« Les Tamouls ne veulent pas la guerre – ils ont besoin de vivre dans la sécurité et la liberté. Cessez le génocide ! » (Forum des Tamouls de Suisse, Berne, 30 mars 2009)
Le 23 janvier 2009, une première manifestation de 2500 Tamoul·e·s venus de la Suisse entière exposait à Genève la situation au Sri Lanka. Le 5 février, le 20 février, le 16 mars, ils étaient 12 000, 14 000, 15 000 à appeler la communauté internationale à exiger la fin du massacre.
Le 21 février, ils étaient 2500 sur la place fédérale à demander le soutien des autorités suisses à leur appel au cessez-le-feu. Lundi 30 mars 2009, pour la sixième fois depuis le début de l’année, ils étaient à nouveau 2500 à rappeler que les Tamoul·e·s ne veulent pas la guerre.
Les procès des assassins de Srebrenica et du Rwanda ponctuent régulièrement les informations télévisées. Le bombardement du ghetto de Gaza est dans toutes les mémoires. Le gouvernement sri-lankais interdit la présence de journalistes.
Que savons-nous des espoirs, des craintes des quelques 45 000 Tamoul·e·s de Suisse ? Leur formidable mobilisation ne doit pas nous cacher leur isolement.
A ce jour, parlements et gouvernements de l’Occident « démocratique » restent insensibles aux appels que lancent les Tamoul·e·s dans les rues de l’Europe entière. L’armée sri-lankaise poursuit le bombardement quotidien de la population civile dans la dernière poche de résistance. Deux cent cinquante mille personnes survivent sans soins ni médicaments dans quelques dizaines de km2. Quatre cent cinquante mille personnes habitent les 278 km2 du canton de Genève.
Le régime sri-lankais refuse avec constance de reconnaître l’égalité des droits au peuple tamoul, il empêche les livraisons des soins et des produits de première nécessité.
Les Tamoul·e·s ne veulent pas la guerre, répétait à Berne ce 30 mars le Forum des Tamouls de Suisse. Nous reproduisons ici sa lettre ouverte :
« Chères Suissesses, Chers Suisses,
Nous voulons exprimer de nouveau à tous les Suissesses et Suisses nos plus chauds remerciements - vous nous avez acceptés quand nous venions comme réfugiés traumatisés dans votre pays, vous nous avez montré la compassion et avez partagé tous vos biens avec nous […]
Chaque jour, le gouvernement cingalais du Sri Lanka tue des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants tamouls, il les chasse de leur territoire et il les discrimine systématiquement. Oui, il y a même des enfants à naître qui sont tués dans le ventre de leur maman avec une brutalité incroyable – les femmes sont, en règle générale, abattues. Les événements au Sri Lanka signifient la dérision et la raillerie de l’humanité et donc pour toute la race humaine. La double honte apparaît en ce que cette race humaine, le monde politique international, ferme les yeux devant ces massacres et ces atrocités commises au Sri Lanka. Plus encore : la distorsion des représentations des événements ont nui et nuisent énormément à l’image des Tamouls dans le monde entier […] Dans ce contexte, nous demandons à la Suisse et à la communauté internationale d’exiger que…
Les deux parties en guerre acceptent l’admission des observateurs de guerre internationaux et en plus des organisations humanitaires dans les régions assiégées ;
Les médias et la liberté d’opinion soient pleinement garantis. De même, des journalistes critiques doivent être admis et assurés de pouvoir poursuivre leur travail en toute sécurité et sans aucun obstacle ;
Le droit international, qui est aussi notre droit fondamental, soit reconnu : en effet, notre droit à l’autodétermination, notre nationalité ainsi que notre pays d’origine sur l’île du Sri Lanka ;
Les Tigres de Libération de l’Eelam Tamoul (LTTE) soient reconnus en tant que nos représentants choisis et officiels et que nos représentants officiellement choisis ne soient pas interdit ; […]
Nous voulons l’Eelam Tamoul !!! »
Le devoir de mémoire ? Une solidarité active !
Le 23 février, 2500 Tamoul·e·s avaient rendu à Genève un dernier hommage à Murukathasan qui s’était immolé par le feu le 12 février sur la Place des Nations parce que « les flammes sur [son] corps, [son] cœur et [son] âme encourageront la communauté internationale à se pencher, en profondeur et de façon humaine, sur les souffrances énormes des Tamouls sri-lankais ».
D’autres désespoirs, d’autres appels héroïques et lumineux jalonnent un passé et une actualité insupportables. Il est encore temps de les écouter.
Stefan Lux, homme de lettres juif tchèque, s’est suicidé à Genève le 3 juillet 1936 à la Société des Nations pour alerter le monde sur l’antisémitisme allemand. La guerre d’Espagne commençait, la deuxième Guerre mondiale éclatera à sa fin. Sa lettre-testament au Premier ministre britannique disait : « Quand un homme prend la parole avant la mort qu’il a choisie librement, après mûre réflexion, il a le droit d’être entendu. »
Szmul Zygielbojm, juif déporté dans le ghetto de Varsovie, se suicide à Londres le 12 mai 1943, au lendemain de l’écrasement de l’insurrection : « Mes camarades du ghetto de Varsovie ont succombé, l’arme au poing, dans un dernier élan héroïque […] Par ma mort, je désire exprimer ma protestation la plus profonde contre la passivité avec laquelle le monde observe et permet l’extermination du peuple juif ».
Yaguine Koita et Fodé Tounkara, deux adolescents guinéens, ont été retrouvés morts à Bruxelles le 2 août 1999 dans le train d’atterrissage d’un avion de la Sabena en provenance de Conakry, ils portaient sur eux la lettre qu’ils avaient écrite : « […] Pour l’amour de votre continent, pour le sentiment que vous avez envers votre peuple et surtout pour l’affinité et l’amour que vous avez pour vos enfants que vous aimez pour la vie […] si vous voyez que nous nous sacrifions et exposons notre vie, c’est parce qu’on souffre trop en Afrique et qu’on a besoin de vous pour lutter contre la pauvreté et pour mettre fin à la guerre en Afrique. […] Et n’oubliez pas que c’est à vous que nous devons nous plaindre de la faiblesse de notre force en Afrique. »
Karl Grünberg
ACOR SOS Racisme