POINTE-A-PITRE, 1 mai 2009 (AFP) - Le leader du NPA Olivier Besancenot a défilé vendredi en Guadeloupe dans un cortège formé de 13 organisations syndicales membres du LKP, à l’origine de la récente grève générale dans l’île, et qualifié sa présence de « coup de chapeau » à ce mouvement.
Plusieurs milliers de personnes (30.000 selon les organisateurs) ont défilé à Petit-Canal (nord de la Grande-Terre), ville natale du syndicaliste Jacques Bino, tué par des émeutiers lors de la grève générale.
Olivier Besancenot a défilé dans le groupe constitué par les militants de la centrale syndicale indépendantiste CTU, proche de ses idées. Interrogé durant le défilé par une journaliste de RCI, il a déclaré que sa présence était destinée à « faire un coup de chapeau à cette mobilisation ici et un clin d’oeil à la mobilisation en France, qui ferait bien de s’inspirer de ce qui a été fait ici en rassemblant les forces au même moment et au même endroit ».
A l’issue du défilé, qui s’est déroulé sans incident, les manifestants ont pu se rendre dans un « village du 1er mai » implanté dans un parc paysager de Petit-Canal, où syndicats et artistes, bistrots forains et buvettes ont installé des stands.
Les 13 organisations syndicales organisatrices du défilé sont membres du Lyianaj kont pwofitasyon (Mouvement contre l’exploitation outrancière, LKP), à l’origine de la grève générale qui avait affecté la Guadeloupe durant 44 jours. Le mouvement qui a agité la Guadeloupe est régulièrement citée en exemple par les mouvements d’extrême gauche.
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AFP
Guadeloupe : derrière la manifestation, des questions entières sur l’avenir
Petit-Canal (Guadeloupe), envoyée spéciale
Poignée de main et échange cordial, mais pas de défilé commun pour Olivier Besancenot et Elie Domota, lors du 1er mai à Petit-Canal, bourg de Guadeloupe où a été enterré, en février, le syndicaliste Jacques Bino.
Le secrétaire national du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), cornaqué par la Centrale des travailleurs unis (CTU), a fait, comme les quelque 20 000 manifestants, sa marche de 4 km sous un soleil brûlant, loin du porte-parole du LKP. Pour ce « 1er Mé kont tout’pwofitasyon », les organisateurs syndicaux ont jugé que sa place était « dans le cortège, pas dans le carré de tête », puisqu’il représentait un parti politique.
Venu saluer le mouvement social, l’ex-porte-parole de la LCR ne se laisse pas gâcher son plaisir : « Eux ont réussi à déplacer des montagnes, par la grève générale. Il ne s’agit pas d’importer un modèle. Mais ils ont trouvé une forme d’unité et de radicalité. » Ainsi se plaît-il à imaginer qu’un jour, « les Conti, les Caterpillar, les Molex », victimes de plans sociaux, défilent tous ensemble dans les rues. On le salue, on lui sourit, sans le porter aux nues. « Il y a en Guadeloupe une forme de nationalisme ombrageux qui récuse le mythe du papa blanc, investi de je ne sais quelle supériorité culturelle », note, dans le cortège, l’historien Jean-Pierre Sainton.
« ETRE PLUS RADICAL »
Au-delà de cette réserve vis-à-vis du leader trotskiste, le front du LKP se fissure. Malgré ce 1er mai pour la première fois unitaire, La CTU se démarque des deux organisations majoritaires de l’île, l’UGTG d’Elie Domota et la CGTG de Jean-Marie Nomertin. Alex Lollia, figure de la CTU, juge désormais que le LKP est un mouvement « petit bourgeois ». Il assure qu’il aurait fallu organiser des « contre-Etats généraux ». « Il faut être plus radical et cesser de ménager la chèvre capitaliste et le chou colonial », tranche-t-il.
Ces éventuelles prémices à un déchirement n’ont guère affecté les milliers de manifestants qui avaient garé leur voiture jusqu’à des kilomètres à la sortie de la ville, le long des champs de canne. Jocelyne, 51 ans, assistante de direction dans le privé, n’a pas fait 44 jours de grève, mais a « toujours soutenu le mouvement ». Mère d’un garçon et d’une fille de 18 ans et 22 ans, elle se demande « ce qui va rester pour ces enfants-là ? » Comme beaucoup de Guadeloupéens, elle s’indigne : « On a poussé nos enfants et ils ne trouvent pas leur place, c’est ça qui ne va pas. »
Celles-ci sont très jeunes : Iris, 10 ans, Ylda, 9 ans, et leur cousine Moïssa, 6 ans, marchent avec vaillance, la langue bien pendue. « Nous, on trouve que c’est pas bien ce qu’il fait Nicolas Sarkozy, alors on manifeste », explique Ylda. Une tante les surveille du coin de l’œil. Lydia, 43 ans, a une petite entreprise artisanale, dans le bâtiment, trois salariés en ce moment. « L’activité reprend très doucement. Le plan Corail (mis en place par Yves Jego pour soutenir les entreprises), ça marche pour ceux qui n’avaient pas de problèmes avec leur banque », déplore-t-elle.
Le long du trajet, les « sinobol » (snow-balls), de la glace rabotée avec du sirop, se vendent jusqu’à plus soif. Le cortège s’égaye dans un grand pré, bordé d’arbres en fleurs, pour écouter Elie Domota fustiger les Etats généraux.
On peut encore acheter « trico officiel à LKP », le tee-shirt siglé sur fond jaune, mais on sent bien que la fête est finie. Marlène Mélisse, conseillère régionale PS, qui a assisté, mercredi, à Basse-Terre, aux débuts discrets des Etats généraux - moins de 300 personnes - regrette : « Il faudra pouvoir entendre ceux qui étaient dans la rue. »
Béatrice Gurrey
*Article paru dans Le Monde, édition du 3 mai 2009. LE MONDE | 02.05.09 | 14h38 • Mis à jour le 02.05.09 | 14h38.