Il a mis les milieux catholiques en émoi et indigné le reste du monde ; il a obligé le pape à assurer les juifs de sa « solidarité totale ». Il vient de se voir démis de ses fonctions à la tête du séminaire intégriste de la Reja en Argentine, qu’il dirigeait depuis quelques années. Mais dans la tempête, Richard Williamson fait mine de rien et, le 7 février, date de la dernière chronique parue sur son blog (dinoscopus.blogspot.com), il disserte, en mélomane, de la beauté de la troisième symphonie de Beethoven.
En assurant au cours d’un entretien télévisé que « pas un juif n’avait péri dans les chambres à gaz », cet évêque britannique de 68 ans, membre de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, le courant schismatique de Mgr Lefebvre, a acquis en quelques heures une notoriété mondiale. Sa bombe négationniste, lancée au moment même où le pape annonçait la levée de l’excommunication qui le frappait, ainsi que trois de ses confrères, depuis vingt ans, a installé le personnage dans son rôle de « type incontrôlable ».
« C’est un fanatique qui passe son temps à dire des conneries », veut croire un prêtre français, bon connaisseur du milieu intégriste. Ancien professeur de littérature et de philosophie, Mgr Williamson est surtout connu pour être, parmi les héritiers de Mgr Lefebvre, l’un des tenants de la ligne la plus dure à l’égard du Vatican. « Il est, sur les sujets touchant à l’Eglise et à son évolution depuis Vatican II, d’une intransigeance totale », témoigne une personnalité engagée dans le dialogue entre les intégristes et les conciliaires, qui l’a rencontré à plusieurs reprises.
Il se raconte même que Mgr Lefebvre, percevant sous ce personnage coutumier des jugements à l’emporte-pièce de possibles complications, aurait hésité à l’ordonner évêque ; ce que dément la Fraternité Saint-Pie-X. « Il fut choisi pour ses dons en langues (la Fraternité ayant l’ambition d’essaimer à travers le monde) et sa fidélité à la pensée de notre fondateur », indique aujourd’hui un lefebvriste.
Ces « qualités » lui valurent en tout cas d’entrer dans l’histoire de l’Eglise catholique, le 30 juin 1988, devant quelque 6 000 fidèles et des dizaines de journalistes. Ce jour-là après des mois d’hésitations, Mgr Lefebvre ordonne évêques quatre prêtres de la Fraternité. Leur mission : ordonner à leur tour des prêtres pour que la Fraternité ne s’éteigne pas avec son fondateur, alors âgé de 83 ans. Ce geste provoque l’excommunication immédiate des évêques, et crée le schisme que Benoît XVI s’efforce aujourd’hui de résorber.
Lors de son ordination, à 48 ans, Richard Williamson, converti sur le tard au catholicisme, est le plus âgé des quatre impétrants. Ce parcours ecclésiastique fulgurant ravit cet anglican londonien de bonne famille, compagnon de la première heure de Mgr Lefebvre. « Il m’a toujours dit qu’il était un converti de 68 », assure un prêtre qui l’a côtoyé au séminaire d’Ecône (Suisse), le fief historique de la Fraternité. Horrifié par le virage « libéral » que prennent alors les sociétés occidentales, le professeur Williamson succombe au discours conservateur de Mgr Lefebvre, qui, dès la fin du concile de Vatican II, en 1965, s’est érigé en défenseur de la « tradition », recrutant dans les milieux les plus réactionnaires de l’Eglise. L’évêque britannique trouve à Ecône « un environnement favorable à une véritable conversion », assure l’une des personnes qui l’y a rencontré. Le converti se complaît bientôt dans la dévotion à la Vierge ; il développe en outre un goût marqué pour « l’apocalypse ».
Foncièrement antimoderniste, l’évêque prise le Syllabus de Pie IX qui, en 1864, dénonçait déjà « les erreurs de la société moderne ». « Il est obsédé par la laïcité, qu’il juge »envahissante« », raconte aussi une de ses interlocutrices.
