RIO DE JANEIRO CORRESPONDANT
Dom Dedé« persiste et signe : »L’avortement est beaucoup plus grave que le viol. Dans un cas, la victime est un adulte, dans l’autre, un innocent sans défense.« Dans un long entretien à l’hebdomadaire brésilien Epoca, Dom José Cardoso Sobrinho, dit »Dom Dedé« , archevêque d’Olinda et Recife, revient sur les circonstances qui l’ont conduit à excommunier la mère d’une fillette, enceinte de deux jumeaux à la suite d’un viol, et l’équipe médicale qui a interrompu sa grossesse. Le prélat semble oublier au passage que la victime, âgée de 9 ans, était »innocente« et »sans défense".
Dom Dedé a « la conscience très tranquille », répète-t-il. Il se félicite d’avoir entendu « une grande, une énorme clameur des autorités de Rome en (sa) faveur ». « Aujourd’hui même, j’ai reçu une lettre d’éloge du cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la Congrégation pour les évêques », assure-t-il, oubliant les critiques du président de l’Académie pontificale pour la vie, Mgr Rino Fisichella.
Au Brésil, l’avortement reste interdit, sauf en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère, une double exception qui s’appliquait à la fillette. Dom Dedé n’en a cure, car « la loi de Dieu est supérieure à celle des hommes ». Informé de l’affaire par un autre évêque, il dit avoir tenu plusieurs réunions pour empêcher l’avortement, en accord avec le père biologique de la fillette, séparé de sa femme depuis trois ans.
Dom Dedé est un croisé de la doctrine. C’est largement pour cela qu’il a fait une brillante carrière. Né en 1933 au Pernambouc, tout près du village natal du président Luiz Inacio Lula da Silva - et issu, comme ce dernier, d’une famille nombreuse et pauvre -, il étudie la théologie à Recife et achève à Rome son doctorat en droit canon.
AUTORITAIRE ET ZÉLÉ
Pendant vingt-cinq ans, il travaille au Vatican. En 1985, Jean Paul II le nomme archevêque d’Olinda et Recife, où il aura en charge 5 millions d’âmes, avec pour mission de liquider l’héritage progressiste, jugé sulfureux à Rome, de son prédécesseur, Dom Helder Camara, « l’évêque des pauvres », écarté sans ménagement.
Réputé autoritaire, il s’acquitte de sa tâche avec zèle. Il ferme les séminaires créés par Dom Helder et oblige une trentaine de prêtres, jugés suspects, à se démettre ou à changer de région. Selon lui, ces instituts sont fréquentés par « des femmes noires, y compris non catholiques, et une cinquantaine d’homosexuels déclarés ».
Dans l’affaire de l’excommunication, Dom Dedé semble renvoyer dos-à-dos la fillette et le beau-père violeur, qui encourt une peine de quinze ans de prison. A la victime, si « elle a conscience d’avoir pêché », il conseille de « se confesser » ; il est prêt à aider le criminel « à prier pour obtenir le pardon ». Connaît-il le prénom de l’enfant ? « Euh... » A-t-il un regret ? « Oui, j’aurais tant voulu baptiser les deux bébés. J’avais prévu une fête pour ce jour-là. »