Les plans de suppressions d’emplois, les fermetures d’entreprises se multiplient et la colère monte chez les salariés concernés.
Le gouvernement et le patronat veulent profiter de la crise pour avancer dans les réformes libérales et les actionnaires entendent bien maintenir leur marge en utilisant les salariés comme variable d’ajustement.
Après le19 mars, comme au soir du 29 janvier, les millions de grévistes et de manifestants n’ont pas réussi à infléchi cette politique…Alors, que faire ? Un important sentiment d’incompréhension s’est répandu depuis 15 jours dans les milieux syndicaux combatifs.
L’unité syndicale maintenue est sûrement un atout pour mobiliser ensemble. Mais c’est un outil pour gagner, pas une fin en soi… ….
Alors, le 1er Mai comme seule perspective ? Qui peut dire sérieusement que le but des directions confédérales est de construire un rapport de force pour faire mettre un genou à terre au patronat et au gouvernement, comme l‘ont fait les Guadeloupéens ?
Ce n’est visiblement pas leur but. La direction CFDT a le mérité de la clarté, elle qui disait clairement qu’il n’était pas question de nouvelle date de grève et qui se satisfait des « débuts de réponses » que sont pour elle la création du « fonds d’investissement social », et le décret-bidon sur les rémunérations des dirigeants d’entreprises qui va toucher quelques dizaines de patrons, au plus !
LA CGT, plus discrète à applaudir les « avancées » du gouvernement, l’est, malgré tout, tout autant pour avancer un projet de mobilisation d’ensemble….et met toutes ses forces pour un 1er Mai massif et unitaire en proclamant que les salariés « jouent la gagne ». De même Force Ouvrière qui tout en menaçant d’une nouvelle journée de grève, se satisfait du cadre de l’Intersyndicale.
La FSU avait manifesté la nécessité d’une nouvelle journée au mois d’avril, et Solidaires dans un communiqué de son Bureau national réaffirme « Si une grève générale ne se décrète pas, ne pas proposer cette perspective, ne pas l’organiser, c’est faire en sorte qu’elle n’ait pas lieu. Au contraire, nous pensons qu’il est de la responsabilité du mouvement syndical, aujourd’hui, d’y travailler. ». C’est vrai, et justement ce n’est pas le chemin que prend le front intersyndical. Pas plus qu’il ne cherche à souder ensemble les salariés des entreprises touchées par les plans de fermetures et de suppressions d’emplois pour réaliser une mobilisation nationale pour interdire les licenciements et défendre tous les emplois.
A ce jeu de saute-mouton, une nouvelle initiative (peut-être ?) au mois de juin et les vacances d’été arriveront.
La stratégie de l’essentiel des directions syndicales est seulement de rappeler leur présence au gouvernement et à Sarkozy pour tenter d’obtenir quelques limites à l’offensive patronale. Mais elles n’envisagent nullement de construire un mouvement d’ensemble, une grève générale qui imposerait l’interdiction des licenciements, le paiement à 100% par le patronat du chômage partiel, et de réelles augmentations de salaires.
Pourtant, l’aspiration existe réellement pour aller dans ce sens. Des revendications de cet ordre, et d’autres plus détaillées, apparaissent dans des déclarations d’intersyndicales locales, de syndicats CGT, dans l’appel de Solidaires. Ces mêmes appels critiquent la tactique de journées ne visant pas réellement à créer un rapport de force.
Il faudra faire en sorte que ces voix se fassent entendre et dépassent les blocages existant dans le mouvement syndical.
7 avril 2009
Luttes et débats : l’après-19 mars en pratique
Tout le syndicalisme est traversé par des débats intenses sur l’absence de suites au 19 mars.
Les directions syndicales sont-elles coupées du salariat en attente de nouvelles perspectives, comme le laisse penser un sondage BVA d’après-19 mars ? Rarement, on aura vu une telle floraison de motions, d’appels, d’assemblées, exprimant inquiétude ou colère, avec des décisions locales passant aux actes. Mais un autre sondage Ifop montre aussi que, si les secteurs combatifs refusent d’attendre, une partie du salariat tourne maintenant son espoir vers le syndicalisme (57% d’opinions positives globales, 60% chez les ouvriers, 65% pour les moins de 35 ans), y compris les jeunes. Les deux mouvements (colère des plus combatifs, espoir des secteurs « neufs ») ne se contredisent d’ailleurs pas.
La réunion nationale extraordinaire des structures CGT, le 1er avril, a confirmé les critiques et le besoin de discussion. La secrétaire confédérale, Maryse Dumas, ne fait pas mystère du nombre élevé d’interpellations. Mais, parmi elles, les propositions concrètes sont difficiles à formuler et à faire converger pour s’imposer. S’il ne fait pas de doute qu’une partie de l’intersyndicale nationale ne veut absolument pas de confrontation, toute la question est de savoir comment exercer la meilleure pression sans diviser ou sans s’isoler.