Au fil des années, il se montre plus « lefebvriste que Mgr Lefebvre », notent les observateurs, dont certains jugent même Mgr Williamson proche du courant sédévacantiste, qui considère que, depuis le lancement du concile Vatican II par Jean XXIII, le siège de Saint-Pierre est « vacant », car occupé par un faux pape. Pour Mgr Williamson, les textes de Vatican II proclament « une fausse religion ».
Le doute persiste aussi sur sa volonté réelle de voir lever son excommunication, contrairement à Mgr Bernard Fellay le supérieur général de la Fraternité, qui y travaille depuis plusieurs années. « En provoquant le scandale avec ses propos sur les chambres à gaz, il empêche tout accord de réconciliation entre le courant intégriste et le Vatican », analyse l’abbé Guillaume de Tanoüarn, ancien lefebvriste, aujourd’hui membre de l’Institut du Bon Pasteur. Cette intransigeance expliquerait son « éloignement » en Argentine, qui n’abrite « pas le séminaire le plus prestigieux de la Fraternité », reconnaît l’un de ses membres.
Présenté comme un « homme de culture », « pianiste émérite », capable d’évoquer Shakespeare dans ses homélies, Mgr Williamson assure s’être intéressé au négationnisme dans les années 1980. « J’ai toujours cherché la vérité », se justifie sans vergogne le prélat anglais dans le Spiegel du 9 février 2009. Une « quête » qui l’amène à déclarer dès 1989 au Canada : « Les juifs ont inventé l’holocauste pour nous mettre à genoux, pour faire accepter leur nouvel Etat Israël. Tout cela, ce ne sont que des mensonges. »
Après la répétition de ses prises de position qui, ces dernières semaines, ont scandalisé le monde, Mgr Wiliamson s’est déclaré prêt à « étudier » à nouveau la question. La Fraternité a officiellement récusé ses propos, tout en se montrant assez compréhensive. Sur son site, elle salue la « volonté (de Mgr Williamson) de s’informer objectivement en étudiant la thèse adverse de celle à laquelle il a adhéré jusqu’à présent », laissant entendre au passage qu’il y aurait bien, sur ce sujet, deux « thèses » en présence.
Pour l’heure, la Fraternité ne s’est donc pas résolue à se débarrasser de l’évêque. Il est vrai qu’à la tête de ses propres troupes, « il pourrait faire des petits » en ordonnant de nouveaux prêtres et, ainsi, perpétuer le schisme. Parallèlement, sa présence complique un accord, déjà hypothétique, avec le Vatican. L’Eglise, elle, ne peut pas l’excommunier à nouveau : « Le pape n’excommunie pas sur des sujets historiques », note un évêque.
« Peut-être finira-t-il aumônier pour religieuses contemplatives ? », suggère mi-figue mi-raisin un proche de la Fraternité. Ou devant la justice des hommes. En Allemagne, le parquet a ouvert une enquête ; en France et en Argentine, des plaintes ont été déposées pour « contestation de crimes contre l’humanité ». Le « problème Williamson » est loin d’être résolu.
Stéphanie Le Bars
* Article paru dans le Monde, édition du 17.02.09. LE MONDE | 16.02.09 | 13h58 • Mis à jour le 17.02.09 | 08h11.
Parcours
1940 Naissance à Londres.
1976 Ordonné prêtre à Ecône (Suisse).
1988 Ordonné évêque par Mgr Lefebvre et excommunié par le pape Jean Paul II.
2009 Diffusion de ses propos négationnistes sur une télévision suédoise ; levée de son excommunication par Benoît XVI.
Benoît XVI cherche à apaiser la communauté juive
Le pape n’en finit pas de solder « l’affaire Williamson ». Suite au tollé suscité par la levée de l’excommunication de cet évêque négationniste, le 21 janvier, Benoît XVI multiplie les déclarations de solidarité envers la communauté juive et les condamnations du négationnisme.
