholiques s’inquiètent de la main tendue du pape à ce courant schismatique réputé proche de l’extrême-droite. Les 150 000 intégristes, rassemblés au sein de la Fraternité saint Pie X, sont jugés infréquentables pour leurs positions critiques sur les orientations du concile Vatican II en matière de liberté religieuse et de dialogue avec les autres confessions.
Au Vatican, où certains s’interrogent sur l’opportunité d’annoncer la levée des excommunications au moment même où étaient diffusés les propos négationnistes, règne, selon un observateur romain, un climat « de tensions et d’agressivité ». « Le pape et son entourage n’ont pas pris la mesure du problème ; ils se sont arrêtés aux enjeux théologiques, sans voir les conséquences politiques ou sociétales d’une telle décision », commente un connaisseur du Vatican, pour qui cette affaire illustre une nouvelle fois « les dysfonctionnements » de gouvernance à la Curie.
Certains estiment que « l’opération (de réhabilitation) a déjà échoué ; après ce tollé, les quatre évêques ne pourront pas être pleinement réintégrés ». Les propos d’un prêtre italien de la Fraternité, estimant, jeudi, que « les chambres à gaz ont existé au moins pour désinfecter » sans pouvoir dire « si elles ont causé des morts », semblent accréditer l’idée que certains intégristes n’ont pas l’intention de s’amender.
Les évêques de France, où vit une grande partie des fidèles intégristes, devraient se rendre à Rome la semaine prochaine, pour faire le point sur les tensions soulevées par la décision du pape.
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