L’exigence de précision revendicative (le B-A-BA du syndicalisme) est, de ce point de vue, décisive. Mais même la CGT ne cherche pas à détacher, pour mener le débat, quelques revendications précises (que ses militants soutiennent souvent sur le terrain, comme les 200 euros). Elle s’en tient à une exigence de « négociation », mais sur quoi ? Seul le bureau national de Solidaires met en avant « cinq mesures d’urgence » (licenciements, salaires, services publics, fiscalité, statut salarial) et défend la « grève générale interprofessionnelle ». Car « ne pas la proposer […], c’est faire en sorte qu’elle n’ait pas lieu ». Solidaires défend le « pluralisme » du débat syndical et appuie la construction de « collectifs » militants diversifiés. Pour autant, Solidaires reste dans l’intersyndicale. C’est décisif, alors que certaines structures se posent la question de l’efficacité de l’unité, y compris dans les rangs de la CGT.
Commencent à s’accumuler les dates d’actions locales unitaires : le 8 avril, au Havre et à Auxerre, le 14 avril, à Besançon, le 29, dans le Val-d’Oise. La CGT a d’ailleurs annoncé un mois d’avril très « occupé », laissant entendre que cela ferait pression pour une nouvelle grève courant mai. A Paris, l’assemblée des syndiqués CGT a discuté d’une initiative. D’autres secteurs estiment, au contraire, que l’échelon local est vain, car la réponse ne peut être que globale. Parce que, comme le dit Pascale Montel, des métaux CGT du Nord (La Voix du Nord, 5 avril) : « C’est aujourd’hui qu’on licencie, qu’on casse les taules, qu’il y a des pertes de salaires de 300 euros pour certains salariés. Ce n’est pas en se battant seuls qu’on peut gagner. »
Dominique Mezzi
* Paru dans « Tout est à nous » (TEAN) n° 3, 9 avril 2009.
Climat social : l’extension de la révolte
mercredi 22 avril 2009
Le climat social se tend et les luttes se radicalisent.
A la fin de la première semaine d’avril, alors que les salariés de Sony, de 3M, de Caterpillar et de Scapa, qui vont être jetés à la rue parce que les patrons de ces groupes ont décidé de fermer leur usine, avaient déjà retenu pendant quelques heures plusieurs de leurs cadres, Sarkozy menaçait : « Je ne laisserai pas faire les choses comme ça. » La ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse, de son côté, parlant du mouvement des universités, condamnait « la violence, la séquestration des présidents et les menaces de boycott des jurys du bac ».
Mais les actions dans les universités mobilisées comme celles des salariés licenciés ou en chômage partiel n’ont pas cessé pour autant, faisant au contraire tache d’huile. Sur un des sites de Faurecia, une filiale du groupe automobile Peugeot qui prévoit de supprimer 1215 postes, trois cadres ont été retenus pendant plusieurs heures. Chez ArcelorMittal, les syndicats de l’usine de Florange (Moselle), dont le trust ferme les deux hauts-fourneaux pour une « durée indéterminée » ont décidé d’occuper le centre d’aiguillage. A Valenciennes, où une grève avait débuté à Toyota le 6 avril pour le paiement à 100 % du chômage partiel, les salariés ont bloqué les accès de l’usine. Comme également ceux de Caterpillar à Grenoble et à Echirolles.
Et voilà que, grâce à leur détermination, les salariés d’ERDF-GRDF, dont la grève était ignorée d’une façon scandaleuse par les médias, ont réussi à percer le mur du silence. Fillon et Hortefeux ont violemment attaqué les grévistes et les « coupures sauvages » cyniquement taxées de « sabotages » par ceux qui n’ont eu de cesse de saboter le service public et de choyer les actionnaires des grands groupes responsables de la crise et des licenciements. Or les grévistes gaziers et électriciens n’effectuent pas des coupures au hasard, mais ciblent les immeubles administratifs, les centres commerciaux ou les zones industrielles. Mieux, ils ont dans certains endroits réalimenté des logements privés d’électricité pour facture impayée ou fait passer certains quartiers en tarif heures creuses, comme à Morlaix. De quoi faire se retourner les calomnies des ministres contre le gouvernement, ce qui, nous l’espérons, ne manquera pas d’arriver.
Ce qui inquiète le gouvernement, comme aussi les dirigeants du PS ou Bayrou qui ont condamné la « violence » tout en disant comprendre le « désespoir » des salariés, c’est que ces actions, ces occupations ou blocages d’usines, la grève des gaziers et des électriciens, sortent des cadres institutionnels à l’intérieur desquels ils voudraient les voir rester, sous le contrôle de la direction des appareils syndicaux. C’est là d’ailleurs, pour les classes dirigeantes, le revers de la passivité des directions syndicales. Les salariés, qui en ont assez des journées d’action sans lendemain, prennent des initiatives par eux-mêmes et s’organisent. Et ce n’est pas un hasard si l’éditorial du Figaro du 9 avril exprimait de la hargne contre le LKP en Guadeloupe ou la coordination nationale des universités, « collectifs d’individus qui parviennent à imposer leurs diktats au plus grand nombre. » Car, pour tous ces gens-là, contester la liberté de nuire de la minorité richissime qui décide du sort de millions de salariés, cela ne peut être que manipulation et dictature.
Face aux menaces du patronat et du pouvoir, il est plus que jamais nécessaire que soit apporté un soutien unitaire, le plus large possible, à ces luttes, d’aider à leur convergence et à ce qu’elles puissent déboucher sur une grève générale.
xxx
* Paru dans « Tout est à nous » (TEAN) n° 5, 23 avril 2009.
Europe Solidaire Sans Frontières


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