Sa rencontre, jeudi 12 février, avec des représentants d’organisations juives américaines, menés par le rabbin new-yorkais Arthur Schneier, rescapé des camps, a donné au pape l’occasion de réaffirmer que « toute négation ou minimisation du crime de la Shoah est intolérable et inacceptable ». Il a aussi repris à son compte le « pardon » que Jean Paul II avait demandé aux juifs, en 2000, à Jérusalem.
« La haine et le mépris des hommes, des femmes et des enfants qui se sont manifestés pendant la Shoah étaient un crime contre Dieu et contre l’humanité », a affirmé Benoît XVI devant les responsables juifs, ajoutant, sans citer le nom de l’évêque Williamson : « Cela doit être clair pour tous, en particulier pour ceux qui se situent dans la tradition des Ecritures. » Le Vatican, qui affirme n’avoir pas eu connaissance des positions négationnistes du prélat avant la levée de l’excommunication, a demandé, en vain, à Mgr Williamson de se rétracter publiquement. Ce dernier a simplement accepté « d’étudier » le sujet.
La possible réintégration dans l’Eglise catholique d’un négationniste avait provoqué l’indignation des juifs et fait craindre une résurgence de l’antisémitisme chrétien, de même qu’une détérioration des relations judéo-chrétiennes.
Le courant intégriste, auquel appartient Mgr Williamson, rejette les orientations du concile Vatican II (1962-1965), notamment ses avancées en matière de dialogue interreligieux, de reconnaissance des autres religions et la déclaration Nostra Aetate. Adopté lors du concile, ce texte signe le rejet par l’Eglise de toute forme d’antisémitisme, la fin de la stigmatisation des juifs comme peuple « déicide » ainsi que la reconnaissance de la filiation entre le judaïsme et le christianisme.
VISITE EN ISRAËL CONFIRMÉE
Cette crise est survenue après plusieurs épisodes conflictuels. En dépit de déclarations et de gestes forts envers la communauté juive depuis le début de son pontificat - visite à la synagogue de Cologne (Allemagne) en 2005 où il dénonce le « crime inouï de la Shoah », rencontre avec les deux grands rabbins d’Israël, voyage aux camps d’Auschwitz et de Birkenau en 2006, visite à la synagogue de New York en 2008, plusieurs décisions du pape ont suscité l’inquiétude des responsables juifs à travers le monde. Le projet de béatification du pape Pie XII, dont l’attitude envers les juifs durant la guerre demeure controversée, de même que le maintien par Benoît XVI de l’appel à la conversion des juifs dans la prière du Vendredi saint ont été mal perçus. Jeudi, le pape a affirmé que « l’Eglise est profondément et irrévocablement engagée dans le rejet de l’antisémitisme ».
Jeudi, le rabbin Schneier a plaidé pour que le pape « continue à s’exprimer contre l’antisémitisme ». Le voyage de Benoît XVI en Israël - sans doute en mai -, confirmé jeudi, devrait contribuer à retisser des relations, qui malgré quarante-quatre ans d’efforts, demeurent sujettes à des tensions récurrentes.
Stéphanie Le Bars
* Article paru dans le Monde, édition du 14.02.09. LE MONDE | 13.02.09 | 15h18 • Mis à jour le 13.02.09 | 15h18.
Israël : Olmert confirme la visite du pape Benoît XVI en mai
« En mai, il y aura une visite importante, celle du pape Benoît XVI », a déclaré à la presse M. Olmert peu avant la réunion hebdomadaire de son gouvernement. « Le président Shimon Pérès l’accompagnera durant son séjour que le bureau du premier ministre est chargé d’organiser », a poursuivi le premier ministre sortant.
Il s’agit de la première confirmation officielle en Israël de la venue du souverain pontife en Terre Sainte où Jean Paul II, le prédécesseur de Benoît XVI, avait fait une visite en 2000. Le porte-parole de la salle de presse du Vatican, le père Federico Lombardi, avait qualifié samedi de « décision courageuse » la prochaine visite en Israël de Benoît XVI.
* LEMONDE.FR | 15.02.09 | 12h37 • Mis à jour le 15.02.09 | 12h39