Pendant la tenue du Salon de l’Agriculture, la Confédération Paysanne dénonçait la répression anti-syndicale, les OGM, l’empoisonnement des campagnes par les pesticides, la baisse soudaine et imposée du prix du lait, etc. En occupant le stand de Danone, elle marquait sa solidarité avec les travailleurs licenciés de cette multinationale. Une horloge « paysannophage » égrenait le nombre de fermes européennes destinées à disparaître rien que pendant les dix jours de cette kermesse agricole, soit 4800 exploitations victimes de la Politique agricole commune (PAC).
Les petites exploitations des Hauts Cantons de l’Hérault et du Larzac sont particulièrement concernées puisque l’Europe (et donc les gouvernements qui la dirigent, rappelons-le) sont décidés à augmenter le taux de compétitivité intérieur entre agriculteurs par des mesures et des subventions qui accélèrent les concentrations capitalistes dans l’agriculture.
L’OMC orchestre la réforme actuelle de la PAC
L’Organisation mondiale du commerce complète un édifice érigé dès 1944 (accords de Bretton Woods) par les grandes puissances bourgeoises pour structurer l’exploitation capitaliste du monde et contrebattre l’alternative socialiste alors représentée par l’Union soviétique. L’esprit de Bretton Woods anime toujours les dirigeants des grandes puissances. Aujourd’hui l’OMC s’appuie sur le Fond monétaire international et la Banque mondiale. Elle régente les échanges économiques selon des principes capitalistes : la productivité quel qu’en soit le prix social et la recherche du profit maximum.
L’actuelle réforme de la PAC s’étend sur une période brève allant jusque 2006. C’est un mixte entre la PAC précédente résultant d’un accord entre puissance européenne et la réforme libérale préconisée par l’OMC dominée par les américains. Cette nouvelle PAC désormais liée à l’OMC a été mise au point avec l’aval de la social-démocratie européenne (gauche plurielle pour la France) et de l’alliance rouge-verte allemande (l’Allemagne est d’ailleurs le premier contribuable net au budget agricole communautaire).
La nouvelle « réforme libérale verte », très proche de la réforme exigée par l’actuelle administration américaine d’extrême droite dissimulée derrière l’OMC, préconise une réduction sur le long terme des protections à l’importation. Elle va donc à l’encontre de l’ancienne PAC qui était une protection européenne contre la grande agriculture américaine industrialisée. Elle ouvre les marchés européens à l’agriculture américaine jusque là fortement taxée et avive la concurrence interne entre producteurs européens. Elle annonce une nouvelle vague de faillites dans l’agriculture, à commencer par les producteurs individuels et les groupements de petits producteurs.
Pour compenser la baisse des prix, la nouvelle PAC prévoit des aides directes aux agriculteurs. Mais ces aides ne sont pas égalitaires ; elles sont liées au niveau de production ou de prix. Elle reproduit, en l’amplifiant, le vice de l’ancienne PAC qui prévoyait des soutiens aux producteurs au prorata des volumes produits ou aux surfaces exploitées. Plus que jamais, la PAC favorise les gros contre les petits, les capitalistes contre les paysans, l’agriculture productiviste contre l’agriculture(1) intégrée au tissu social.
Les conséquences de la PAC
Selon une étude du CREDOC(2) de 2002, 40 % des exploitations agricoles ont un revenu égal ou inférieur au SMIC. Et parmi ceux-ci, 60 % perçoivent un revenu annuel égal ou inférieur à 24 000 francs. C’est l’importance de l’autoconsommation et la propriété du logement pour les deux-tiers qui améliore les conditions de vie et permet de faire la soudure.
La politique agricole d’assistanat par les primes, selon les préconisations de l’OMC, sont faites pour disparaître et les prix seront progressivement alignés sur le marché mondial. L’arrivée programmée des céréales américaines sur les marchés européens expliquent, entre autres, l’acharnement des gouvernements à faire accepter les OGM, car les blés, maïs et sojas américains attendent de se déverser dans nos assiettes.
L’élargissement de l’Europe
L’ouverture de l’Europe à des pays au niveau de vie nettement inférieur au nôtre (bas salaires, protections sociales parfois quasi inexistante), sans contraintes environnementales, peut entraîner des tensions extrêmement fortes en termes de concurrence. L’application de la nouvelle PAC à ces pays annoncent des catastrophes sociales d’une extrême brutalité et donc la ruine de la majorité des paysans de ces pays. Au lieu d’aider ces paysans très pauvres à s’équiper, l’Europe s’organise pour les chasser de leurs terres. Agrobusiness, spéculateurs et promoteurs ont de beaux jours en perspective.
L’Europe n’a pas de législation sociale. Elle ne garantit pas de protection des travailleurs. Les mesures qu’elle dicte sont totalement antidémocratiques : aucun parti n’a jamais revendiqué les mesures les plus antisociales que le parlement européen décide sous la conduite d’une écrasante majorité social-libérale ou de droite. Contre les multinationales agroalimentaires, relayées par la grande distribution complice, il est temps de renverser la tendance. Le projet de constitution européenne, qui se donne pour but « d’accroître la productivité de l’agriculture », et que bien peu condamnent, risque d’aggraver cette situation.
Notes
(1) Par « agriculture » nous entendons aussi l’élevage, la fruiticulture, l’apiculture, etc.
(2) Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie.