1. Résumé du conflit.
La nouvelle directrice de l’Opéra National de Corée, Lee Soyoung, vient de licencier l’ensemble des 42 choristes en février 2009. Au-delà des 42 licenciements, c’est une dissolution de fait du Chœur de l’Opéra National de Corée. La nouvelle direction prétend que ce n’est que la conséquence d’une décision de You Inchon, ministre de la culture, tandis que le ministère assure que cette affaire est entièrement sous la responsabilité de la directrice.
Depuis, le syndicat du Choeur mène des actions de lutte dans la rue pour la reconstitution du Chœur détruit et la réintégration des 42 musiciens.
2. Le déroulement de l’affaire
Le 8 janvier 2009, Lee Soyoung, nouvelle directrice de l’Opéra National de Corée depuis août 2008, annonce par oral aux membres du Choeur sa décision de licencier tout le monde. Les « raisons » qu’elle avance sont celles-ci : aucun règlement interne à l’Opéra ne régissant l’existence du Chœur, rien n’oblige à le garder, rien ne nécessite son existence. Et de toute façon, selon les directives du ministère de la culture, qui prescrivent pour faire des « économies » de supprimer toutes les structures dont l’existence n’est pas précisément régie par un texte règlementaire, elle est obligée de procéder à cette destruction. Elle annonce aussi, que désormais l’Opéra National va donc travailler avec des choeurs extérieurs, avec des contrats au cas par cas.
Le syndicat du Choeur, au comble de la stupéfaction, a demandé et obtenu un rendez-vous avec la directrice. Or, le 4 février, la veille de jour de ce rendez-vous, tous les choristes ont reçu un avis de licenciement par lettre recommandée.
Lors du rendez-vous, le syndicat a demandé le retrait des licenciements. Mais la directrice campe sur ses positions : les licenciements sont une chose obligatoire puisqu’il n’y a pas de règlement qui rende nécessaire l’existence d’un chœur. Elle suggère vaguement qu’elle pourrait aider les licenciés à constituer une association dans laquelle ils pourraient pratiquer le chant, qu’elle leur procurerait suffisamment de contrats avec l’Opéra, sans rien dire de précis et sans aucune garantie quant à ces promesses floues —qui suivent tant d’autres non tenues. Le rende-vous n’a donné aucun résultat.
Une autres des « raisons » de la dissolution du Choeur de l’Opéra National est l’existence du Choeur National. Selon la directrice, on peut éliminer un des deux, car ce sont deux choeurs trop similaires. Il n’en est rien. Le Choeur National a sa propre programmation, aucunement liée bien sûr ni au répertoire de l’opéra, ni à la pratique spécifique qu’il implique. Aussi l’idée même d’en faire l’accompagnateur de l’Opéra National est-elle absurde tant au plan organisationnel qu’au plan musical. La meilleur preuve en est qu’un spectacle produit tout récemment par l’Opéra National après la destruction du Choeur, a été monté avec un choeur d’étudiants d’une université de province, et non avec le Choeur National. Il est évident qu’il est impossible de maintenir la qualité de l’Opéra National sans qu’il y ait un choeur permanent.
Lors du rendez-vous suivant du 19 février, la directrice a déclaré que si le ministère de la culture permettait la création d’un règlement interne qui intégrerait le Choeur de l’Opéra National, elle voudrait bien y souscrire. A la suite de quoi le syndicat a eu entretien avec trois responsables de la direction du spectacle au ministère de la culture, lesquels disent que cette affaire est de l’entière responsabilité de la directrice, et que le ministère de la culture ne peut intervenir en rien. Et le 9 mars, un responsable de haut niveau du ministère de la culture, la directrice de l’Opéra et le syndicat des choristes se rencontrent pour discuter de la question.
3. Histoire du Choeur de l’Opéra national de Corée et de ses luttes
Fondé en 2002, le Choeur de l’Opéra National de Corée s’est fait reconnaître pour son importante contribution à la qualité des spectacles d’opéra en Corée du Sud. Le chef d’orchestre Chung Myung-Whun qui dirige actuellement l’Orchestre philharmonique de Radio France, et qui fut directeur artistique de l’Opéra de Paris, l’avait vivement loué dès 2004 après avoir collaboré avec lui pour l’opéra « Carmen », disant qu’un choeur d’un tel niveau était « difficile à trouver, même en France ». Le Choeur de l’Opéra National de Corée a acquis dès ses débuts une haute réputation dans le pays entier par une progression qualitative étonnante. Dès 2004 encore le Choeur a travaillé avec l’Opéra Fujiwara à Tokyo, sous la direction de Chung Myung-Whun : ce fut un grand succès qui a fortement marqué le public averti au Japon. C’est aussi à ce Choeur que fut décerné en 2007 le grand prix du Festival international d’Opéra de Taegu, à l’unanimité du jury. En 2009, un spectacle montré à Séoul et à Francfort devait venir à Paris ; la nouvelle directrice a tout annulé.
L’entraînement sévère et quotidien s’est toujours poursuivi en dépit de cachets irréguliers et d’un salaire de base de misère (700.000 won, soit moins de 400 euros par mois) pour plus de 50 concerts chaque année. Les choristes ne bénéficient d’aucune d’assurance sociale, ni du SMIC. Ils ont été contraints de subir un statut de précaires tout au long des 7 ans d’existence du Choeur.
Durant toutes ces années, la précédente direction comme l’actuelle ont manipulé les choristes par des promesses jamais tenues : élaboration de statuts, fin du statut de stagiaires (imposé à tous), revalorisation des salaires, contrat d’emploi permanent.
Ces promesses non tenues étaient le seul espoir des choristes. Mais la seule récompense de leur excellence est la dissolution du Choeur. La direction, pour se justifier, avance l’absence de texte statutaire, comme on l’a vu, mais argue aussi d’une diminution du budget. C’est un mensonge. Le budget total alloué à l’Opéra National a augmenté de 800 millions de won (400 000 euros) par rapport à l’an dernier.
Le syndicat des choristes a déjà obtenu le soutien d’une quarantaine de musiciens dont celui du « Solistes Ensemble » qui regroupe les chanteurs d’opéra coréens les plus réputés. Il continue les luttes dans la rue avec des petits concerts pour dénoncer l’injustice de ces licenciements auprès des citoyens. Depuis deux semaines, les choristes occupent jour et nuit la salle de l’opéra dans le Séoul Art Center, leur lieu de travail, demandant le rétablissement du Chœur et leur réintégration.
4. Les exigences du syndicat du Choeur de l’Opéra National
● L’Opéra National doit rendre justice aux membres du Choeur en les indemnisant d’avoir été traités comme stagiaires et précaires pendant toutes les années passées.
● L’Opéra National assure une rémunération juste par une revalorisation des salaires des membres du Choeur.
● Le statut de fait de stagiaires et précaires doit faire place à un véritable statut de droit avec contrats de type CDI.
● L’Opéra National annule les licenciements et procède à la réinstallation immédiate du Choeur.
5. Conclusion
Malgré son histoire brève, le rôle qu’a joué notre Choeur demeure exceptionnel, en tant qu’acteur direct contribuant à la qualité de l’Opéra National. La dissolution du Choeur et le licenciement des choristes sous prétexte d’ « efficacité » illusoire signifient une perte irréparable, non seulement pour l’Opéra National mais aussi pour l’ensemble du monde musical aux niveaux national et international. Sa valeur aux plans professionnel et musical n’est pas quelque chose que l’on peut sacrifier sur l’autel de « efficacité ».
C’est dans cette optique que nous adressons cette pétition de soutien qui contient l’intégralité de nos exigences.